MONTRÉAL-EST ENTREPREND UNE TRANSFORMATION HISTORIQUE
La nouvelle administration municipale de Montréal-Est, élue en novembre 2021, n’a pas pris de temps à mettre en œuvre son ambitieuse vision de développement du territoire annoncée en campagne électorale. La mairesse Anne St-Laurent et son équipe s’apprêtent ainsi à déposer un nouveau plan directeur de la ville qui prévoit une transformation majeure de Montréal-Est au niveau de sa trame industrielle, mais aussi résidentielle, qui en fera un secteur beaucoup plus « vert » et attrayant qu’aujourd’hui. Un travail colossal qui devrait s’échelonner sur les 30 prochaines années, a appris EST MÉDIA Montréal, dans le cadre d’une présentation média exclusive pour ce dossier spécial « Est en développement 2022 ».
23 millions de pi2 à développer
Énorme. C’est le mot qui vient à l’esprit quand on réalise le potentiel unique de développement territorial que possède la Ville de Montréal-Est, située stratégiquement au centre de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Avec ses 12.5 km2 de superficie, rappelons que Montréal-Est représente à peine 2.5 % du territoire de l’île de Montréal, mais que son zonage industriel occupe 90 % de la ville. Sa population, elle, évaluée à un peu plus de 4 000 personnes, est regroupée dans un secteur représentant environ 10 % de la superficie de la ville. Une particularité unique dans le Grand Montréal, voire même au pays.
Beaucoup de ses pi2 aujourd’hui en friche ou relativement fraîchement décontaminés sont le legs de grandes industries pétrolières qui ont cessé leurs activités à Montréal-Est. On parle ici particulièrement de Shell (terrains appartenant aujourd’hui à Groupe C. Laganière et décontaminés par ce dernier), et d’Esso, qui a débuté officiellement son processus de vente il y a quelques mois. Étonnant diront plusieurs, mais Montréal-Est n’aurait plus aucune raffinerie pétrolière aujourd’hui sur son territoire, la gigantesque Suncor étant plus à l’est, soit à Pointe-aux-Trembles, alors que le terminal de Valero distribue du carburant, mais ne le raffine pas. « Les gens pensent encore que Montréal-Est est une ville de raffineries, ça nous colle à la peau, mais ce n’est pas le cas. Nous avons même fait un changement de zonage récemment pour s’assurer qu’il n’y ait plus jamais d’industrie lourde sur ces terrains », affirme Anne St-Laurent, bien consciente que sa ville traîne malgré elle « un problème d’image de marque sur lequel il faut travailler. »
Pour Nicolas Dziasko, directeur de l’aménagement du territoire et du développement économique de la Ville de Montréal-Est, la superficie exceptionnelle libérée en grande partie par l’industrie pétrolière constitue aujourd’hui un véritable terrain de jeu aux mille possibilités. « Nous avons une grande page blanche devant nous. On peut imaginer vraiment tout; nous avons de l’espace pour travailler. Et comme nous sommes au cœur de la région métropolitaine, nous savons que notre développement territorial aura un grand impact non seulement pour l’avenir de l’est de Montréal, mais dans l’ensemble de la CMM. C’est stimulant, mais ça vient aussi avec une énorme responsabilité », avance Nicolas Dziasko. Un dernier point qui sera repris par la mairesse Anne St-Laurent lors de la rencontre avec EST MÉDIA Montréal : « On ne fait pas cavalier seul dans notre vision de développement, on travaille de façon concertée avec la Ville de Montréal, avec Québec, la CMM et autres acteurs du milieu urbain. On veut un développement d’avenir intéressant pour notre population et nos entreprises, mais réalisé de façon responsable et durable pour l’ensemble du Grand Montréal. On veut aussi être un acteur clé de la revitalisation de l’est de Montréal dans les prochaines années », ajoute-t-elle.
