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CONTRER LA MALTRAITANCE, UN APPEL À LA FOIS

Selon le dernier recensement de 2016, l’Est de Montréal compterait quelque 123 240 personnes âgées de 65 ans et plus sur son territoire, incluant les arrondissements de Rosemont−La Petite-Patrie et Villeray−Saint-Michel−Parc-Extension, qui ont un pied dans l’Est et l’autre dans la région « centre ». Ce chiffre impressionnant représente environ un cinquième de la population de l’Est de Montréal.

Parmi ces aînés, dont le nombre devrait d’ailleurs augmenter significativement dans les 15 prochaines années, plusieurs feront malheureusement l’objet de maltraitance, sous une forme ou une autre, en laissant plus ou moins de séquelles, selon la nature des événements. Depuis 2010, le gouvernement provincial met toutefois à la disposition des aînés, mais aussi de leurs proches, un outil gratuit et très efficace pour contrer les cas de maltraitance : la ligne téléphonique Aide Abus Aînés, un guichet unique spécialisé qui fournit l’assistance nécessaire aux victimes de maltraitance, et encadre au besoin les proches aidants et les professionnels travaillant auprès de ces aînés.

Les trois types de maltraitance les plus courants

« Les cas les plus souvent rapportés via notre service sont la maltraitance financière et matérielle (environ 30 %), la maltraitance psychologique (30 %) et la violation des droits de la personne (17,5 %). Et il n’est par rare que les deux premiers types de maltraitance soient combinés », affirme Sylvie Bouchard, coordonnatrice gestionnaire de la ligne Aide Abus Aînés, opérée par le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

Et le mythe voulant que l’abuseur soit généralement issu de la famille de l’aîné est bel et bien fondé selon les données de ce service public, qui évalue que 36 % des maltraitants sont des enfants des victimes, suivi du conjoint et des autres membres de la famille à 19 %. « C’est principalement pour cette raison que beaucoup d’aînés hésitent encore aujourd’hui à dénoncer des situations de maltraitance, ils ne veulent pas causer du tort à des gens de leur famille, ils ont honte de se retrouver dans ce genre d’histoire, et souvent, très souvent même, ils ont peur des représailles. Ce sont aussi des gens qui peuvent être très isolés et qui vivent un sentiment de grande vulnérabilité. Il s’agit bien sûr de situations délicates et complexes qui demandent de nombreux critères d’analyse, et à la base une excellente écoute de la part de nos professionnels », explique Mme Bouchard.

Cette dernière ajoute que la confidentialité du service est évidemment primordiale pour assurer la sécurité des appelants et respecter leur vie privée, qu’il s’agisse d’aînés (40 % des appels), de membres de la famille (32 %) ou autres. « Toutes les discussions sont confidentielles, et nous ne procédons à aucune action sans le consentement de l’appelant ou qui pourrait nuire à la sécurité de l’aîné. Il arrive souvent que la victime appelle une première fois et nous parle, mais ne veut pas que nous intervenions immédiatement. Puis elle nous rappelle plus tard pour qu’on enclenche finalement des procédures d’aide », soutient la coordonnatrice, qui souligne qu’environ 70 % des aînés qui font appel au service d’aide sont des femmes.

L’équipe de la ligne Aide Abus Aînés, composée en grande partie de travailleurs sociaux, doit donc évaluer plusieurs paramètres lors d’un appel, qui dure en moyenne 25 minutes, mais qui peut atteindre facilement les 50 minutes nous dit-on. Entre autres, les employés devront évaluer si l’aîné est apte ou non à analyser sa situation, confirmer dans quel milieu de vie il évolue (logement, résidence, CHSLD), voir s’il habite ou non avec la personne maltraitante, etc. Il faudra également évaluer le niveau de vulnérabilité de l’aîné, ses capacités à faire ses propres démarches, son niveau d’autonomie physique, son réseau et son environnement humain (est-il bien entouré, ou isolé?), sa situation géographique, etc. Et bien sûr, déterminer le type de maltraitance auquel il est confronté.

L’aide apportée aux victimes

La première forme d’aide offerte par la LAAA, immédiate celle-là, est bien sûr l’écoute. « Ensuite, selon l’analyse du professionnel qui prend l’appel, et avec le consentement de l’appelant, nous allons la plupart du temps le référer aux bonnes ressources qui pourront aider la victime de maltraitance. Parfois ce sera vers le CLSC, parfois nous conseillerons un proche pour intervenir efficacement, nous pouvons interpeller la Commission des droits de la personne, le Curateur public, bref nous sommes la porte d’entrée pour déterminer les problématiques et initier l’aide nécessaire », affirme Sylvie Bouchard.

