Michel Bissonnet représente les électeurs de Saint-Léonard depuis 1978, à Montréal ou à Québec (photo courtoisie Ensemble Montréal).

MICHEL BISSONNET : LE DOYEN POLITIQUE DE L’EST TOUJOURS AUSSI PASSIONNÉ À 78 ANS

Durant la présente campagne électorale municipale, EST MÉDIA Montréal proposera plusieurs rencontres avec des aspirants à la mairie d’arrondissements de l’est, question de découvrir à la fois leur plateforme locale et leur vision de certains enjeux liés au territoire. Aujourd’hui, Michel Bissonnet, d’Ensemble Montréal, candidat dans Saint-Léonard.

Le maire sortant de l’arrondissement de Saint-Léonard est un véritable phénomène de longévité politique. Élu pour la première fois à la mairie de l’arrondissement en 1978, Michel Bissonnet a ensuite fait le saut vers la politique provinciale de 1981 à 2008 à titre de député libéral de la circonscription de Jeanne-Mance – Viger, avant de revenir occuper le siège de maire de Saint-Léonard. Ce qui veut dire qu’il est élu de façon continue depuis 43 ans dans le secteur de Saint-Léonard, un exploit absolument remarquable, et rare au Québec.

Ainsi, le candidat d’Ensemble Montréal poursuit sa route professionnelle en briguant à nouveau les suffrages dans son arrondissement, prêt pour un autre quatre ans de politique active. « Mais pour moi je ne suis pas en campagne actuellement, car je me considère toujours, depuis le début de ma carrière, en campagne perpétuelle. J’ai toujours eu ce sentiment de faire campagne 7 jours sur 7, 24h par jour (rires) », avance M. Bissonnet. Qu’est-ce qui l’anime encore aujourd’hui, à 78 ans, à faire de la politique? « La passion. Le désir et le sentiment d’être utile à la population. Tant que j’aurai la santé, je ne me vois pas faire autre chose, la retraite pour la retraite, ça ne m’intéresse pas. »

Notre rencontre avec Michel Bissonnet s’est déroulée « candidement », selon son expression, le 21 octobre dernier en visioconférence. C’est en effet dans un cadre très détendu que le maire sortant a échangé avec nous pendant quelque 75 minutes, nous rappelant au passage ses débuts rocambolesques dans le milieu politique, dont vous trouverez quelques bribes en fin de texte. Visiblement, le candidat ne semblait pas trop nerveux sur l’issue de la présente campagne, lui et son équipe ayant d’ailleurs remporté tous les sièges dans l’arrondissement en 2017 avec une avance plus que confortable.

Bilan, engagements et… réflexions

« Avec tout ce qui se passe dans le nord-est de Montréal depuis un bout de temps, à Montréal-Nord, à Rivière-des-Prairies, la sécurité sera pour nous à Saint-Léonard la priorité des priorités », affirme rapidement Michel Bissonnet. Il dit vouloir notamment accroître les effectifs policiers dans l’arrondissement, en collaboration avec la ville centre et le SPVM. Au cours du dernier mandat, en période pandémique, son administration aurait par ailleurs doublé le nombre de cadets policiers et engagé une firme de sécurité privée, de façon temporaire, afin d’augmenter le sentiment de sécurité des gens dans certains secteurs de Saint-Léonard et dans les parcs et places publiques. 200 000 $ supplémentaires ont aussi été distribués aux organismes sur le terrain afin d’aider à contrer la criminalité chez les jeunes. « Nous avons aussi cette année une candidate à Saint-Léonard vouée à jouer un rôle important au niveau de la sécurité à la Ville de Montréal si Ensemble Montréal est élu. Il s’agit de Suzanne De Larochellière, sergente retraitée de la Sûreté du Québec. Une spécialiste des dossiers reliés à la drogue, au crime organisé et à la filature. Je suis bien fier de cette candidature », d’ajouter le maire sortant.

Faisant un lien avec le fait que l’arrondissement de Saint-Léonard voit son profil démographique changer considérablement depuis quelques années, avec entre autres environ 22 % de sa population actuelle âgée de 14 ans et moins, et approximativement le même pourcentage d’aînés, Michel Bissonnet affirmera qu’il est maintenant temps que les mesures de réduction de la vitesse arrivent sur le territoire, alors que la plupart des arrondissements montréalais utilisent depuis plusieurs années déjà les dos d’ânes, bollards, et autres mesures d’atténuation de la circulation. Il en fait un engagement pour un prochain mandat, et ajoute qu’il travaillera à augmenter également le nombre de brigadiers scolaires, trop peu nombreux à Saint-Léonard selon lui.

