Une bannière réclamant la sauvegarde du PEC-HM est désormais visible sur l’édifice. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

UNE OPÉRATION SAUVETAGE DEMANDÉE POUR LE 1691 PIE-IX

Les organismes occupant un bâtiment appartenant au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve contestent un avis d’expulsion leur demandant de quitter les lieux d’ici le 31 décembre 2023 et exigent de pouvoir maintenir leurs activités sur place.

Le Pavillon d’éducation communautaire d’Hochelaga-Maisonneuve (PEC-HM) ainsi que ses 11 groupes partenaires résident au 1691, boulevard Pie-IX, un édifice atteint d’une importante vétusté. Pour cette raison, le CSSDM a rencontré les locataires au mois de décembre dernier pour les informer du fait qu’ils devraient quitter l’endroit d’ici un an, comme le rapportait EST MÉDIA Montréal dans un précédent article. Pour justifier sa demande d’éviction, le CSSDM citait alors des raisons de sécurité pour le bien-être des occupants.

Depuis, les organismes ont préparé leur riposte et demandent d’une même voix que l’avis d’éviction soit retiré. Lors d’une conférence de presse le lundi 20 mars, ceux-ci ont indiqué vouloir maintenir leurs activités à la même adresse, tout en réclamant que le CSSDM procède à l’entretien de l’édifice jusqu’à ce que des travaux de rénovation majeurs soient effectués.

De gauche à droite, Martha Ortiz, directrice générale du PEC-HM, Jean Ayotte, travailleur du Comité chômage de l’Est de Montréal et Amira Beghdadi, directrice générale de la Table de Quartier HM. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

Vis-à-vis du gouvernement, les locataires revendiquent « que les sommes nécessaires pour les rénovations soient investies » et que « l’État assume son rôle dans le financement des 6 Centres d’Éducation populaire », dont le PEC-HM fait partie. Enfin, les résidents veulent que la responsabilité de leur relocalisation soit assumée pleinement par le gouvernement, s’il est inévitable de déménager temporairement leurs activités durant des travaux.

« Que fait-il le ministère de l’Éducation pour régler notre situation? Nous attendons toujours des réponses », se désole Martha Ortiz, directrice générale du PEC-HM. En effet, ce n’est pas la première fois que le centre est menacé d’expulsion, un premier avis lui ayant été envoyé en 1998.

Au moment d’écrire ces lignes, le ministère de l’Éducation n’avait pas répondu à EST MÉDIA Montréal.

Une situation connue depuis longtemps

« J’ai été estomaquée, bouleversée par l’annonce d’éviction du CSSDM. Ça fait 22 ans que notre organisme réside dans l’édifice et nous aidons annuellement à réaliser 300 rapports d’impôt pour les personnes vulnérables. On ne trouvera pas de local moins cher dans Hochelaga, car on le sait bien, il n’en reste plus d’abordable », se désole Solange Laliberté, présidente de l’Association de défense des droits sociaux du Montréal métropolitain.

Si l’éviction annoncée par le CSSDM cette année a été un choc pour plusieurs des organisateurs communautaires, les raisons pour lesquelles celle-ci est formulée n’étonnent personne. Effectivement, l’état de désuétude de la bâtisse est connu depuis de nombreuses années. Les deux pavillons de l’édifice ont été construits en 1904 et 1929 et depuis déjà une quarantaine d’années, les effets du temps sont visibles dans les corridors du 1691. Toiture, maçonnerie, tuyauterie, électricité; tout est à refaire. La présence d’écureuils qui rongent les cadres de fenêtres en bois est devenue un fait presque cocasse que répètent les locataires, tandis que l’existence d’amiante entre les murs est une menace plus lugubre qui plane sur leur tête. Selon les estimations rapportées par Mme Ortiz, le coût de la rénovation complète du bâtiment s’élèverait à 30 M$.

D’ailleurs, dans leurs démarches, les organismes ont obtenu des documents sur l’état de la bâtisse de la part du CSSDM, grâce à la Loi sur l’accès à l’information. Depuis les 10 dernières années, les firmes d’ingénieurs en bâtiment et d’architectes se sont succédées et ont visité les lieux pour constater leur état de décrépitude. Les documents qu’EST MÉDIA Montréal a pu consulter sont sans équivoque : il est impératif de rénover ou de démolir l’édifice de toute urgence. Mais faut-il procéder à la réfection en laissant les locataires occuper les locaux, ou plutôt les reloger? La démolition est-elle inévitable?

L’état de vétusté est visible à l’oeil nu dans les corridors du 1691. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

Un rapport monté par la firme d’architecte Barin indique que « L’option 01 (la rénovation des lieux sans le déménagement des organismes) est la plus avantageuse, car on évite la délocalisation et la relocalisation des usagers (selon les options 02 et 03), qui rendent la logistique complexe, entraînent des coûts supplémentaires et causent des enjeux d’accessibilité de services éducatifs à une population défavorisée ».

Au fil des ans, des estimations des coûts de rénovation ont été réalisées, mais celles-ci sont caviardées dans les documents fournis.

De plus, les locataires affirment qu’aucun document d’analyse obtenu ne prescrit l’évacuation immédiate pour des raisons de sécurité, ce qu’EST MÉDIA Montréal a pu constater en feuilletant les pages des rapports.

Lors de la conférence du 20 mars, plusieurs élus locaux ont fait connaître leur intention d’apporter leur appui aux locataires du 1691, dont Alexandre Leduc, député de Québec solidaire pour Hochelaga-Maisonneuve, Stephan Fogaing, porte-parole en matière de diversité du Parti québécois et Soraya Martinez Ferrada, députée fédérale libérale d’Hochelaga.

Enfin, le PEC-HM et les organismes promettent de poursuivre leur mobilisation dans ce dossier au courant des prochaines semaines.

Pas la capacité financière pour la réhabilitation

De son côté, le CSSDM indique dans un courriel être « extrêmement sensible à sa situation et parfaitement conscient du bénéfice, pour la communauté et les familles, des réalisations des organismes qui s’y trouvent ». Toutefois, dans la même réponse, on affirme que le CSSDM souhaite éventuellement se départir de l’édifice. De plus, on assure avoir « mené des démarches afin d’obtenir un financement pour une réhabilitation de l’immeuble. Cette proposition n’a pas été retenue par les instances gouvernementales ».

« Le CSSDM n’a donc pas la capacité financière de prendre à sa charge la réhabilitation de ce bâtiment sans compromettre sa mission première de répondre aux besoins des élèves montréalais et de les scolariser », poursuit-on dans le courriel.

Enfin, le CSSDM laisse l’opportunité aux organismes de racheter l’immeuble, en proposant à la Société québécoise des infrastructures de les identifier comme acheteurs potentiels.

Le PEC-HM occupe les locaux du 1691 depuis 1979 et participe à la vie de quartier dans Hochelaga-Maisonneuve depuis 50 ans. L’organisme et ses partenaires rejoignent plus 6 500 personnes par leurs activités chaque année. Les femmes représentent 63 % d’entre-elles et plus de la moitié ont 65 ans et plus. 59 % des membres ont un revenu de moins de 20 000$ par année.