Une navette Navark reliant Montréal-Mercier à Boucherville avec à son bord passagers et vélos (Courtoisie Navark)

LES NAVETTES FLUVIALES DEMEURENT UN « PROJET PILOTE »

Lancé pour la première fois en 2018, le service de navettes fluviales sillonne les eaux du fleuve Saint-Laurent chaque saison et gagne en popularité. Pourtant, le mode de transport demeure un « projet pilote » pour ses gestionnaires, qui n’ont pour l’instant pas de plan à dévoiler pour pérenniser les navettes après 2025.

La dernière saison des navettes fluviales a été la plus achalandée, 2023 ayant atteint un record avec plus de 422 000 passages, soit 166 000 de plus que l’année précédente. Pourtant, malgré cette forte popularité, ni le gouvernement du Québec ni l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), gestionnaire du service, ne s’engagent à maintenir celui-ci dans un futur proche.

Le service est aux deux tiers financé par le ministère des Transports du Québec (MTQ) par l’entremise de la stratégie maritime Avantage Saint-Laurent. On prévoit une somme de 21 M$ pour la période 2020-2025 afin « de soutenir des projets de navettes fluviales. À la fin de cette période, le ministère analysera les résultats du projet pilote. Les conclusions de cette analyse nourriront la réflexion du ministère et de ses partenaires, dont l’ARTM, quant à l’avenir des navettes fluviales », nous indique-t-on par courriel au MTQ.

Pourtant, on reconnaît la popularité du service dans l’est. « En plus de favoriser l’accès au fleuve, ce mode de transport peut faire partie des solutions aux difficultés de circulation vécues dans la région métropolitaine de Montréal », poursuit le ministère dans le même message.

Contacté par EST MÉDIA Montréal, le cabinet de la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.

À l’ARTM, qui est chargé du service depuis 2021, on affirme avoir « testé plusieurs scénarios différents pour analyser quelle est la réponse de la clientèle (horaires, trajets, périodes d’opérations, etc.) » dans le cadre de ce projet pilote. Toutefois, on sous-entend que la pérennité du réseau de navettes est principalement tributaire du MTQ. « Puisque le service actuel est subventionné en majeure partie par le gouvernement du Québec, un bilan est présenté chaque année au ministère des Transports et de la Mobilité durable afin d’évaluer le projet pilote », affirme l’ARTM dans un courriel.

Les trajets qui ont été négociés dans le cadre des contrats avec Croisières Navark et Navettes Maritimes du St-Laurent (une filiale de Croisières AML) (Image tirée du document d’appel d’offres de l’ARTM)

Du côté d’un des deux armateurs des navettes, on admet qu’il n’y a pas de « plans immédiats pour les pérenniser. Nous continuons à évaluer les performances du service, ainsi que son impact sur la communauté et l’environnement. Cette phase pilote nous permet de recueillir des données précieuses afin d’informer toute décision future concernant la viabilité à long terme des navettes fluviales. Nous comprenons que cette situation puisse susciter des questions, mais nous tenons à vous assurer que nous sommes engagés à fournir un service de qualité et à explorer toutes les possibilités pour son développement futur », nous explique Croisières Navark par courriel.

Si la saison 2024 des navettes a récemment été annoncée et que l’ARTM garde l’option de la renouveler en 2025 dans son contrat avec Navark et AML, rien n’indique pour l’instant que les navettes seront de retour lors des années subséquentes.

Les utilisateurs veulent un service permanent

Interrogés par EST MÉDIA Montréal sur le réseau social Facebook, plusieurs résidents de l’est ont affirmé souhaiter que les navettes restent pour de bon.

« Je crois qu’il est impensable de ne pas profiter du fleuve pour transporter les gens. Toutes les grandes villes ayant accès à des voies navigables les utilisent pour faciliter les déplacements et désengorger les routes. Le service de navette est extraordinaire ici : 20 minutes pour aller au centre-ville contre 1 h 30 min en voiture ou en transport en commun à l’heure de pointe! Aucune commune mesure. Je serais extrêmement déçue que ce service ne soit plus disponible. On fait pitié comme ville si on ne peut pas maintenir cette option de transport », soutient Nelly Jetté, résidente de Pointe-aux-Trembles.

Si le service venait à disparaître, plusieurs utilisateurs affirment qu’il s’agirait d’une perte importante pour l’est.

« Je serais vraiment très déçue, souligne Christine Levasseur. Aller au Vieux-Port en voiture est très dispendieux. La navette est à quelques pas, nous permet un trajet rapide, économique. Et le trajet devient part entière de l’activité, car c’est un voyage pour les enfants. J’ai eu le plaisir de l’utiliser une dizaine de fois l’été dernier, et ce, jusqu’en novembre grâce à la période prolongée. Aussi, on y croise des gens plus âgés qui ont accès au centre-ville grâce à ce moyen de transport. »

« Ce serait vraiment dommage, ajoute Pierre-Marc Slafkovsky Pelletier. Ça nous offre une super belle alternative au transport en commun, qui en arrache de plus en plus depuis quelques années. J’ai vu beaucoup d’enfants qui prenaient le bateau pour la première fois. Juste de voir l’éclat dans leurs yeux, ça valait l’investissement! Je trouve ce service indispensable pour toute la famille. »