PANDÉMIE ET RELANCE ÉCONOMIQUE : L’EST EST TOUJOURS PRIORITAIRE CONFIRME LA VILLE
S’il y a un service à la Ville de Montréal qui travaille constamment en amont, qui est plutôt habitué à planifier à moyens et longs termes, avec des projections normalement assez solides, c’est bien le Service du développement économique (SDÉ). La COVID-19, pour cette équipe stratégique de la gestion municipale, c’est le bulldozer qui est arrivé sur les chantiers, sans crier gare, et traînant sur les voies d’accotement bien des projets de développement, voire même le quotidien de l’organisation. « La pandémie est venue bousculer toutes les activités économiques de la ville, et ça nous oblige à revoir nos façons de faire, à voir l’avenir différemment, et à accélérer certainement nos processus de développement durable, entre autres. Selon moi, cette notion de transformation est enclenchée et ça va changer la planification des projets publics au niveau de tous les paliers de gouvernement, qu’on le veuille ou non, et cela même si un vaccin arrivait demain matin », affirme Véronique Doucet, directrice du SDÉ.
En entrevue avec EST MÉDIA Montréal dans le cadre du dossier spécial Est en développement, Mme Doucet et Caroline Bourgeois, mairesse de l’arrondissement de RDP-PAT et responsable des dossiers de l’est au sein du Comité exécutif de la Ville, ont insisté par ailleurs sur la volonté de la ville-centre de prioriser encore plus que jamais les efforts de développement dans l’est de Montréal. « C’était vrai particulièrement depuis la déclaration commune Québec-Montréal en décembre 2018, et je confirme que ce territoire est d’autant plus dans la mire de l’administration municipale depuis que l’on constate les lourdes conséquences que la COVID apporte à certains secteurs de l’est, comme à Rivière-des-Prairies et à Montréal-Nord, par exemple. Dans notre prochain plan de relance qui est en préparation actuellement, on travaille déjà sur l’après-pandémie et le territoire de l’est aura définitivement une part importante d’investissements », déclare Véronique Doucet.
Décontamination des sols : c’est parti!
Caroline Bourgeois annoncera quelques secondes plus tard que les travaux de décontamination ont enfin débuté sur pas moins de neuf terrains appartenant à la Ville dans l’arrondissement de RDP-PAT, dans le Secteur industriel de la Pointe-de-l’Île (SIPI). « On parle d’environ 4 millions de pi2, c’est immense comme superficie. Ça démontre que malgré la pandémie, on ne laisse pas de côté les grands projets structurants de développement annoncés pour l’est de Montréal, au contraire », explique-t-elle. Ces travaux s’effectuent dans le cadre du 100 M $ investi par Québec consacré à la décontamination des sols et à la planification territoriale du SIPI et du secteur industriel de l’Assomption sud (Subvention pour la réhabilitation de terrains contaminés dans l’est de Montréal). Rappelons que cette entente vise à décontaminer tous les terrains de ces deux secteurs. 60 M $ sont dédiés aux terrains publics et privés sous forme de subvention à la décontamination.
La contribution des autorités peut atteindre dans le cadre de ce programme jusqu’à 75 % des coûts de décontamination. Si les entreprises privées ont tardé à manifester leur intérêt depuis la mise sur pied de l’aide financière, EST MÉDIA Montréal a également appris lors de l’entrevue que la Ville étudiait finalement quelques demandes qui sont arrivées ces dernières semaines. « C’est une excellente nouvelle car cela démontre que les terrains dans l’est sont convoités et que les entrepreneurs, pas seulement les instances publiques, voient une plus value à rendre leurs terrains aptes à recevoir des projets de développement. Et l’idée pour la Ville demeure de s’assurer que ces millions de pi2 s’inscrivent éventuellement dans les plans directeurs de développement du SIPI et de l’Assomption sud », soutient Véronique Doucet.