Mais requalifier ces vastes terrains très particuliers comporte son lot de défis pour une ville. Car au-delà de la décontamination des sols, des sommes encore plus importantes devront être investies pour doter ces zones d’infrastructures urbaines de base (égout, aqueduc, électricité, routes, etc.). Pour l’instant, ces terrains en sont dépourvus, ce qui empêche d’ailleurs nombre de projets de venir s’y établir. Pas d’infrastructures, pas de nouveaux joueurs, pas de développement.
Après la décontamination des zones industrielles de l’est de Montréal, l’implantation de telles infrastructures publiques sera certainement le nerf de la guerre du développement de la région, et on ne parlera pas de 100 M $ ou 200 M $, mais bien de milliards de dollars qui devront être investis. Mais ça, c’est un autre débat… « Bien sûr il faudra connecter ces terrains aux réseaux de services municipaux et le coût sera élevé, mais il y a des programmes d’infrastructures pour cela mis en place par Québec et Ottawa. L’autre grand défi que je vois du côté des infrastructures sur notre territoire, c’est le manque de routes nord-sud. Il faudra absolument trouver des moyens pour améliorer la mobilité, et certainement construire de nouveaux axes routiers », explique la mairesse Anne St-Laurent.
Les grands projets
Les élus ont donc déjà plusieurs travaux et réaménagements d’envergure dans leurs cartons, prévus dans leur nouveau plan directeur qui sera présenté dans les prochaines semaines, voire les prochains jours. Au niveau industriel, deux principales zones constituées de quelques millions de pi2 chacune seront au cœur de la revitalisation de Montréal-Est (terrains de Shell et d’Esso).
Celle au nord de l’autoroute 40 serait destinée au développement d’un pôle en logistique de transport pouvant accueillir notamment des entrepôts de distribution, mais aussi des entreprises technologiques liées à ce secteur d’activité. Au sud, on parle plutôt de positionner Montréal-Est au cœur d’une prochaine zone d’innovation en transition écologique mixant entreprises technologiques et institutions d’études supérieures (campus universitaire et centres de recherche, par exemple). En visualisant ces zones en devenir sur une carte, on réalise rapidement que la Ville de Montréal-Est sera complètement transformée en son centre, du nord au sud, dans un horizon d’une trentaine d’années.
Mais alors qu’on discute de réaménagement de zones industrielles, Nicolas Dziasko insistera plutôt sur l’intégration d’un corridor vert que prévoit la ville dans son plan directeur, de nouveaux systèmes de captation des eaux pluviales, de pistes cyclables… projets au sein même des anciens terrains des pétrolières. « On veut un aménagement territorial moderne et exemplaire, que nos zones industrielles laissent aussi place à l’environnement et à une qualité de vie agréable pour tout le monde, travailleurs et résidents. Ce que nous avons en tête est bien loin de l’image qu’ont les gens de Montréal-Est en général. On est complètement ailleurs là. »
Une des clefs pour le succès d’une telle entreprise serait l’arrivée d’une station du REM de l’est à Montréal-Est, argumente la mairesse Anne St-Laurent. « C’est une condition essentielle et un réel besoin car des milliers de travailleurs arrivent (et arriveront) ici chaque jour, la plupart pour le moment en voiture car on le sait, le transport collectif est déficient sur notre territoire. Une station du REM viendrait non seulement pallier ce problème, mais accélérerait la mise en place de la zone d’innovation par exemple, en plus d’être enfin une solution de transport rapide et viable pour les résidents. Je n’arrêterai jamais de militer pour que le REM arrête à Montréal-Est. Ce serait un non-sens qu’il ne fasse que passer », insiste la mairesse Anne St-Laurent.
La Ville prévoit également créer un nouveau parc qui servirait de zone tampon entre le secteur résidentiel et les activités industrielles se déroulant à l’est. Il s’agit en fait d’un terrain laissé en friche actuellement où étaient installés des anciens réservoirs de Suncor. Le terrain appartient toujours à l’entreprise, mais l’administration municipale espère bien s’entendre avec la pétrolière pour récupérer le lot afin d’en faire un espace vert.
