LA NOUVELLE GARDE POLITIQUE DE MERCIER–HOCHELAGA-MAISONNEUVE
Ils (et elle) en sont tous à leur premier mandat à titre de député.e et de maire d’arrondissement. Projet Montréal, Québec Solidaire, la Coalition Avenir Québec et les libéraux fédéraux ont détrôné aux dernières élections l’Équipe Coderre, le Parti Québécois et le NPD sur le territoire de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. La nouvelle vague arrive bien sûr avec ses nouvelles idées, une nouvelle dynamique et un vent de fraîcheur particulier dans un secteur dominant de l’Est montréalais. Mais qu’en est-il de la cohabitation entre ces nouveaux acteurs politiques? Front commun ou chacun pour soi? « La synergie est actuellement excellente » diront en cœur les principaux intéressés.
Pas de chicane dans la cabane
Les quatre nouveaux chevaliers politiques de MHM semblent avoir effectivement en commun la volonté de jumeler leurs forces afin de faire avancer les dossiers chauds sur le territoire. En entrevue individuelle avec EST MÉDIA Montréal, Pierre Lessard-Blais (maire de l’arrondissement-Projet Montréal), Richard Campeau (Bourget-CAQ), Alexandre Leduc (Hochelaga-Maisonneuve-QS) et Soraya Martinez Ferrada (Hochelaga-PL), diront tour à tour que les échanges et l’entraide entre élus locaux se font naturellement et cordialement, surtout en ces temps de pandémie. « Je crois que la crise actuelle démontre bien que la collaboration entre les élus locaux, de tous les paliers de gouvernement, est particulièrement très bonne. Il y a beaucoup de choses que nos équipes respectives ont mises en commun rapidement, de concert avec les organismes sur le territoire, pour atténuer les effets de la Covid-19 dans MHM. Je pense que cette synergie nous a permis d’être à la hauteur de la situation sous plusieurs aspects, notamment sur le plan de l’aide alimentaire et de l’itinérance », affirme Alexandre Leduc, finalement élu à sa troisième tentative en octobre 2018.
Même son de cloche de son ami de longue date Pierre Lessard-Blais : « On se serre les coudes dans beaucoup, beaucoup de dossiers actuellement et je pense que les gens le sentent, c’est tangible et un peu unique à Montréal, malgré les couleurs politiques. Les priorités sont, à mon point de vue, aussi les mêmes dans l’ensemble. Ça fait certainement avancer les choses plus vite », dit-il.
Pour Soraya Martinez Ferrada, qui a réussi l’exploit en octobre dernier de redonner aux libéraux fédéraux le comté d’Hochelaga après 35 ans de disette, le changement de garde politique dans MHM s’explique probablement en bonne partie par la mise au rancart, du moins pour l’instant, de la question identitaire. « Je pense que les gens dans l’Est de Montréal veulent du progrès, que les choses changent, que la qualité de vie s’améliore. Ils veulent de l’action et d’après moi c’est qui explique la mouvance du vote sur le territoire. Et oui, je pense que c’est une volonté commune de la nouvelle vague qui déferle dans l’arrondissement », soutient la députée, qui a déjà été, rappelons-le, conseillère municipale dans Saint-Michel (elle quittera Union Montréal en cours de mandat pour siéger comme indépendante) en plus de faire partie des cabinets politiques de Louise Harel (au municipal) et de la ministre fédérale Mélanie Joly.
« C’est quand même un changement de vie radical »
C’est ce que répond Alexandre Leduc au sujet de l’adaptation professionnelle que demande son nouveau rôle de député. Mais l’ex-conseiller syndical de la FTQ ne se plaint pas, malgré les longues journées à l’Assemblée nationale. « Je m’attendais à ce que le travail en circonscription soit vraiment intense en nombre d’heures et d’agenda bien garni, mais finalement j’ai été surpris par le rythme effréné de l’Assemblée nationale. Lorsque l’on siège à Québec, les journées commencent tôt et se finissent tard, sans vraiment de pause. Après trois jours (les députés siègent du mardi au jeudi en saison parlementaire) tu as souvent l’impression d’avoir une semaine dans le corps », dit-il. La conciliation travail-famille se fait toutefois plutôt en douceur avoue le député, puisqu’il a la chance de faire régulièrement le trajet Montréal-Québec avec sa conjointe et sa fille qui a à peine deux ans. « Ma conjointe est originaire de Québec, ses parents sont encore là, et comme elle rédige actuellement sa thèse de maîtrise, c’est assez facile de concilier les horaires. Notre vie de famille ne s’en ressent donc pas trop, même si bien sûr nous avons moins de temps qu’avant pour voir les amis, aller au resto, au ciné, ce genre de choses. Mais ça reste un choix que nous avons fait en toute conscience, c’est correct », explique-t-il.
