Le Garage à musique a aidé plus de 900 jeunes en 2019-2020. Photo : Léa Villalba

LE GARAGE À MUSIQUE : DU BAUME AU CŒUR POUR LES JEUNES

Fondé en 2008 par Mme Hélène (Sioui) Trudel, avocate médiatrice en droit intégré pour l’enfant et cofondatrice de la Fondation Dr Julien, le Garage à musique est le seul centre de pédiatrie sociale au Québec qui se spécialise dans le domaine de la musique. Situé en plein cœur d’Hochelaga-Maisonneuve, le GAM développe des outils pour permettre aux jeunes du quartier d’emprunter une meilleure trajectoire de vie. On est allé y faire un tour.

« C’est vraiment fantastique ce que la musique peut apporter aux enfants ! » lance Patrick Coiteux, directeur du Garage à musique depuis bientôt 7 ans. Musicien professionnel de formation, cela fait presque 10 ans qu’il s’intéresse aux bienfaits de la musique sur les jeunes en difficultés, un intérêt qu’il a pu davantage développer depuis son arrivée au GAM. « On aide des jeunes qui vivent avec des troubles du comportement, de l’attachement, de l’attention, de l’hyperactivité ou encore des difficultés familiales. On ratisse vraiment large », raconte-t-il.

Patrick Coiteux, directeur du Garage à musique. Photo : Courtoisie

Pour soutenir ces jeunes, le GAM offre la possibilité d’apprendre n’importe quel instrument mais aussi de participer à une chorale. « On utilise les activités musicales pour dépister les jeunes avec des problématiques. Ça nous permet d’observer leurs capacités sociales, leur attitude, leur capacité motrice, etc. », explique Noémie Rouillé, intervenante au centre depuis 3 ans. Une fois diagnostiqués, les enfants sont suivis de façon médicale avec un docteur, un intervenant psychosocial ainsi que des contacts externes comme la famille, la DPJ ou d’autres ressources communautaires. « À même le Garage, on a des professionnels dans chaque sphère d’activité. Ça nous permet d’avoir un portrait global du quotidien de l’enfant », poursuit-elle. En effet, le Garage détient aussi un Centre d’accès scolaire où on retrouve notamment des orthopédagogues, des tuteurs qui peuvent prendre en charge un enfant qui vit un retard plus important dans l’apprentissage (manque de stimulation, stress toxique, troubles du langage…).

Le Garage à musique s’est installé sur l’Avenue Bennett en 2014. Photo : Léa Villalba

Le droit est au cœur du modèle de la pédiatrie sociale, au même niveau que la médecine et les sciences sociales. C’est pourquoi, pour garantir un service le plus complet possible, le GAM possède aussi un volet juridique. Une avocate reste toujours disponible pour des conseils et de l’accompagnement auprès des jeunes et de leur famille. « Difficulté de logement, statut migratoire instable… Elle est toujours présente pour garantir les droits de l’enfant », détaille Mme Rouillé.

Aujourd’hui, le Garage à musique compte 28 employés à temps plein qui sont tous formés au sein du GAM et qui peuvent tous devenir référents auprès des jeunes. « Tout le monde est important aux yeux des enfants. Parfois, certains vont être plus proches d’un prof, de l’avocate ou d’un intervenant. On les laisse faire », commente le directeur et l’intervenante d’ajouter : « Le Garage est une belle représentation du village qui s’occupe de l’enfant, c’est très organique ».

En plus de recevoir des jeunes pour les différentes activités, les équipes du Garage se déplacent aussi dans certains établissements scolaires. « La moitié des jeunes qui viennent nous voir par la suite proviennent des écoles qu’on a visitées », explique M. Coiteux. Aujourd’hui, environ 60% des jeunes qui fréquentent le Garage sont suivis pour différents problèmes, 30% sont en cours de dépistage et 10% sont en parfaite santé. « Ils font partie de la solution, on veut de la mixité et qu’il n’y ait pas de coupure entre eux », ajoute-t-il. Certains élèves, en plus des cours de musique donnés dans leur établissement scolaire par le GAM, venaient jusqu’à trois soirs par semaine lorsque la situation sanitaire le permettait. « Ça peut vraiment devenir une passion. Certains partent même étudier en musique quand ils sont plus grands », se réjouit M. Coiteux. Avant la pandémie, plus de 900 jeunes entre 5 et 20 ans visitaient le GAM de façon hebdomadaire.

