Photo Sébastien Ste-Croix Dubé.

MABRASSERIE : BRASSÉE AU CŒUR DE SA COMMUNAUTÉ

NDLR : Les brasseurs et distillateurs de l’est de Montréal connaissent depuis quelques années un succès grandissant sur les tablettes un peu partout au Québec, faisant aujourd’hui du territoire l’un des plus productifs sur la scène nationale des micro-brasseurs et micro-distilleries. EST MÉDIA Montréal a voulu en savoir plus sur ces artisans-entrepreneurs en pleine ébullition, ce qui a généré sept reportages et tout autant de belles rencontres, et surtout, une intéressante série signée Elizabeth Pouliot. (2/7).

Sise au creux de l’Espace Affaires Rosemont, la coopérative de solidarité brassicole MaBrasserie est là où on ne l’attend pas, face aux Archives nationales, rue Holt. Il s’agit du lieu de prédilection des parents rosemontois amateurs de bière. En effet, comme il s’agit d’un salon de dégustation (et non pas d’un bar), ils peuvent y trimballer leurs enfants en toute légalité et à toute heure. Bienvenue chez MaBrasserie, un concept brassicole qui a le partage avec la communauté inscrit dans son ADN.

Un projet germe dans la tête d’un groupe d’amis passionnés de la bière et dont certains travaillent à l’époque au Broue Pub Brouhaha, un bar situé à distance de marche de MaBrasserie. Comme l’ancien directeur général de cet établissement, lui-même brasseur, cherche un lieu où brasser sa bière, vient alors à l’idée du groupe de mettre sur pied une coopérative de solidarité, un modèle plutôt unique qui rassemblerait sous un même toit différents secteurs d’activités. D’autres passionnés se joignent au projet, dont Martine Lafontaine, cofondatrice, aujourd’hui présidente de la coopérative et responsable du développement des affaires. Avec d’autres, ils se rassemblent, occupant peu à peu les postes nécessaires afin de mettre sur pied leur ambitieuse entreprise : « Un concept brassicole coopératif et novateur qui se donne comme mission de partager un savoir-faire et une expérience brassicole dans la communauté. »

Le tout petit groupe travaille d’arrache-pied et ouvre les portes de son local de 23 000 pieds carrés en 2015. Aujourd’hui, évoluent sous le même toit une fabrique artisanale de bière, une boutique, un salon de dégustation et un centre de formation et de partage sur la bière. Une offre aussi diversifiée nécessite toute une équipe! Une cinquantaine d’employés se partagent les tâches, tandis que les cuves brassent 4000 hectolitres par année, soit leurs pleines capacités. En plus de produire ses propres bières, MaBrasserie accueille aussi de petits brasseurs locataires.

Photo Sébastien Ste-Croix Dubé.

Le sens de la communauté

Pour les fondateurs, s’installer dans Rosemont était tout naturel. « Avoir un espace industriel dans le quartier était une réelle opportunité de rejoindre la communauté locale ainsi que d’effectuer la distribution de nos produits chez les détaillants », explique Martine Lafontaine. La coopérative venait ainsi s’implanter dans le cœur de sa communauté, près des Montréalais, et comblait un besoin, celui de pouvoir accueillir autant les parents que leurs enfants. « C’est une jeune population familiale et qui est intéressée par les produits brassicoles », ajoute-t-elle. Et la raison pour laquelle d’autres microbrasseries poussent comme des champignons dans le secteur serait peut-être liée, selon elle, au fait qu’il s’y trouve encore des locaux industriels et pas trop dispendieux.

Les produits MaBrasserie, dont les plus populaires restent les lagers et les IPA, s’alignent autant sur les tablettes des épiceries que des commerces spécialisés, et ce, à Montréal, sur la Rive-Nord, sur la Rive-Sud, dans les Laurentides, en Outaouais, en Estrie et dans la ville de Québec. C’est d’ailleurs la production en canettes qui a permis à la coopérative de rester à flots malgré les aléas de la dernière année. « Toutes nos opérations se sont tournées vers la canette, donc on s’est mis à en produire beaucoup et à faire de la livraison, et encore plus aux épiceries et aux dépanneurs parce qu’en ce moment, les clients s’y approvisionnent en produits brassicoles. »

MaBrasserie est située dans le secteur Espace Affaires Rosemont, sur la rue Holt, à l’ouest d’Iberville (Photo : EMM).