Mesures d’urgences : la phase II arrive bientôt
Depuis mars dernier, le Service du développement économique de la Ville de Montréal se consacre donc évidemment, en grande partie, à répondre tant que possible aux urgences générées par la COVID-19. Un exercice qui demande agilité, flexibilité, innovation… et une capacité élevée à faire face au stress et aux imprévues. Même chose sur le terrain au niveau local nous dit Caroline Bourgeois. Pour le SDÉ, dans le contexte d’une crise sanitaire et économique sans précédent, cela s’est traduit par la mise en place le 17 juin d’un plan de relance qui comporte 20 mesures pour soutenir les organismes, commerces et entreprises de l’agglomération. « C’est en fait la première phase, car compte tenu que la pandémie se poursuit, nous sommes à peaufiner une phase II qui est mieux adaptée aux impacts actuels, et en vue de l’hiver qui s’en vient », affirme Mme Doucet.
Cette première phase, c’était notamment un investissement de quelque 22 M $, les rues piétonnes, la bonification des campagnes de sociofinancement des artères commerciales, l’appui aux entreprises d’économie sociale, des mesures de soutien à l’industrie culturelle, de l’aide pour accélérer le virage numérique et la vente en ligne des commerçants, etc. « Cette crise est celle où il y a eu, jusqu’à maintenant, le plus d’interventions publiques dans toute l’histoire de Montréal, c’est du jamais vu. Pour la phase I du plan de relance, nous avons mobilisé environ 400 joueurs de toutes les sphères d’activité économique pour évaluer les besoins et mettre en place rapidement les programmes, il a fallu vraiment se retourner sur un dix cents comme on dit. Cela a donné de très bonnes choses, d’autres un peu moins bonnes, mais dans l’ensemble je pense que nous avons posé les gestes adéquats pour stabiliser autant que faire se peut l’économie de Montréal et aider les plus démunis sur le terrain, notamment en aidant plus que jamais les organismes d’intervention », explique la directrice.
Parmi les bons résultats de cette première phase, Mme Doucet mettra en lumière entre autres le taux de retour en emploi avant le confinement de la deuxième vague (92 % dans le Grand Montréal versus 84 % dans le reste du Québec), le succès de certaines rues piétonnes comme Ontario et Mont-Royal, ainsi que la mise sur pied de la ligne d’urgence Affaires Montréal qui a répondu à ce jour à plus de 10 000 demandes d’entrepreneurs. « Les fonds d’aide de la Ville dans le cadre de cette première phase ont presque tous été utilisés à 100 %, et le réseau PME MTL, qui gère aussi une panoplie de programmes de Québec et d’Ottawa, ne dérougit pas depuis la pandémie. Il y a des programmes certes, mais également des équipes derrière pour gérer tout cela et guider les entreprises, les organismes, etc. C’est énormément de travail », indique Véronique Doucet.
À quoi peut-on s’attendre de la phase II de la relance économique que prépare actuellement la Ville? À des mesures qui vont cibler notamment les entreprises directement victimes du confinement, qui devrait par ailleurs se poursuivre probablement tout l’hiver. « Pour Montréal, c’est quelque 5 500 entreprises qui sont actuellement touchées par ces restrictions. C’est énorme et nous nous devons de faire quelque chose pour les aider. Ça va faire partie des annonces », soutient Mme Doucet. En ce sens, la Ville a proposé ces derniers jours d’autres initiatives qui devraient inciter les gens à continuer de consommer localement cet hiver, dans le même esprit que les rues piétonnes et les laboratoires de design urbain. Évidemment, il faudra tenir compte de la température hivernale, donc la formule sera quelque peu différente, notamment sur la rue Ontario dans Hochelaga-Maisonneuve. On nous confirme également que la phase II devrait être l’occasion de projeter beaucoup plus de mesures de relance économique pour l’après COVID. « Les perspectives se travaillent sur du plus long terme en fonction de la phase II, mais certaines mesures seront encore dans l’intervention directe et rapide, car on a juste pas le choix, la situation l’exige pour les entreprises en fermeture forcée et pour les clientèles les plus vulnérables. La COVID est loin d’être terminée, mais en même temps il faut voir plus loin maintenant », avance Véronique Doucet.
