PAT : QU’ADVIENT-IL DES PATIENTS APRÈS LA FERMETURE DE LA POLYCLINIQUE?
Depuis la fermeture de la polyclinique de Pointe-aux-Trembles (PAT) cet été, aucun patient n’a été laissé sans suivi par son médecin de famille, assure le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Toutefois, le milieu communautaire du secteur observe que de nombreux patients font désormais face à des obstacles accrus pour accéder aux soins de santé.
Lors d’une assemblée organisée ce mardi, les partenaires de la Corporation de développement communautaire (CDC) de la Pointe ont reçu une mise à jour sur la situation depuis la fermeture de la clinique en Groupe de médecine de famille (GMF) de Pointe-aux-Trembles le 31 juillet dernier.
Aucun usager n’aurait perdu son clinicien dans les cinq derniers mois, ont souligné des représentantes du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal lors d’une séance d’information.
Avant que la polyclinique ne mette la clé sous la porte, deux médecins avaient annoncé leur intention de prendre leur retraite. Par ailleurs, cinq médecins de famille, dont une actuellement en congé de maternité, deux médecins spécialistes, une infirmière praticienne en soins de première ligne, deux infirmières et un travailleur social ont rejoint le GMF-Réseau du Centre médical Hochelaga, situé à six kilomètres de l’ancienne polyclinique de Pointe-aux-Trembles.
« Il n’y a aucun citoyen qui a perdu son médecin. Le lieu de pratique a changé. Certains ont à faire quelques kilomètres supplémentaires pour aller voir leur médecin. On s’est assuré que les communications soient faites entre les médecins et les différents patients, afin qu’ils puissent savoir où leur médecin pratique désormais et si jamais ils ne veulent pas suivre leur médecin dans cet autre lieu, qu’ils puissent obtenir toute l’information nécessaire pour s’inscrire au Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF) », a expliqué Thaïs Dubé, directrice des communications au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.
Selon celle-ci, environ 13 % de la population du territoire de la Pointe-de-l’Île (comprenant Anjou, Mercier-Est, Montréal-Est, Pointe-aux-Trembles et Rivière-des-Prairies) n’a pas accès à un médecin, car ces personnes ne sont pas inscrites auprès d’un clinicien ou sur le GAMF. D’après des données présentées par le CIUSSS, le nombre de rendez-vous sur ce territoire a augmenté au cours de la dernière année, malgré la fermeture de la polyclinique PAT. Ainsi, en 2023, 307 771 rendez-vous avaient été pris, tandis que de janvier à novembre 2024, on comptabilisait 314 010 rendez-vous, soit environ 7000 de plus.
Dans la Ville de Montréal-Est, voisine du quartier de PAT, la fermeture de la polyclinique n’a pas eu de conséquences néfastes pour les résidents, a soutenu la mairesse Anne St-Laurent.
« Nous avons notre propre GMF avec une pharmacie adjacente. C’est certain que ce qui m’inquiéterait, c’est si celle-ci venait à fermer, car on serait dans le pétrin, mais pour l’instant tout va bien », a indiqué l’élue.
C’est plutôt un enjeu de manque d’espace qui risque de préoccuper cette clinique, a reconnu Mme St-Laurent, car le propriétaire du GMF de Montréal-Est chercherait à agrandir ses installations. « Malheureusement, nous n’avons pas sous la main de locaux plus grands à la Ville », a soutenu la mairesse. La Ville de Montréal-Est est propriétaire de l’immeuble où est logée la clinique locale, au rez-de-chaussée de son hôtel de ville.