Juste avant la tempête, MaBrasserie a changé de chef, souhaitant offrir un menu plus élaboré qu’avant. C’était sans se douter de ce qui l’attendait dans le détour en 2020… Bertrand Giguère, anciennement derrière les créations culinaires du restaurant Mélisse, est arrivé le 1er mars. Deux semaines plus tard, le Québec se mettait sur pause. « Il était tellement motivé! Il s’est retrouvé à faire surtout des plats pour emporter… Mais il y a un bel engouement pour notre nouvelle cuisine. » Et dès que les valves seront rouvertes, MaBrasserie poursuivra avec joie ce développement, tentant de proposer des plats qui transcendent les mets habituellement servis en brasserie.

Des projets plein les cuves

Martine Lafontaine carbure aux événements. C’est elle qui était derrière l’agréable MaSt-Jean en juin 2019. La pandémie l’aura empêchée de fêter à nouveau en 2020, mais ce n’est que partie remise. « J’aimerais faire plus d’événements extérieurs dans le même style. Fermer la rue, établir des partenariats avec les Archives nationales et le Cinéma Beaubien. Animer la vie de quartier pour en faire profiter la communauté. » Si vous n’y étiez pas en 2019, l’événement avait attiré jeunes et moins jeunes, avec ou sans enfants. Dans la rue fermée à la circulation couraient les bambins, festoyaient les adultes, un verre à la main, et s’alignaient quelques camions de bouffe. Un événement des plus réussis et tout à fait à l’image de Rosemont.

Photo Olivier Bourget.

Une autre intention chère au cœur de l’équipe est celui de cultiver le houblon à même le toit de MaBrasserie. « Ça nécessite des plans d’ingénierie, il faut que la structure du toit soit assez solide pour supporter le tout. Le projet ne verra donc pas le jour tout de suite. » En attendant, l’équipe se console avec le verdissement de sa terrasse. « On a fait affaire avec Véronique Lemieux de Vignes en Ville. Il y a maintenant une plantation de houblon sur notre terrasse. » Telles des vignes, les branches de houblon s’enroulent au toit de la terrasse. Y poussent des cocottes, qui peuvent ensuite être ramassées et utilisées pour créer de la bière.

MaBrasserie se distingue des autres microbrasseries par son modèle d’affaires coopératif, mais pas que! Elle offre aussi une formation aux brasseurs en herbe via l’Institut brassicole du Québec. Le cursus plus approfondi permet de former de futurs brasseurs industriels et un autre s’adresse plutôt aux amateurs qui souhaitent se mettre à brasser leur propre bière à la maison. Fait de cours théoriques et pratiques, le premier se compose de plusieurs heures réparties sur quelques semaines. Il peut se faire en semaine de jour ou le soir et les fins de semaine au coût de 4500 $. Le second se veut une journée d’immersion qui coûte 229 $. Les deux formations se déroulent dans les murs de MaBrasserie, question de facilement passer de la théorie à la pratique.

En somme, le mandat que la microbrasserie s’est fixé dépasse largement le simple brassage de bière. Elle souhaite faire un avec sa communauté, lui apporter à la fois services et plaisir, rester toujours accueillante et former la relève. « C’est le retour aux sources, à tout ce qui est artisanal, fait avec amour et avec des produits de qualité. C’est la roue qui tourne », termine Martine Lafontaine. MaBrasserie, à travers ses activités, son implication et ses projets, tente donc de renouer avec l’essence, celle aromatisée au houblon.


Le dossier spécial « Rosemont 2021 » a été rendu possible grâce à la collaboration des partenaires suivants :