Finalement, parmi les grands projets des élus, notons le prolongement du Parc linéaire de Pointe-aux-Trembles qui pourrait bien s’aventurer jusqu’à la frontière ouest de la ville. « C’est un magnifique projet que l’arrondissement de RDP-PAT a réalisé, et ce serait fantastique que nous le prolongions sur notre territoire. Tout l’est de Montréal pourrait bénéficier de ce prolongement. C’est un projet qui nous tient à cœur, vraiment », affirme la mairesse.
Du côté résidentiel
L’autre grand volet du nouveau plan directeur de la Ville de Montréal-Est est bien sûr consacré au développement et à l’amélioration du cadre de vie des Montréalestois.es. On cible surtout la revitalisation de la rue Broadway, au cœur du quartier résidentiel. Rappelons que l’artère a fait l’objet d’importants travaux de voirie ces deux dernières années mais il s’agissait surtout d’une mise à niveau des infrastructures souterraines, ainsi que l’embellissement du secteur Broadway / Notre-Dame donnant accès au parc, près du fleuve, ainsi qu’au nouveau complexe d’habitation « M » qui se trouve tout juste à côté de l’hôtel de ville.
« Au cours des prochaines années, on souhaite offrir le meilleur cadre de vie possible aux résidents. Ce qui veut dire attirer plus de commerces de proximité, créer des espaces publics de qualité, des espaces verts, etc. Pour y arriver, il faudra certainement densifier et mixifier le secteur Broadway avec des complexes résidentiels offrant plusieurs unités de condos, dans la continuité du M par exemple, même si ce ne sera pas nécessairement des bâtiments aussi massifs. Si on veut attirer des commerces de proximité, il faut plus de monde et des espaces dédiés aux commerçants au rez-de-chaussée », explique Nicolas Dziasko. Ce dernier assure toutefois que la Ville portera une attention particulière à l’architecture des prochains bâtiments afin qu’ils s’intègrent harmonieusement au secteur en revitalisation.
« Avec la nouvelle réglementation, on peut maintenant ériger des immeubles de 6 étages sur cette rue, et c’est ce qui devrait tout changer car en densifiant, en modernisant le centre de la ville, des commerces de quartier viendront aussi s’installer. Nous arriverons à bâtir au fil des années un petit centre-ville plus animé et offrant plus de services de proximité aux citoyens », avance la mairesse Anne St-Laurent.
Ce grand projet « Broadway » permettrait aussi de prolonger, en quelque sorte, la place publique qui s’est érigée avec la construction du complexe M. Effectivement, l’accès au fleuve et le réaménagement du parc adjacent offrent une belle vitrine à la Ville « qui pourrait très bien s’ouvrir encore plus sur Broadway et même donner l’impression d’en faire partie intégrante », imagine sans problème le directeur de l’aménagement du territoire et du développement économique de la Ville.
Un autre projet d’envergure s’annonce en zone résidentielle et il plaira certainement aux riverains… La Ville chercherait actuellement à déménager son clos de voirie qui se trouve depuis des années en zone résidentielle (cherchez l’erreur), pour le transférer hors du secteur habitable. « Un non-sens que notre administration propose de régler. Pour le moment, le défi consiste à trouver le bon endroit qui serait propice et disponible pour transférer ces activités, mais le dossier avance. C’est une de nos priorités », affirme la mairesse.
Chose certaine, Montréal-Est entreprend un grand chantier vers une nouvelle ère, mais tout cela prendra aussi du temps. « Nous, on parle de 30 ans, mais quand on y pense, ce n’est pas si long pour une transformation territoriale aussi majeure que celle de Montréal-Est. Il faudra être patient et il faudra faire les choses correctement, mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut le faire maintenant. Nous sommes à la croisée des chemins, le changement se fera année après année et nous atteindrons nos objectifs car nous avons tout ce qu’il faut pour réussir », conclut la mairesse Anne St-Laurent.