Au niveau du déneigement, grande fierté chez M. Bissonnet, il rappelle que Saint-Léonard et Anjou sont toujours les deux secteurs les plus performants à Montréal, malgré que ce soit la ville centre qui mène aujourd’hui beaucoup plus le jeu à ce sujet, laissant peu de latitude aux arrondissements. « Ce sont nos cols bleus qui font la grande différence à Saint-Léonard. Ils ont déblayé plus de 70 % du territoire l’an dernier, leur travail est remarquable », soutient-il. Question entretien des rues, un autre aspect qui fait la réputation enviable de Saint-Léonard, Michel Bissonnet est toutefois moins enthousiasme aujourd’hui. « Avant les coupures de budget de l’administration Plante il y a deux ans, on procédait à la réfection d’une quarantaine de rues par année, dont certaines remises complètement à neuf. Aujourd’hui, on ne peut en faire qu’une douzaine par année, et on parle que d’asphaltage et de quelques trottoirs. Les résidents de l’arrondissement sont habitués à mieux, mais malheureusement c’est la réalité imposée par la ville centre », dit-il. Le candidat reviendra par ailleurs souvent sur le fait, lors de l’entrevue, que Saint-Léonard aurait, selon lui, perdu 55 employés depuis les fusions municipales en 2002, alors que l’arrondissement aurait depuis accueilli 10 000 nouveaux résidents sur son territoire.

Problèmes récurrents dans Saint-Léonard, les inondations seraient en voie d’être beaucoup moins fréquentes soutient par ailleurs M. Bissonnet, grâce notamment à l’installation de deux bassins de rétention installés dernièrement dans le nord et le sud de l’arrondissement. De plus, le secteur de Belmont, aux prises avec des problèmes chroniques d’inondation, aurait fait l’objet d’un important projet pilote ces derniers mois afin de tester des installations de rétention inspirées de modèles européens, et qui pourraient s’avérer une solution pour d’autres secteurs à Montréal. « On attend toujours l’immense ondée pour voir à quel point le processus est efficace, car ce n’est pas arrivé lors de la période de test prévue, mais jusqu’à maintenant les infrastructures semblent bien fonctionner. »

Inévitable point de discussion dans cette campagne, surtout dans l’est de Montréal, le maire sortant abordera la question du transport collectif sur une note très positive, lui qui voit son arrondissement considérablement bonifié par le prolongement de la ligne bleue du métro et l’arrivée du REM de l’est. « Ces grandes annonces, nous sommes évidemment très heureux de les entendre, mais cela ralenti tout de même des développements importants qui étaient sur le point de se réaliser sur notre territoire. Par exemple, la revitalisation de la rue Jean-Talon devra attendre, alors que ça devait être sur le point d’être complété aujourd’hui. Compte tenu des travaux pour le métro, pour le REM, etc., on doit se coordonner avec tous les intervenants pour ne pas avoir à défaire et refaire des infrastructures. Ce sont de bonnes nouvelles, mais il faudra être patient », explique Michel Bissonnet. Sur le thème des grands chantiers, ce dernier ajoutera comme priorité de son administration la planification de la réfection de l’autoroute métropolitaine qui devrait avoir lieu très bientôt selon le ministère des Transports du Québec. « On travaille avec le MTQ pour qu’il comprenne bien l’importance de rendre la circulation des piétons et des cyclistes fluide et sécuritaire dans les principaux corridors nord-sud, comme Lacordaire, Viau, par exemple. Il ne faut plus répéter les erreurs du passé. »

Du côté environnemental, M. Bissonnet se dit assez satisfait que l’arrondissement ait planté 2 800 arbres ces quatre dernières années sur le territoire, mais en propose 3 000 pour un prochain mandat. Selon lui, Saint-Léonard a du retard à rattraper à ce chapitre alors que l’arrondissement arrive en 15e place sur 17 quant au volume de sa canopée. « On aimerait également doter l’arrondissement d’un premier plan d’action pour le climat dès l’an prochain, et aménager des parcs à chien dans l’ouest, qui n’en compte aucun pour le moment », affirme-t-il.