En arrondissement, on continue de s’adapter aux événements, nous dit Caroline Bourgeois. « Bien sûr la pandémie bouleverse la planification de plusieurs projets, mais en même temps il faut continuer à avancer et livrer les services à la population, surtout ceux qui vivent de la détresse en ce moment. J’avoue que nous avons été à certaines occasions franchement au-delà de nos compétences habituelles. Par exemple nous avons dû mettre en place des mesures sanitaires, assurer des distributions de masques, déployer des brigades, utiliser des camions avec haut-parleur et diffuser des messages en six langues… sans compter que nous apprenions des mesures du gouvernement en même temps que tout le monde, lors de conférences de presse, et il fallait s’adapter au pied levé », dit-elle. La mairesse est aussi d’avis que les administrations municipales, surtout dans le Grand Montréal, n’ont pas vraiment eu de répit depuis le début de la crise. « La deuxième vague se vit plutôt comme une continuité pour nous, en quelque sorte. »
La chasse aux zones d’innovation
Depuis l’annonce l’an dernier du gouvernement Legault de la volonté de créer des zones d’innovation qui bénéficieront d’importants investissements et retombées dans leurs régions d’accueil, on projetterait pour l’instant une dizaine de ces zones, ça s’active et ça trépigne dans les officines de l’est de Montréal… Le pire scénario selon plusieurs acteurs de la région, ce serait que l’ouest bénéficie encore une fois de la manne au détriment de l’est. « On travaille à ce qu’il y ait un atterrissage dans l’est de Montréal. On ne peut imaginer, au SDÉ, qu’il n’y aura pas au moins une zone d’innovation qui sera annoncée sur ce territoire », clame Véronique Doucet.
Le créneau qui semble s’imposer est celui des technologies propres, ou vertes, c’est selon. La transition de l’industrie lourde vers le savoir-faire technologique, la recherche et le développement de nouveaux procédés industriels; ainsi que la prolifération d’entreprises et de projets à caractère environnemental sur le territoire ces dernières années confirment la tendance et l’expertise qui s’installent effectivement dans l’est de Montréal. Certains parlent aussi de possibilités dans les domaines de la logistique de transport et de l’industrie agroalimentaire.
Une zone d’innovation telle qu’imaginée par Québec est fort intéressante du fait qu’elle prévoit la convergence de plusieurs acteurs importants autour d’un thème économique (et parfois social) commun, dans une zone géographique délimitée. Son développement serait un gage de croissance pour la région et de création d’emplois de qualité, selon le ministère de l’Économie et de l’Innovation.
Du centre-ville à l’est de Montréal?
Fait malheureux mais indéniable, la COVID-19 a porté un très dur coup au centre-ville de Montréal qui est lourdement affecté par l’exode de ses travailleurs et des touristes. On évalue qu’au moins 90 % des consommateurs réguliers sont disparus depuis le début de la pandémie. « C’est vraiment un gros dossier sur lequel on se penche en ce moment car les contrecoups sont énormes, à plein de niveaux. Et nous savons que ce sera long la reprise au centre-ville. De grands employeurs nous ont dit que même à moyens termes, et ça peut vouloir dire de quelques mois à quelques années, ils n’envisageaient pas pour l’instant d’occuper leurs bureaux à un ratio dépassant les 50 %. Il va falloir trouver des solutions », avance Mme Doucet.
La tendance au télétravail serait-elle alors bénéfique pour l’est de Montréal? « On rigole un peu, mais oui, ça se pourrait très bien finalement. L’est de Montréal a encore de l’espace à offrir, il est plus accessible en général pour se loger, et le réseau de transport va en s’améliorant avec le SRB, la ligne bleue et un prochain réseau structurant probable comme le REM. Si les travailleurs du centre-ville ont à se déplacer, l’est risque d’y gagner. Mais pour l’instant, on va laisser cela à l’étape d’hypothèse (rires) », conclut Véronique Doucet.
Le dossier spécial « L’EST EN DÉVELOPPEMENT 2020» a été rendu possible grâce à la collaboration des partenaires suivants :