Richard Campeau, le député de Bourget, le seul élu caquiste de Montréal avec Chantal Rouleau de Pointe-aux-Trembles, vit une autre réalité. « Mes enfants sont grands, ils ont leur vie d’adulte, et ma femme vit très bien avec la situation, elle a toujours quelque chose à faire quand elle reste à Montréal et que moi je suis à Québec, quoiqu’elle m’accompagne aussi à l’occasion », dira le semi-retraité de l’industrie chimique. Le rythme de travail soutenu qu’exige le rôle de député n’est pas sans lui déplaire. « J’ai toujours eu des horaires extrêmement chargés, à ma propre initiative, je suis comme cela. En plus, et honnêtement, je ne vois pas mes journées comme du travail, je ne sens pas, pour le moment du moins, que ça brime ma liberté ou mes activités personnelles. En même temps, c’est sûr qu’il faut se garder du temps pour soi, sinon ce serait invivable. Ça prend un équilibre, et cet équilibre est différent pour chaque individu », exprime M. Campeau.
Soraya Martinez Ferrada, maman de deux enfants aux études postsecondaires, abordera la question dans le même sens que le député de Bourget, alors que le maire Pierre Lessard-Blais, papa de jeunes bambins, nous dira que la conciliation travail-famille est pour lui « un apprentissage constant » et qu’il se rapproche maintenant de l’équilibre. « À un moment donné, il faut accepter de fermer le téléphone et l’ordinateur parce que le nombre de dossiers, d’appels à faire, de gens à rencontrer, est infini », soutient le maire.
Passionnant, mais parfois ingrat
Pour se lancer en politique, la plupart des candidats vous diront, bien entendu, qu’il faut avant tout avoir la volonté de « changer le monde ». C’est une réponse spontanée que servira d’emblée les élus de MHM, même s’ils sont les premiers conscients du cliché. « L’attrait principal d’être élu, c’est que tu peux vraiment faire une différence. Les décisions que tu prends ont un impact réel dans la communauté. Je trouve aussi que la politique est intéressante car c’est en fait un amalgame d’interactions entre les grandes idées, les petits gestes au quotidien, les relations humaines, la communication, la gestion de projets et l’administration, entre autres. C’est une expérience unique et extrêmement riche sur le plan personnel », affirme Pierre Lessard-Blais.
Soraya Martinez Ferrada poursuit dans le même ordre d’idées : « Ce qui est définitivement le plus intéressant du travail de politicien, c’est que notre voix compte et elle est souvent très importante pour les groupes et les idées que nous défendons. Beaucoup plus que les gens pensent la plupart du temps. Bien sûr, c’est le sentiment d’être utile qui est motivant, qui nous stimule tous les jours. »
Selon le député de Bourget, « il y a, à certains égards, quelque chose d’égoïstement gratifiant à aider des gens qui vivent des difficultés, à pouvoir le faire du moins », dit Richard Campeau. Il explique que, à l’instar de tous les députés, son bureau de comté est appelé régulièrement à accompagner des personnes aux prises avec des problèmes, parfois sérieux et complexes, et qu’aider ces citoyens est en quelque sorte une preuve tangible que le travail politique peut faire une différence dans le quotidien de beaucoup de gens. « Ce que je trouve aussi intéressant dans mon rôle de député, c’est quand je peux faire avancer un projet d’une petite coche. De mettre les bonnes personnes en contact, de trouver les bonnes informations. De me dire que si ce n’était pas de mon intervention, si petite soit-elle parfois, le projet ou le dossier ne serait par rendu là où il est aujourd’hui. C’est toujours le sentiment d’utilité qui rend notre rôle si attractif en fin de compte », explique-t-il.
Mais la vie politique n’est évidemment pas toujours rose, loin de là. Aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux, les élus doivent faire face à l’adversité plus que jamais, au jugement populaire en temps réel. « L’élément que j’ai peut-être le plus sous-estimé est le stress et l’anxiété qu’on peut ramener à la maison. Évidemment, nos décisions ne plaisent pas à tout le monde et parfois c’est difficile d’encaisser les confrontations acrimonieuses, les commentaires désobligeants et même les insultes. Mais bon, il faut apprendre à se faire une carapace molle, sans toutefois devenir imperméable aux commentaires et aux opinions divergentes », clame le maire de l’arrondissement de MHM.