Un obstacle à l’accès aux soins
Quoi qu’il en soit, l’offre en santé ne s’est pas améliorée depuis les derniers mois sur le territoire, a observé Jonathan Roy, directeur général de la CDC de la Pointe. « Selon nos constats, les gens vivent plus d’attente pour avoir accès à des soins et ils ont perdu un service plus personnalisé, parce qu’il y avait une équipe d’accueil ici. On a quand même une perte de proximité. Même si on dit que les gens ont été suivis et qu’ils ont accès à leur médecin, on sait que dans la transition, ça n’a pas été facile. »
Il souligne que l’est de l’île, notamment le quartier de Pointe-aux-Trembles, présente des particularités démographiques qui requièrent la mise en place de soins de santé spécialisés. Le vieillissement de la population, qui est un peu plus prononcé dans ce secteur, crée entre autres une demande pour des services orientés vers la gériatrie et une offre adaptée aux défis que doivent surmonter les aînés, en littéracie numérique, par exemple.
Le directeur général de la CDC ajoute que le milieu communautaire souhaite faire partie de la solution et être impliqué dans la mise en place d’une offre de service renouvelée à PAT.
Un nouveau centre médical en 2026?
Selon un article d’EST MÉDIA Montréal paru en octobre dernier, l’ouverture d’un nouveau pôle santé à PAT serait prévue pour 2026. L’information avait été rapportée par Rémi Boulila, fondateur et PDG du Centre Médical Mieux-Être (CMME), qui a récemment fait l’acquisition de la Polyclinique Levasseur dans l’arrondissement de Saint-Léonard.
« On espère être capable de respecter ce délai », avait-il affirmé en entrevue. Ce dernier, ainsi que le président et chef de la direction de la Société de développement Angus, Christian Yaccarini, avaient confirmé mener des discussions en vue de l’implantation d’un complexe médical à PAT. Les deux parties avaient fourni peu de détails à ce sujet, le dossier étant encore à ses prémices.
Questionnée à ce propos, la directrice des communications au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal a affirmé que « pour le moment il n’y a rien de confirmé par rapport à quoi que ce soit ».
« Le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, n’a aucun droit de regard sur l’ouverture d’une nouvelle clinique. Si l’on sait qu’un groupe « X,Y,Z » a l’intention d’en ouvrir une, cela va de soi que l’on va se mettre en contact avec eux, parce que c’est ce qu’on souhaite pour le territoire », a-t-elle renchéri. Les CIUSSS sont responsables de coordonner les communications entre les patients et les médecins dans les cliniques sur le territoire et doivent mobiliser les professionnels de leur réseau en soutien aux cliniciens, comme les infirmières.
Le modèle coopératif à considérer
Pour sa part, Jean-Pierre Girard, chargé de cours au Département organisation et ressources humaines de l’École des sciences de la gestion à l’UQAM, a suggéré aux membres de la CDC de la Pointe d’explorer la possibilité de créer une clinique sous forme de coopérative à PAT.
Ce modèle offrirait de nombreux avantages comparativement aux cliniques privées et au réseau public. « [Dans une clinique communautaire] l’organisation du service ne répond plus à une logique étatique (…) ou une logique privée, comme dans un GMF. C’est donc ni étatique ni une logique capitaliste, on est plutôt dans une logique d’essayer de maximiser la qualité des services pour les citoyens », a insisté le professeur, auteur du livre Notre système de santé, autrement : L’engagement citoyen par les coopératives.
Ce dernier a donné l’exemple de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, fondée dans les années 1960 par des étudiants en médecine pour répondre aux problèmes de pauvreté rencontrés dans ce quartier de l’arrondissement du Sud-Ouest.
« Ce sont les citoyens de Pointe-Saint-Charles qui décident comment se donnent les services de santé dans leur clinique. Ils sont engagés dans les déterminants sociaux de la santé. Les médecins sont payés à salaire et non pas à l’acte, comme on a vu ici à PAT. Ce ne sont pas des entrepreneurs », a-t-il énoncé.
Outre le départ de plusieurs médecins, l’entreprise Tooleto, propriétaire de la clinique de Pointe-aux-Trembles, avait évoqué des difficultés de recrutement du personnel médical et un manque de viabilité financière, notamment en ce qui concerne l’entretien de l’immeuble, pour justifier la fermeture de l’établissement en juillet dernier.