Des manifestants ont interrompu le discours de la ministre de l’Habitation devant la CCEM, vendredi dernier (Emmanuel Delacour/EMM)

LOGEMENT : LA MINISTRE DURANCEAU S’ADRESSE À LA CCEM LORS D’UNE CONFÉRENCE SOUS TENSION

Vendredi dernier, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a pris la parole devant les membres de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM) lors d’une conférence sur la question du logement, qui s’est déroulée dans un climat tendu, marqué par l’interruption de manifestants.

Alors qu’elle s’apprêtait à faire le bilan des politiques du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière d’habitation depuis son entrée au pouvoir, quelques protestataires l’ont invectivée et ont demandé sa démission. Dénonçant d’abord la hausse de loyer recommandée par le Tribunal administratif du logement (TAL) de 5,9 % pour l’année 2025.

« À défaut de pouvoir se loger, les gens vont crever dehors la gueule ouverte à -20 °C. […] À chaque personne à qui on s’adresse, c’est toujours la même réponse : « Ce n’est pas de notre faute, la faute est collective. » Mais on croit qu’il y a des gens qui partagent un peu plus la faute que les autres, disons-le. Aujourd’hui, ce qu’on veut rappeler, c’est qu’il y a des gens, c’est beau le développement commercial, mais il y a des gens, des vies humaines, des droits qui ne sont pas respectés », ont souligné les manifestants avant d’être escortés par des agents du Service de police de Montréal.

(Une vidéo de la manifestation est disponible ici)

Avant de quitter, ceux-ci ont aussi accusé le gouvernement de la CAQ de ne pas agir suffisamment pour aider les locataires alors que la crise du logement dure depuis plusieurs années. Les détracteurs ont aussi demandé que la ministre intervienne pour changer la méthode de calcul du TAL concernant ses recommandations sur la fixation des loyers.

La ministre fait son bilan du logement

Lors d’une entrevue avec EST MÉDIA Montréal, Mme Duranceau a réagi aux propos des manifestants, en affirmant que, contrairement à ce qu’ils avaient avancé, son gouvernement travaille activement à accélérer la création de nouvelles unités d’habitation au Québec.

La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, s’est adressée aux membres de la CCEM vendredi dernier (Emmanuel Delacour/EMM)

« C’est dommage qu’ils n’aient pas écouté la conférence, parce que je faisais état des avancées qu’on a faites en habitation. Quand j’ai 24 000 logements avec des projections claires de 6000 logements en 2025 et de 9000 en 2026, c’est concret, ça. C’est du vrai logement qui va sortir pour aider les gens vulnérables », a-t-elle soutenu. En effet, durant sa présentation devant la CCEM, la ministre a exposé des données qui prévoient la livraison au Québec de 24 310 unités financées par l’État, entre 2023 et 2028. Ce sont 4 389 unités qui ont été livrées en 2023 et 2024, mais 954 de celles-ci proviennent de données préliminaires pour 2024. Le reste des 19 921 unités sont projetées en 2025 et sur les trois années suivantes.

En ce qui concerne les personnes vulnérables, notamment les gens en situation d’itinérance qui campent aux abords de la rue Notre-Dame Est dans Mercier—Hochelaga-Maisonneuve, celle-ci a dit être d’accord avec le fait qu’il est nécessaire de construire tout type de logement. « Il y a 500 unités qui étaient réservées dans notre dernier budget spécifiquement pour l’itinérance, elles ont toutes été déployées, ça veut dire que les Old Brewery de ce monde ont des unités en cours. Il y a du logement de transition, il y a aussi du logement modulaire, qui est temporaire pour éviter que les gens couchent dans la rue. On a ajouté ça dans les solutions », a insisté Mme Duranceau.

La ministre a par ailleurs réitéré que le gouvernement était intervenu pour interdire les évictions durant trois ans, parce que pour 20 % des personnes récemment sans-abri, la perte de leur logement en raison d’une éviction est la principale cause de leur situation.

Au niveau municipal, la ministre a aussi parlé du projet de loi 31, qui a récemment accordé des pouvoirs exceptionnels aux municipalités en matière d’encadrement du développement immobilier, leur permettant d’accélérer le processus. EST MÉDIA Montréal avait rapporté que l’arrondissement de Villeray—Saint-Michel—Parc-Extension a été la première administration montréalaise à faire appel aux pouvoirs accordés par cette loi pour mettre sur les rails un projet immobilier, non sans causer l’ire de certains citoyens. Ceux-ci ont entre autres dénoncé l’absence de consultation publique prévue dans le processus.

À plusieurs reprises, Mme Duranceau s’est désolée du fait que certaines mairies hésitaient encore à faire appel aux pouvoirs exceptionnels qui leur ont été accordés pour faire sortir de terre des projets de type « marché » et à privilégier les projets à vocation sociale ou abordable. « Il faut faire preuve de courage », a-t-elle lancé devant les membres de la CCEM. Il est impossible « de faire plaisir à tout le monde », a-t-elle précisé en entrevue avec EST MÉDIA Montréal.

Jean-Denis Charest, PDG de la CCEM (Courtoisie)

À la suite de son discours, la ministre a discuté avec le président-directeur général de la CCEM, Jean-Denis Charest. Durant cet échange, celle-ci s’est gardée de révéler de quelle manière avançaient les dossiers particuliers dans l’est de Montréal.

Sur la question de la Société de mise en valeur des terrains de l’est, dont l’enveloppe de 100 M $ a été annoncée au Sommet de l’Est en novembre 2023, Mme Duranceau s’est contentée de dire que tout avançait rondement, mais que pour l’instant « la meilleure chose à faire » était de laisser les personnes chargées du dossier travailler. Selon plusieurs acteurs de l’est, on entrevoit que Québec fasse l’acquisition d’un grand terrain dans l’est pour des projets qui restent encore à être annoncés.

Appelé à commenter le discours de la ministre, M. Charest a affirmé voir « une prise de conscience collective » au sujet de la nécessité d’augmenter le nombre de mises en chantier à Montréal. « Je pense qu’on fait une job intéressante au niveau des projets de logements sociaux. Il faut améliorer la facilité des promoteurs privés et des organismes en logements sociaux pour que ça soit encore plus facile et plus fluide. »

Ce dernier a aussi demandé qu’on bonifie la « compétitivité » de l’environnement d’affaires de Montréal versus l’ensemble des autres régions du Québec, notamment des couronnes de la région métropolitaine.

« Je pense qu’il y a de bonnes nouvelles qui s’en viennent dans l’est de Montréal. On a des leviers qu’il n’y a nulle part ailleurs ; cinq stations de métro, c’est un potentiel extraordinaire. Il y a des changements législatifs qui risquent de tout favoriser, et maintenant il nous faut un bon arrimage entre Québec, la Ville de Montréal et les arrondissements, et c’est là que ça va se jouer », a affirmé M. Charest.