Quant au député d’Hochelaga-Maisonneuve, Alexandre Leduc dira qu’un des aspects du métier qu’il apprécie moins est le reproche que lui fait à l’occasion des citoyens ou des groupes du comté qui aimeraient le voir plus présent physiquement dans les événements de toutes sortes dans le quartier. « C’est sûr que l’on aimerait plaire à tout le monde, tout le temps, mais c’est impossible, c’est bien évident. Par exemple, ça me fait de la peine quand je me fais dire par quelqu’un dans la rue qu’on ne fait rien, qu’il ne nous voit jamais. Je sais à quel point mon équipe et moi travaillons fort, qu’on ne compte pas les heures. Mais ce genre de remarques, même si elles ont l’air anodines, quand on les accumule, ça finit par te rentrer dedans », dit-il.
Richard Campeau et Soraya Martinez Ferrada diront pour leur part que ce qui les « frustre » particulièrement dans leur rôle de député, c’est la lenteur caractéristique, ou la lourdeur de la machine gouvernementale. « S’il y a un aspect qui me dérange depuis le début de mon aventure de député, et ce n’est pas la première fois que j’en parle, c’est la lenteur du système, de la bureaucratie, de la complexité de l’appareil gouvernemental. Mais en même temps je comprends que la transparence, la vérification et la validation des actions du gouvernement demandent du temps. On voudrait quand même, bien des fois, que ça avance plus vite », soutient M. Campeau.
Les priorités dans MHM
Questionnés à propos de leurs priorités respectives dans leur territoire, les élus de MHM ont tous répondu que la crise de la Covid-19 avait en quelque sorte démontré encore plus clairement les enjeux sur lesquels il est important d’agir de façon concrète, rapide et soutenue. Les problématiques du secteur sont connues, mais elles sont apparues de façon beaucoup plus vive ces trois derniers mois. « La sécurité alimentaire, l’itinérance, les problèmes de consommation, l’accessibilité au logement, ce sont des enjeux qui ont demandé immédiatement des interventions concertées de tous les paliers de gouvernement sur le territoire. Maintenant, avec la crise qui perdure, il faut se pencher notamment sur la réouverture des écoles, les mesures alimentaires qui accompagneront celles-ci, les services de garde, la pédagogie sociale des enfants, la culture au sens large, etc., et tout cela sans oublier les grandes problématiques déjà citées », explique Alexandre Leduc.
Quant à la députée d’Hochelaga, elle affirme que ses priorités sont les mêmes qu’elle avait ciblées lors de sa récente campagne électorale, soit notamment le développement du logement social, la sécurité alimentaire, l’investissement dans le transport collectif, la réduction des écarts socioéconomiques entre l’Est et l’Ouest de Montréal et la transition de l’industrie lourde traditionnelle de l’Est de Montréal vers une économie et une industrie verte.
« Avec ce qui se passe avec la pandémie, ça démontre encore une fois à quel point il faut que l’on s’occupe de l’Est de Montréal. Ça doit se faire par des engagements fermes de tous les paliers de gouvernement, ça doit se faire par une vision concertée de tous les acteurs politiques, économiques et sociaux de l’Est. Maintenant. » – Soraya Martinez Ferrada
Le député de Bourget parlera de l’importance de faire atterrir le projet de tramway dans l’Est afin « de rendre les distances plus courtes entre la Pointe-de-l’Île, Bourget et le centre-ville », tout comme celui de la mise sur pied de Maisons des aînés, un projet du gouvernement Legault qui lui tient particulièrement cœur. « J’aimerais aussi que l’on investisse pour rénover quelques CHSLD dans l’Est qui en ont bien besoin et qui sont au seuil de la vétusté, on travaille là-dessus en ce moment, qu’on améliore la gestion à l’intérieur du CIUSSS concernant le travail en CHSLD, et qu’on change le nom de la circonscription de Bourget pour Camille-Laurin. Mais ça, c’est une autre histoire que j’aurai bientôt l’occasion de développer davantage… », clame Richard Campeau.
Du côté du maire de MHM, la question du logement social est immédiatement abordée lorsque l’on parle des priorités de son administration. « Avec le phénomène de gentrification, il faut s’assurer que notre territoire reste accessible à toutes les couches de la société. Pour moi c’est un enjeu extrêmement important. L’habitation, c’est souvent des projets qui sont longs à régler, à développer. Mais quand on réussi des bons coups c’est extraordinaire parce que ça aide concrètement des gens et ce sont des projets qui sont pérennes. Et il y en a plusieurs de ces projets qui sont en branle dans MHM », dit Pierre Lessard-Blais. Ce dernier ajoutera à la liste de priorités le verdissement du territoire, la sécurité dans l’espace public et le tramway de l’Est, entre autres.