Orchestre Symphonique Joseph-François-Perrault. (Photos : Marianne Cantin)

NOUVELLE SALLE DE CONCERT DANS SAINT-MICHEL : JFP TOUJOURS EN QUÊTE DE 24 M $, MAIS LE DOSSIER AVANCE…

Sur la glace depuis plus de trente ans, le projet du nouveau complexe musical de l’École Joseph-François-Perrault semble enfin tomber dans des oreilles attentives. Après un premier montant de 4 millions de dollars débloqué au printemps dernier par le gouvernement Couillard, les démarches vont bon train pour que d’autres investissements soient annoncés dans les prochains mois. Est Média Montréal fait le point sur le dossier.

Depuis la première demande déposée en 1982, il était grand temps que le projet d’agrandissement de l’école Joseph-François-Perrault reçoive une aide publique… À la fin de l’année 2017, le ministère de l’Éducation a injecté un premier levier de 4 millions de dollars pour rénover les locaux de musique de l’établissement, mais 24 millions $ sont encore à amasser pour la construction d’une nouvelle salle de concert.

Or, la question du budget, même si elle tarde toujours, est de plus en plus prioritaire pour l’administration scolaire qui accentue les démarches de financement. L’école et la CSDM envisagent en effet de multiplier les alliances avec la Ville de Montréal et le Ministère de la Culture pour amasser les fonds nécessaires. Une demande de subvention sera également envoyée bientôt à Ottawa pour allouer 2 millions supplémentaires pour les équipements de scène.

La CSDM met de la pression

La présidente de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), Catherine Harel-Bourdon, planche sur le dossier Joseph-François-Perrault depuis son arrivée en poste il y a cinq ans. « Les ministères travaillent beaucoup en silos, alors que la culture doit passer par l’école. Si on veut développer un esprit culturel chez nos élèves, leur apprendre à connaître la musique tant au niveau de l’interprétation que de l’appréciation des oeuvres, il faut créer l’étincelle dès la jeunesse. Si on n’investit pas dans une salle de concert pour les élèves de JFP, c’est comme si on privait des joueurs de hockey de leur aréna », déplore-t-elle.

L’élection de la CAQ de François Legault n’inquiète pas autrement le directeur de l’école JFP, Éric Dionne. « Notre dossier est très bien monté donc pas besoin de tout recommencer, et on bénéficie de beaucoup de soutien dans le quartier et des instances publiques », assure-t-il. Les pourparlers avec le ministère de l’Éducation sont toujours en cours du côté de la CSDM. « Dans son discours inaugural, le premier ministre a incité l’ensemble du Québec à faire preuve d’ambition, et je suis justement très ambitieuse pour ce projet collectif qui développe la culture en milieu scolaire et dans la communauté locale », déclare Catherine Harel-Bourdon, qui continue de défendre avec beaucoup d’énergie le projet de nouveau complexe musical de JFP.

Un repère pour la communauté de Saint-Michel

Le projet viendrait bien sûr appuyer les activités du programme de musique de l’école Joseph-François-Perrault, le seul de la province à offrir un parcours Arts-études volet musique classique au secondaire. L’orchestre symphonique de l’école, qui a déjà eu la chance de répéter au prestigieux Carnegie Hall de New York, est d’ailleurs reconnu à travers la province pour l’excellence de ses professeurs. Des cours de musique destinés aux 6 à 11 ans sont aussi donnés à l’école des petits musiciens de JFP.

Initialement à vocation strictement scolaire, le concept de la nouvelle salle de concert s’est bonifié ces dernières années pour inclure une offre de médiation culturelle dans le quartier. Outre les répétitions et les spectacles des élèves du programme, des activités et des événements, comme par exemples des festivals et des camps musicaux, pourraient s’inscrire hors du calendrier scolaire pour meubler les soirs, les fins de semaine et les vacances estivales.

Une rencontre est même planifiée cette semaine (7 décembre) avec le conseiller municipal Sylvain Ouellette de l’arrondissement Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension pour discuter de cette option. « On est confiant de pouvoir convaincre la Ville de Montréal d’être partenaire parce que, bien que plusieurs installations existent déjà au centre-ville, de plus en plus d’arrondissements veulent avoir leurs propres espaces culturels », observe Catherine Harel-Bourdon. Selon elle, l’administration de Valérie Plante a également exprimé maintes fois la volonté de broder une culture de proximité.

« C’est un projet certes scolaire, mais aussi communautaire », confirme Éric Dionne. « D’autres créateurs et groupes de musique vont se greffer à l’initiative pour que les spectateurs issus autant du quartier que de la grande région de Montréal puissent venir en profiter. Ceci dit, est-ce que l’Orchestre métropolitain ou l’OSM pourraient venir aussi y donner des concerts ? Je l’espère, mais le but premier demeure de rendre la culture plus accessible dans un quartier défavorisé », dit-il.

La riche mosaïque culturelle de l’arrondissement sera aussi à l’honneur dans l’éventuelle programmation. « Il y a beaucoup de communautés culturelles dans Saint-Michel qui viennent d’un peu partout dans le monde et on veut retrouver ces diversités dans la musique proposée », affirme la présidente de la CSDM. I Musici envisage notamment la possibilité de donner des concerts gratuits au public.

La venue d’un autre diffuseur viendrait ainsi colorer le paysage culturel de la région, présentement seulement habité par la TOHU. « Nous nous sommes souvent déplacés dans le quartier pour donner des prestations, mais là c’est l’inverse qui va se produire. On va pouvoir inviter nos voisins, que ce soit pour des concerts ou des camps musicaux ou encore des formations pour les professionnels. C’est un grand privilège pour la pédagogie », s’enthousiasme Éric Dionne.

I Musici en résidence

Jusqu’ici nomade, l’orchestre de chambre I Musici projette d’élire résidence dans le prochain bâtiment depuis plus de deux ans. Le choix s’est imposé tout naturellement pour le chef Jean-Marie Zeitouni qui a fréquenté les bancs de l’école JFP. « L’école aura toujours priorité, mais ce serait aussi notre maison, autant pour répéter que pour donner des concerts. On va continuer de se produire à la Place des Arts, mais nos bureaux administratifs se déplaceront dans ce complexe», annonce Simon Gamache, directeur général de l’ensemble.

Le déménagement créera une saine distance avec les autres formations de musique classique nichées à la Place des Arts. « Au Quartier des Spectacles, les orchestres se retrouvent pratiquement tous à un kilomètre près. Il y a une saturation et les gens vont de moins en moins au centre-ville, donc on gagnerait à organiser une offre hyperlocale », estime Simon Gamache.

Des consultations sont aussi à prévoir dans le quartier pour prendre le pouls de la population. M. Gamache assiste déjà aux réunions mensuelles du conseil de l’établissement et Jean-Marie Zeitouni s’est joint au CA de la Fondation de l’école (maître d’œuvre de la campagne de financement pour le projet de la nouvelle salle de concert) afin de mieux comprendre la réalité dans laquelle ils souhaitent s’insérer. « On ne veut pas atterrir comme des extraterrestres. Le quartier et l’école sont un ensemble cohérent », explique le directeur général.

Selon la CSDM, toutes les demandes de financement devraient être complétées d’ici mars 2019. L’école organisera entre-temps un concours à partir du mois de janvier avec les étudiants de la technique en architecture du cégep André-Laurendeau pour soumettre des idées de concepts architecturaux. Reste à voir si les voeux des étudiants et de l’administration d’une des meilleures écoles de musique du Québec seront finalement exaucés… dans un avenir rapproché.