Dans le dossier du logement social et abordable, le maire sortant souligne que le nouveau profil démographique de l’arrondissement, marqué aussi par l’arrivée de nombreux immigrants, amène une nouvelle problématique, soit un manque considérable de ce type de logements. « Dans les 50 000 nouvelles unités de logement promis dans le programme d’Ensemble Montréal sur l’île, j’espère que nous aurons notre part du gâteau car Saint-Léonard en a bien besoin. L’autre défi, par contre, sera de trouver du terrain, car il en reste peu de disponible dans l’arrondissement. Il faudra peut-être penser à reconvertir des secteurs industriels vieillissants, par exemple », avance le maire sortant.

Finalement, question infrastructures, M. Bissonnet indique vouloir faire d’un centre sportif et communautaire son cheval de bataille, alors que l’arrondissement n’en possède aucun, comme son voisin Montréal-Nord. Il affirme également vouloir faire aboutir le projet d’agrandissement de la bibliothèque municipale, qui serait la 2e plus fréquentée dans le réseau montréalais. Une demande qu’il répète aux autorités depuis 2008, dit-il. « Dans un autre ordre d’idée, je pense que ce serait très intéressant d’analyser l’opportunité de créer un pôle industriel dans le secteur de l’alimentation sur le territoire, et de transformer ainsi une partie de notre territoire industriel qui date d’une autre époque. Je lance l’appel à la ville centre et à Québec. »

Du NPD… à aujourd’hui

Michel Bissonnet, aussi longtemps qu’il se souvienne, a toujours été attiré par le milieu politique. Début vingtaine, alors qu’il travaille comme transcripteur des débats à l’hôtel de ville de Montréal, il cogne à la porte des libéraux et des conservateurs fédéraux et offre ses services comme aide politique, « pour apprendre la mécanique », mais aucune ouverture ne semble se dessiner. Qu’à cela ne tienne, il tente alors sa chance au NDP. Le parti est plutôt en mauvaise posture à l’époque, et on lui donne un petit mandat : vendre quelques cartes de membres, si possible. « En quelques jours j’avais vendu ma dizaine de cartes, je leur ai dit de m’en donner d’autres. J’en ai revendu le double les jours suivants. Ils m’en ont donné des dizaines après, et je les ai encore toutes vendues (rires) », se rappelle M. Bissonnet.

Il retient alors l’attention du chef du parti, Robert Cliche, qui lui offre de porter les couleurs du NPD dans l’élection partielle du comté de Papineau, où se présente le libéral André Ouellet, très largement favori. « Il faut savoir qu’il y avait seulement 7 membres du NPD dans Papineau à ce moment-là. Mais j’ai quand même fait une bonne campagne et remporté pas mal de votes, sans vaincre M. Ouellet, bien sûr. » Par la suite, il se propose chauffeur attitré du chef Cliche, qu’il trimballe un peu partout mais surtout pour faire l’aller-retour Montréal-Ottawa lorsque c’est possible (il travaille toujours à ce moment à l’hôtel de ville de Montréal). « Comme le NPD n’avait pas beaucoup d’argent à l’époque, je faisais cela bénévolement, et je payais même l’essence (rires). Souvent, je regardais dans mon rétroviseur et je voyais M. Cliche qui dormait dans mon char… », raconte-t-il.

Un des événements déclencheurs de la carrière politique de Michel Bissonnet se déroulera à la fin des années 1960, alors qu’il organise un événement bénéfice pour Robert Cliche dans la paroisse Sainte-Béatrice, à Laval. Il réussit alors à réunir pas moins de 700 personnes, un véritable exploit pour le NPD à l’époque. « C’est après ce rassemblement que j’ai été approché pour me présenter en politique municipale, à Laval. Mais je vais perdre malgré une solide campagne. Après j’ai décidé de prendre un peu de recul de la politique et de me concentrer sur mes études. Je ferai mon cégep de soir, et ensuite mon droit à l’université, tout en continuant à travailler à la Ville de Montréal », explique M. Bissonnet.

Une fois ses études complétées, l’avocat pratiquera à peine quelques années à plein temps avant de briguer la mairie de Saint-Léonard. Cette fois sera la bonne pour le politicien, qui représentera les électeurs de ce territoire de façon continue, à Montréal ou à Québec, jusqu’à aujourd’hui!