Pour des gens plus isolés, ou des cas particulièrement pointus, il arrive que les intervenants psychosociaux de la LAAA fassent un suivi téléphonique directement avec les victimes de maltraitance pendant un certain temps, et initient même des démarches au nom de celles-ci. « Mais c’est plutôt l’exception, car nous sommes avant tout un service d’aide par téléphone qui oriente les gens et qui les réfère aux bonnes ressources sur le terrain », soutient la gestionnaire.

Il arrive que des appels proviennent de personnes qui sont simplement témoins de situations alarmantes, mais qui n’ont pas de lien avec les présumées victimes de maltraitance. Comment la LAAA traite-t-elle ces allégations? « Nous allons tenter d’entrer en contact discrètement avec la victime ou des proches afin de voir si les craintes sont fondées. L’objectif premier est de s’assurer que la personne n’est pas en danger, et s’il y a un problème, d’offrir notre aide si la personne la désire », explique Mme Bouchard.

Dans d’autres cas, il faudra plutôt intervenir pour aider la personne qui est à la source de la maltraitance, comme par exemple un enfant toxicomane qui abuse financièrement d’un parent. « La maltraitance n’est pas toujours intentionnelle, elle peut provenir d’une personne qui est elle-même en détresse, comme la personne toxicomane, ou encore un proche aidant qui souffre d’épuisement et qui peut nuire psychologiquement à une personne âgée. La solution passe dans certains cas par l’aide que l’on peut apporter à ces gens en détresse », affirme Sylvie Bouchard.

Depuis son lancement le 1er octobre 2010, la ligne Aide Abus Aînés a reçu plus de 38 000 appels en provenance de la population partout au Québec, dont environ 11 500 de la région de Montréal. Plus de 80 % des appels se sont avérés jusqu’à maintenant de véritables cas de maltraitance selon les données de la LAAA.

En parallèle avec l’aide directe qu’apporte la LAAA aux aînés, les données recueillies par ce service de première ligne sont également très précieuses pour le Ministère de la Santé et des Services sociaux. « Sans être des études scientifiques et exhaustives, les données que nous recueillons nous permettent tout de même de tracer un certain portrait de la maltraitance au Québec, et elles influencent des actions gouvernementales. Par exemple, si l’actuel plan d’action du MSSS concernant la maltraitance faite aux aînés, qui est en cours jusqu’en 2022, prévoit octroyer 20 % des ressources pour contrer le phénomène de maltraitance financière et matérielle, cela découle directement de nos analyses et de nos données que nous avions compilées de 2010 à 2017 », explique Mme Bouchard.

Service de consultation pour intervenants et professionnels

La LAAA, c’est aussi un guichet unique, et toujours gratuit, de ressources et d’informations pour les intervenants et les professionnels œuvrant auprès des personnes âgées. Depuis le lancement du service, les employés de la ligne téléphonique ont notamment donné plus de 2 500 consultations privées à des travailleurs sociaux, des professionnels du secteur financier, des employés de résidences privées pour aînés, des employés de CHSLD, etc. Ce soutien clinique vise à fournir les outils nécessaires à ces professionnels afin qu’ils puissent développer une meilleure compréhension de la situation, et faciliter leur prise de décision quant aux services à offrir à la personne aînée. « Ces demandes de consultation sont en forte hausse depuis deux ans, probablement à cause de la notoriété grandissante de la LAAA. Si au début du service nous recevions 15 appels par mois de cette clientèle, aujourd’hui on parle plutôt d’une cinquantaine », avance Sylvie Bouchard.

En plus du service de consultation, la LAAA offre aux intervenants et aux professionnels des programmes de formation, des présentations adaptées à différents partenaires, et de nombreux documents d’information et de références. Selon les données recueillies jusqu’à maintenant, environ 60 % des demandes de consultation ont été faites par des professionnels à partir du domicile de la personne maltraitée, et 30 % en milieux d’hébergement, surtout provenant de résidences du secteur privé.

Personnes de 65 ans et plus par territoire, dans l’Est de Montréal

Anjou : 9 975 (23,2 % de la population locale)
Mercier−Hochelaga-Maisonneuve : 21 825 (16,0 %)
Montréal-Nord : 16 320 (19,4 %)
Rivière-des-Prairies−Pointe-aux-Trembles : 19 080 (17,8 %)
Rosemont−La Petite-Patrie : 20 560 (14,7 %)
Saint-Léonard : 15 710 (20,0 %)
Villeray−Saint-Michel−Parc-Extension : 19 245 (13,4 %)
Ville de Montréal-Est : 525 (13,6 %)

Source : Statistique Canada, Recensement 2016

Pour rejoindre la ligne téléphonique Aide Abus Aînés : 1 888 489-2287
Service offert 7 jours sur 7, de 8h à 20h
www.aideabusaines.ca