PLACE VERSAILLES : PLUS DE LOGEMENTS SOCIAUX DEMANDÉS
Le projet de réaménagement de la Place Versailles, qui est présentement à l’étude à l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), ne prévoit pas assez de logements sociaux et abordables, dénoncent des élus de l’Opposition à la Ville de Montréal. Les membres d’organismes en défense du droit au logement abondent dans le même sens.
Dans un mémoire déposé cette semaine, les conseillers de la Ville d’Ensemble Montréal de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM), Alba Zuñiga Ramos et Julien Hénault-Ratelle, affirment que les plans déposés par les propriétaires de la Place Versailles, ainsi que les firmes Provencher_Roy et BC2 proposent « une offre en matière de logements sociaux et abordables largement insuffisante pour répondre aux besoins des Montréalais à faibles revenus, qui subissent de plein fouet la crise du logement ».
En effet, moins de 10 % des logements projetés sont sociaux et abordables, puisque sur les 5 202 unités qui devraient être construites, 471 sont catégorisées « sociocommunautaires », tandis que 42 sont « abordables ». La vaste majorité des unités au programme tombe dans la catégorie « condos et locatifs » (3 973), ou représente des résidences pour 55 ans et plus (311) ou encore des résidences privées pour aînés (405).
« On aurait espéré que la Ville prenne plus de leadership pour exiger plus de logements sociaux et abordables. Dans ses négociations avec le promoteur, l’équipe de Mme Plante prévoit accorder une dérogation au projet pour pouvoir construire jusqu’à 25 étages en hauteur. Cela va venir transformer le quartier, et on se serait attendu à ce que la Ville applique au moins sa politique du 20-20-20 », souligne en entrevue Mme Zuñiga Ramos. Ensemble Montréal considère le RMM comme étant un échec et souhaite l’abolir.
En effet, le Règlement pour une métropole mixte (RMM), mis en place en 2021, exige des promoteurs immobiliers qu’ils incluent 20 % de logements sociaux, 20 % de logements abordables et 20 % de logements familiaux dans leurs projets, sans quoi ils se voient forcés de verser une compensation financière à la Ville en proportion à la taille dudit projet. C’est cette seconde option qu’ont choisie les propriétaires de la Place Versailles.
La conseillère de Ville d’Ensemble Montréal se désole aussi du fait qu’on n’a pas pris en compte le « contexte particulier » du secteur au sujet des transports. À proximité de la station de métro Radisson, le site a un fort potentiel pour les transports en commun, mais l’accessibilité au réseau montréalais est déficiente, souligne l’élue. « Les escaliers à Radisson sont très longs et pas très conviviaux. Si comme moi, vous êtes un parent qui doit monter une poussette jusqu’en haut des marches, vous savez à quel point ce n’est pas accessible. La Ville aurait dû penser à interpeller le ministère des Transports à Québec pour mettre en place des plans pour améliorer l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et les intégrer au projet de la Place Versailles », soutient Mme Zuñiga Ramos.
Retards importants à rattraper
Contacté par EST MÉDIA Montréal, le cabinet du maire de MHM, Pierre Lessard-Blais, a réagi aux conclusions tirées dans le mémoire de l’Opposition officielle. On rappelle dans un courriel qu’avant l’arrivée du RMM, adopté par l’administration de Projet Montréal, « aucune obligation de contribution n’existait, et le désintérêt des administrations précédentes pour le logement abordable et social est l’une des causes du retard important d’investissements publics dans ce domaine ». Sans le RMM, l’obligation d’inclure du logement social aurait pu être de 0 %, ajoute-t-on.
« Il est paradoxal que l’Opposition dénonce l’insuffisance de l’offre de logement social et abordable, alors que la même formation politique s’oppose au RMM et trouve que les contributions pour le logement social demandées aux promoteurs sont trop exigeantes », poursuit le cabinet de M. Lessard-Blais dans son courriel.
L’administration de MHM affirme qu’elle prendra position sur le projet après le dépôt du rapport de l’OCPM et sa bonification.
Crise de disponibilité ou d’abordabilité?
Du côté de l’organisme Infologis de l’Est de l’Île, qui a lui aussi déposé un mémoire devant l’OCPM cette semaine, on demande que « le RMM soit respecté dans son intégralité in situ » dans le cadre du projet de la Place Versailles.
« On l’a vu durant les dernières années, le règlement est trop souple et les promoteurs peuvent trop facilement se désister en payant la compensation financière. Il faut revoir cela », indique Lili Bergeron, organisatrice communautaire pour Infologis.
Celle-ci note que la Ville a déjà « manqué plusieurs occasions » d’inclure du logement social et abordable dans d’autres grands chantiers en développement dans l’est de Montréal, incluant dans le projet de tranformation des Halles d’Anjou, où l’ensemble des unités prévues seront privées et au prix du marché. « Dans ce dernier cas, l’OCPM a déjà recommandé que l’on incorpore du logement social, mais la Ville et le maire d’Anjou ont ignoré ces recommandations. À quoi ça sert de prendre le temps de présenter un projet à l’OCPM si les recommandations ne sont pas prises en compte? », martèle Mme Bergeron.
À l’instar des Halles d’Anjou, la Place Versailles tente de répondre à la crise du logement qui sévit actuellement dans Montréal en augmentant le nombre d’unités disponibles, ce qui est une erreur stratégique selon l’organisatrice communautaire. « La crise que l’on vit en est une d’abordabilité, pas de disponibilité. Créer de nouvelles unités privées, qui seront inabordables pour la plupart des ménages, ne fait que mettre de l’huile sur le feu. Cela fait grimper les prix des logements dans le secteur », conclut-elle.
Dans son mémoire, Infologis rappelle que 23,7 % des locataires de Mercier-Ouest, secteur dans lequel est situé le site de la Place Versailles, consacrent plus de 30 % de leur revenu à se loger. Le prix moyen pour se loger dans le secteur serait de 1 577$ en 2024, selon les données compilées par l’organisme, soit une augmentation de 16,1 % par rapport à 2023.