La maison Tétreault (Archives AHMHM)

PARCOURS HISTORIQUE : AUX ORIGINES DU QUARTIER MERCIER

Le quartier Mercier dans l’est de Montréal fêtera ses 110 ans d’existence en 2025. Mais la paroisse Saint-François-d’Assise de Longue-Pointe, située au cœur du secteur et regroupant aussi les anciens villages de Beaurivage et de Tétreaultville, célèbre cette année ses 300 ans de fondation. EST MÉDIA Montréal vous amène sur les traces de ces anciens villages grâce à un parcours historique proposé par l’Atelier d’histoire Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (AHMHM) qui vous offre de découvrir comment est né ce quartier de Montréal à travers 12 points d’intérêt.

Un lien étroit avec le fleuve

Notre balade historique s’amorce au parc Bellerive en bordure du fleuve. Un espace de stationnement s’y trouve et permet aux visiteurs de garer leur voiture facilement pour entreprendre le parcours de marche de 7,8 km dans les rues du quartier.

Le terrain du parc appartient à la Ville de Montréal depuis qu’il lui a été cédé par le Canadien Pacifique en 1893. Pendant la révolution industrielle et après, les lignes de chemin de fer qui se terminaient à cet endroit ont servi au Port de Montréal pour le chargement des navires. Ce n’est toutefois qu’en août 1964 que le parc linéaire actuel est inauguré après trois ans de négociation pour regrouper les terrains nécessaires. Malheureusement, faute de financement, la Ville décide de démolir la plus ancienne maison du quartier, la maison Archambault, qui avait été construite avant 1731 près de la rue Bellerive.

Aujourd’hui, le parc permet de rappeler la relation étroite qu’entretiennent depuis ses origines les gens du quartier avec le fleuve. Avant l’apparition des premières navettes fluviales reliant Longue-Pointe, l’île Charron et Boucherville, c’est par un pont de glace l’hiver que les communications s’établissaient entre les deux rives du Saint-Laurent, et ce, jusqu’à la construction du pont Victoria, à l’ouest du centre-ville, en 1860.

Éloigné du cœur de Montréal, Longue-Pointe a vécu pendant des décennies en quasi-autarcie grâce à l’agriculture, à la chasse et à la pêche avant que les transits ne soient facilités plus tard par le développement de l’automobile au début du XXe siècle.

Un site de combats

À l’est du parc Bellerive, sur l’avenue Mercier, l’explorateur urbain remarquera la présence d’une ancienne maison de style français qui sert aujourd’hui de garderie. Construite vers 1740 sur la terre de Pierre-Joseph Picard, cette maison se trouvait initialement au sud de la rue Notre-Dame, à l’est du ruisseau Molson. Voulant probablement éviter de répéter l’expérience de la maison Archambault, la Ville de Montréal a acquis cette maison en 1970 avant de la déménager sur son site actuel en 1986.

La maison est célèbre pour avoir été impliquée dans la bataille de Longue-Pointe de septembre 1775, au début de la guerre d’indépendance américaine, quand un groupe de miliciens américains, commandé par Ethan Allen, tente de s’emparer de Montréal. Alertées de leur présence, les troupes britanniques de Guy Carleton repoussent l’attaque au cours d’un affrontement de 90 minutes pendant lequel le révolutionnaire Allen est arrêté et fait prisonnier dans la maison de la rue Mercier, connue maintenant sous le nom de maison Allen-Picard.

La maison Allen-Picard (EMM/Alexandre Gagné)

Au temps de Tétreaultville

Poursuivant notre balade vers l’est sur la rue Bellerive, nous arrivons devant un parc où était autrefois érigé la somptueuse demeure de style victorien de Pierre Tétreault, le fondateur de Tétreaultville (en photo de couverture). Après avoir fait fortune aux États-Unis comme menuisier, Tétreault revient s’associer à Guillaume Willems pour se lancer dans la construction domiciliaire. En 1907, Tétreaultville est fondée et Willems en devient le premier maire, mais l’existence de cette municipalité est de courte durée. Comme dans les municipalités voisines de Beaurivage et de Longue-Pointe, le coût des services municipaux pèse alors très lourd sur les finances publiques. Trois ans plus tard, en juin 1910, les trois municipalités se résignent à leur annexion à la Ville de Montréal. En 1915, ce secteur est rebaptisé quartier Mercier, en l’honneur du premier ministre libéral Honoré Mercier.

