Nicole Léger, figure emblématique de la politique dans l’est de Montréal (courtoisie Nicole Léger)

NICOLE LÉGER : L’EXERCICE DU POUVOIR POLITIQUE AU FÉMININ

En ce 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, EST MÉDIA Montréal fait honneur à l’une des figures politiques emblématiques de l’est de Montréal : Nicole Léger. Au détour de son expérience et de ses souvenirs, l’ancienne ministre livre son point de vue sur la condition féminine.

Que ce soit par son poste de députée péquiste de Pointe-aux-Trembles pendant 22 ans, ou par ses trois fonctions de ministre (ministre déléguée à la Famille et à l’Enfance de 1998 à 2001, ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale de 2001 à 2003 et ministre de la Famille de 2012 à 2014), Nicole Léger a su s’imposer en politique, monde particulièrement marqué par une forme d’androcentrisme. 

En 1996, lorsqu’elle est élue pour la première fois de sa carrière lors d’une élection partielle, Nicole Léger devient la 25e femme élue de l’histoire à l’Assemblée nationale du Québec. Investir un tel lieu de pouvoir ne l’a pas effrayée une seule seconde : « Je me suis dit que je devais faire partie de celles qui font avancer les choses même si c’est sûr que c’était plus difficile, car il y avait une culture masculine établie en politique », confirme la résidente de Montréal-Est. 

S’endurcir pour survivre 

Née en 1955, Nicole Léger a grandi aux côtés d’une mère et d’un père (l’ancien homme politique Marcel Léger) très impliqués dans les enjeux sociétaux et politiques : « Je n’ai jamais vu une différence entre le rôle de ma mère et celui de mon père. J’ai été élevée dans l’égalité », souligne-t-elle.

Cette différence entre les sexes existe néanmoins sur la scène politique, où les émotions, souvent rattachées aux femmes, sont perçues comme un handicap : « Dès que t’as un oeil larmoyant, tu es considéré comme faible en politique. Homme ou femme, il faut se battre dans ce milieu. Mais c’est certain qu’une femme doit prouver encore davantage », explique-t-elle. 

Nicole Léger admet avoir vécu des situations de sexisme durant sa carrière : « Ça a toujours été là, c’est assez fort dans la politique, qui est un milieu de confrontation d’idées. C’est la loi du plus fort », confie-t-elle. 

À l’Assemblée nationale, qui a été sa deuxième maison durant une certaine période, les médias ont une place primordiale. À chaque annonce, chaque ministre se rend dans la fameuse « hot room ». En plus d’être entouré par des dizaines de caméras, il est asséné par les questions d’une quarantaine de journalistes : « Lors de mes premiers jours en tant que ministre en 1996, ils étaient tous après moi. Je me croyais importante », raconte Nicole Léger. 

Néanmoins, lors de sa troisième journée en tant que nouvelle ministre, Nicole Léger a la surprise de constater que les journalistes ne lui adressent aucune question et, pire encore, aucun regard qui pourrait trahir un soupçon d’intérêt : « Ça a été mon choc des médias. Ce qui est si important hier est si inutile pour eux aujourd’hui », a-t-elle alors constaté. À ce moment, Nicole Léger réalise que la politique n’est pas une affaire d’humain, mais de sujet. 

Des luttes toujours d’actualité

Durant ses années à l’Assemblée nationale, Nicole Léger a assuré la gestion de plusieurs dossiers qui ont changé la vie des 9 millions de Québécois que compte la province aujourd’hui, tel que le congé parental par exemple. La société québécoise commence à mesurer le concept de congé de maternité et de congé parental en 1997. Mais elle lui faudra attendre l’an 2000 pour voir une augmentation du nombre de semaines de congé parental payées (elles passent de 10 à 35 semaines) et 2006 pour constater l’instauration du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) financé par la province. 

Aujourd’hui, le congé parental est un droit acquis pour les jeunes parents « alors que ça représente des années de travail, trois mois passés au Conseil parlementaire et beaucoup de temps à travailler sur l’adhésion du Conseil du patronat du Québec, entre autres… » rappelle l’ancienne ministre. À l’époque, les syndicats ont été très importants dans le processus du passage des droits au congé parental : « Les groupes de femmes faisant partie des syndicats ont aidé à pousser le gouvernement à instaurer des droits tels que les garderies ou le congé parental justement », explique Nicole Léger.  

En 2012, la première ministre du Québec, Pauline Marois, et la ministre de la Famille, Nicole Léger, annoncent la création de 28 000 places à contribution réduite dans le réseau des services de garde du Québec (courtoisie Nicole Léger)

Mme Léger remarque que beaucoup de jeunes femmes d’aujourd’hui ne s’interrogent pas sur l’histoire de leurs droits actuels et pensent que c’est acquis : « Attention, ce n’est pas parce qu’elles pensent qu’on est égales que le combat n’est pas terminé », soutient l’ancienne ministre, aux racines militantes encore bien présentes. 

Aujourd’hui, Nicole Léger observe que la majorité des enfants héritent du nom de famille de leur père, alors qu’en 1981, encore étudiante à l’époque, la politicienne revendiquait qu’il était primordial en tant que femme de léguer également son nom de famille à son enfant. « Je comprends les préoccupations des mères d’aujourd’hui, deux noms peuvent paraître longs, sauf que… c’est un combat de 50 ans qui tombe », déplore-t-elle. 

D’hier à aujourd’hui

Aujourd’hui, aussi bien les femmes que les hommes recherchent l’égalité en politique. « Maintenant, on ne se pose même plus la question de la capacité d’une femme à investir le milieu politique, c’est devenu normal. Alors qu’à mon époque, les femmes politiques se faisaient rares », souligne Nicole Léger. « Il reste des batailles, mais je trouve que la situation a beaucoup évolué, notamment au Québec justement. » 

Effectivement, la présence des femmes sur la scène politique ne cesse de croître depuis 2005. Au lendemain de la dernière élection provinciale du 3 octobre 2022, 46,4 % des élus étaient des femmes, selon une mise à jour de l’Institut de la statistique du Québec. Le Québec est la province canadienne avec le plus haut pourcentage de représentation féminine dans son assemblée législative; la moyenne des autres provinces canadiennes se situe à 32,7 %.

Nicole Léger remarque que les femmes d’aujourd’hui se soulèvent et se battent pour des combats qui étaient anciennement considérés comme secondaires : « On le voit notamment grâce aux regroupements de femmes, des maisons d’hébergement… les femmes ripostent! » relate-t-elle. Selon cette dernière, le mentorat représente une solution incontournable pour avancer vers un monde paritaire : « Des femmes expérimentées peuvent aider les femmes de la nouvelle génération », termine l’ancienne ministre.