Un concept d’aménagement de la passerelle au dessus de l’ancienne carrière Francon (Courtoisie Ville de Montréal)

UNE PASSERELLE SURVOLERA L’ANCIENNE CARRIÈRE FRANCON

La création d’une passerelle traversant l’ancienne carrière Francon, dans le quartier Saint-Michel, constituerait une première étape pour remédier à une fracture urbaine qui affecte les résidents du secteur depuis des décennies, entrevoit l’administration locale. Selon un groupe communautaire du milieu, il faudrait toutefois en faire davantage pour réellement redonner aux citoyens cet espace.

Un chantier de 10 M$ sur deux ans dont la fin est prévue pour 2029 : c’est ce qu’anticipe la mairesse de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension (VSP), Laurence Lavigne Lalonde, pour relier d’est en ouest la rue Jean-Rivard.

« C’est un engagement que j’ai pris durant la campagne électorale de 2021, car cela fait des années que les citoyens se plaignent que cette carrière est une cicatrice. Donc, pour leur permettre d’accéder à des services de part et d’autre de la carrière, on a commencé, à l’arrondissement, à travailler sur une étude de préfaisabilité », explique Mme Lavigne Lalonde.

La mairesse de VSP, Laurence Lavigne Lalonde (Emmanuel Delacour/EMM)

Lors d’une précédente entrevue avec EST MÉDIA Montréal, la mairesse avait estimé qu’un tel lien pourrait épargner aux citoyens situés à l’est du dépôt à neige entre « 20 ou 30 minutes » pour se rendre au parc George-Vernot, situé du côté sud-ouest.

Selon les premières analyses de VSP, il serait possible de créer une voie longue de près de 250 mètres pour les déplacements actifs, à pied et à vélo, au-dessus de l’ancienne carrière Francon, qui occupe une superficie de 94 hectares, soit environ 98 terrains de soccer. Ce sont 60 % du site qui sont aujourd’hui utilisés comme dépôt pour la neige collectée par la Ville de Montréal.

Après consultation des équipes des ponts et tunnels à la Ville centre, le projet figure désormais parmi les priorités de Montréal, étant inscrit au programme décennal d’immobilisations (PDI) 2025-2034.

Besoin de projets structurants

Pour Eric Allen, directeur de PARI St-Michel, un organisme qui milite pour un aménagement harmonieux du quartier, la proposition de la mairesse est « un pas dans la bonne direction ». « On vit de grands défis au niveau de la mobilité dans l’axe entre les boulevards Pie-IX et Saint-Michel. Pour les jeunes qui se rendent à la polyvalente [Louis-Joseph-Papineau] et les travailleurs, ça représente de longs trajets que de contourner la carrière Francon », reconnaît-il.

Cette ancienne carrière demeure une « plaie ouverte » dans le quartier, qu’il faut s’affairer à cicatriser, souligne M. Allen. « Il faut aller plus loin. Nous avons fait beaucoup d’idéation sur le sujet dans les dernières années pour que l’on se réapproprie ce terrain. »

Eric Allen, directeur du PARI St-Michel. (LinkedIn)

La table de quartier Vivre Saint-Michel en santé a quant à elle produit plusieurs études et propositions documentées sur son site internet. M. Allen, qui siège au conseil d’administration de l’organisme, évoque notamment une usine de traitement des neiges permettant d’éliminer les contaminants. En recyclant la neige directement sur place, ces installations occuperaient beaucoup moins d’espace, libérant ainsi du potentiel pour d’autres projets sur le site.

Pour sa part, la mairesse de VSP reste prudente et hésite à s’engager dans des projets d’une telle envergure. « Je ne veux pas présenter des projets de ce type, je ne veux pas vendre du rêve. Je veux pouvoir mettre de l’avant des actions concrètes », affirme Mme Lavigne Lalonde. Cette dernière cite aussi le manque « d’appétit » de la part des gouvernements fédéral et provincial dans le financement de tels chantiers.

Pourtant, quelques centaines de mètres plus à l’ouest, le projet de la carrière Miron, ancien dépotoir désormais transformé en complexe environnemental et logeant le parc Frédéric-Back, est un exemple de réussite.

La mairesse rappelle toutefois que ce projet aura pris des années de planification et qu’il n’est pas encore terminé. Il a été rendu possible par le remplissage de cette ancienne carrière avec des déchets pendant des décennies. « Il nous faudrait 70 ans, et je ne sais combien de centaines de milliers de camions, pour remplir ce trou. Il faut trouver d’autres solutions et ce que je veux faire en ce moment, c’est qu’on se concentre sur des choses concrètes. »

Le réaménagement du parc George-Vernot au coût de 11 M$, lancé cette année et qui se terminera en 2025, est un de ces actes « concrets » mentionnés par la mairesse.

À terme, le parc sera étendu par l’ajout de terrains voisins. L’un de ces nouveaux espaces comprendra un jardin communautaire, l’ancien terrain du Jardin Michelois ayant été transféré pour la construction d’un centre communautaire.

Une aire de jeux d’eau rafraîchissante et des terrains de sports, dont de soccer, de baseball, de tennis, de basketball, de pickleball, d’escalade et d’Ultimate Frisbee, seront aménagés. Un meilleur éclairage du lieu et des installations plus conviviales, incluant des espaces de pique-nique et des sentiers de marche, sont aussi au programme.

Enfin, le projet d’usine de traitement des sols, qui a été envisagé par la Ville de Montréal sur le site de l’ancienne carrière Francon, n’est pas en voie de se réaliser, rassure Mme Lavigne Lalonde. « Il n’y a pas d’études, pas de projet. La Ville a fait un recensement des lieux qui lui appartiennent et ça s’est ramassé dans une liste, mais il n’y a pas de sommes réservées pour cela. Ce n’est pas dans les cartons », insiste la mairesse, qui s’est déjà prononcée contre le projet.

De son côté, M. Allen rappelle que les résidents du quartier Saint-Michel « ont beaucoup donné » en matière de pollution et de nuisances environnementales. « Lorsque la Ville développe des projets pilotes de ce genre, il est important qu’elle consulte la population afin de s’assurer que ça soit harmonieux avec nos plans pour le quartier. »

Ouverte en 1925, la carrière Francon a été rachetée par la Ville de Montréal en 1981. Son exploitation se termine en 1986 et elle est alors convertie en dépotoir à neige. Depuis, plusieurs concepts de réaménagement ont été proposés, dont un site de camping-caravaning et la création d’un centre commercial. Ces idées ont été présentées lors de consultations publiques devant l’Office de consultation publique de Montréal, en 2008.