Un peu plus loin, boulevard Pierre-Bernard, notre attention se porte vers une ancienne maison canadienne datant probablement du début du XIXe siècle et ayant appartenu à un certain Charles Brouillet-dit-Bernard, puis à son fils Pierre, maire de Longue-Pointe de 1905 à 1910. La maison avec ses deux cheminées et ses lucarnes est caractéristique du style des maisons qui sont construites un peu partout dans la province à cette époque. Malheureusement, une modification de zonage adoptée en 1997 a permis le développement de condos devant et derrière la propriété, l’isolant complètement du fleuve.

La maison Brouillet-dit-Bernard (Archives AHMHM)

De retour sur la rue Notre-Dame, nous revenons emprunter la rue des Ormeaux en direction nord jusqu’à l’adresse civique 2180 où se dresse toujours la maison Lonergan, une ancienne habitation de bois, propriété du Dr Georges-Henri Lonergan. D’origine irlandaise, le Dr Lonergan a habité cette résidence, qui a aussi servi de pharmacie, jusqu’à son décès en 1947. De style Second Empire, la maison avec son toit plat en fausse mansarde a toutefois perdu de son lustre d’antan alors que des travaux sur le bâtiment sont en cours depuis plus d’une décennie.

La maison Lonergan (Archives AHMHM)

Remontant la rue des Ormeaux, nous empruntons l’avenue Pierre-De Coubertin où il est impossible de rater la caserne de pompiers no 40. Construit en 1914, le bâtiment de style néo-Renaissance a toujours la même vocation. Fait à relever : cette caserne a été, jusqu’en 1936, la dernière de Montréal à employer des chevaux pour tirer ses véhicules de lutte contre le feu.

Rue Sainte-Claire, un peu plus au nord, notre balade nous conduit devant l’église Sainte-Claire, ouverte en 1925. Sa construction ne sera véritablement complétée qu’en 1960, sous la direction des pères Salésiens, avec l’ajout de la tour du clocher et des arcades de la rosace en façade.

La caserne de pompiers numéro 40 (EMM/Alexandre Gagné)

Le village Champlain

Tout juste au sud de la rue Sherbrooke, entre les rues Liébert et Curatteau, se trouve le Village Champlain, un vaste projet domiciliaire et commercial qui a vu le jour après la Seconde Guerre mondiale, entre 1949 et 1956. Inspirés par le modèle de banlieue à l’américaine, les promoteurs ont érigé plus de 400 maisons unifamiliales de type bungalow vendues, durant la première phase, autour de 6 300 $. La maison la plus médiatisée de l’époque, offerte lors d’un tirage au sort, peut encore être observée au 2760, rue Honoré-Beaugrand. D’une valeur de 10 500 $ en 1953, elle est aujourd’hui évaluée à 463 000 $. Ce secteur résidentiel forme une sorte de « compound », un quartier sécurisé où, dans ce cas-ci, il n’y a pas d’accès direct à la rue Sherbrooke. Pour desservir la population, on inaugure aussi en 1953 un centre commercial, rue Sherbrooke, encore en activité aujourd’hui.

Souvenirs de Beaurivage

De retour en bordure du fleuve, rue Notre-Dame, l’ancien Hôtel Beaurivage nous rappelle l’existence d’un village du même nom. 1898, l’année de construction de l’hôtel, dont les chiffres sont encore bien visibles sur la façade, est aussi l’année de création de la municipalité de Beaurivage, née d’un détachement de Longue-Pointe. Situé près du fleuve, le secteur attire, au début du siècle dernier, plusieurs hôteliers. Mais pour limiter les désordres publics, dès 1906, la municipalité retire graduellement les permis d’alcool forçant les hôtels à se reconvertir en restaurants. Plusieurs seront toutefois démolis lors de la construction du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

L’ancien Hôtel Beaurivage (EMM/Alexandre Gagné)

Notre parcours historique prend fin rue La Fontaine devant ce qui constitue aujourd’hui la cinquième église de la paroisse Saint-François-d’Assise. La première chapelle avait été construite en 1719 sur la longue pointe qui s’avance dans le fleuve. Les premiers registres, marquant la fondation de la paroisse, ont été ouverts en 1724 alors qu’on ne comptait que 32 familles dans le village. La première église (1724) et la seconde (1893) ont ensuite été détruites par le feu. Une troisième ne sera que temporaire avant l’ouverture d’une quatrième plus à l’ouest. Cette église sera démolie en 1964 pour faire place à l’autoroute 25. L’actuelle église, en forme de bateau, a été inaugurée en 1966 et demeure toujours le cœur de la paroisse, bercée par les eaux du fleuve.

L’église Sainte-Claire (EMM/Alexandre Gagné)

Il est possible de retrouver l’intégralité du circuit historique sur le site BaladoDécouverte ou sur la chaîne YouTube de l’Atelier d’histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.