Le Garage à musique offre un système gratuit de location d’instruments. Photo : Léa Villalba

Apprendre à s’adapter

Depuis le début de la crise sanitaire de COVID-19, le Garage à musique a dû effectuer de nombreux changements. « Apprendre la musique à distance, ça ne fonctionnait pas vraiment alors on a mis en place des cours privés et semi-privés pour garder le contact avec nos jeunes. On a réussi tant bien que mal à tenir le fort ! », rassure M. Coiteux. Au niveau clinique, cela a été plus difficile comme l’explique Noémie : « Les enfants sont moins ensemble vu qu’ils sont en bulles séparées, alors c’est vraiment plus délicat de faire de bonnes observations, un bon dépistage. Ça a aussi été plus compliqué de rejoindre des enfants avec des besoins particuliers à cause des fermetures d’écoles notamment ».

Le GAM s’est adapté aux mesures sanitaires pour continuer à donner ses cours. Photo : Léa Villalba

La pandémie n’a pas affecté le nombre d’enfants suivis par le Garage à musique. Cependant, la situation s’est parfois aggravée pour certains. « Ceux qui étaient à la limite du mal-être ont basculé à cause de la COVID. Et pour ceux déjà en difficulté, ça s’est envenimé. C’est sûr que la crise sanitaire a beaucoup affecté les jeunes, mais je les trouve très résilients », exprime Mme Rouillé.

Des bienfaits notables

Le Garage à musique est le premier centre spécialisé de pédiatrie sociale en communauté à offrir des outils basés sur les neurosciences. Elles ont notamment prouvé que la pratique d’un instrument de musique active la quasi-totalité des zones du cerveau, en particulier le cortex visuel, le cortex auditif et le cortex moteur. Une pratique méthodique et structurée renforce donc ces fonctions cérébrales qui peuvent alors être utiles dans d’autres sphères du quotidien. « L’écart de concentration globale entre des jeunes qui font 5 à 6 heures de musique par semaine et ceux qui en font 45 minutes aux deux semaines est incroyable ! » exprime M. Coiteux. Jouer d’un instrument augmente aussi le volume et l’activité dans le corps calleux du cerveau qui est la commissure entre les deux hémisphères cérébraux. Ainsi, cela permet aux informations de circuler plus vite. « On voit une nette amélioration de la motricité fine chez ceux qui pratiquent un instrument. Pour les troubles du langage, la chorale est une excellente thérapie », poursuit le directeur.

Un spectacle est organisé chaque année. Photo : Courtoisie

En plus des cours « réguliers » de musique, le GAM permet aussi aux jeunes d’accéder à de la musicothérapie, une approche dont le but n’est pas d’apprendre un instrument, mais bien « d’appréhender différemment ses émotions ». « Ces ateliers peuvent permettre à certains enfants de s’exprimer, de « parler » en utilisant les sons des xylophones », donne pour exemple le directeur du centre. Enfin, plus récemment, le Garage à musique a ajouté des cours d’initiation musicale pour les 3 à 5 ans et d’éveil à la musique pour les plus petits, dès 18 mois. « Ça permet de stimuler les enfants qui suivent ces cours avec leurs parents », ajoute M. Coiteux.

Le Garage à musique suit les enfants en difficultés aussi longtemps qu’ils en ressentent le besoin. Ainsi, certains intègrent le GAM très jeunes et se font aider jusqu’à l’âge adulte. « On ne ferme jamais complètement un dossier, on le met toujours en latence. Comme ça, si le jeune en ressent la nécessité plus tard, on est toujours là. De plus, les cours de musique restent toujours accessibles, que le jeune soit suivi en clinique ou non », raconte le directeur. Pour certains, le Garage à musique est une histoire qui s’écrit même de génération en génération. « On a des familles qui voyaient le Dr Julien quand ils étaient jeunes et aujourd’hui, leurs enfants viennent nous voir », constate M. Coiteux.

Le Dr Julien rend visite aux jeunes une fois par semaine. Photo : Léa Villalba

Le Garage à musique est un centre d’expertise affilié à la Fondation Dr Julien tout comme la Ruelle d’Hochelaga et le centre de Côte-des-Neiges. Ils sont tous les trois des lieux d’innovation, de recherche et de formation pour la Fondation et l’Institut de pédiatrie sociale en communauté. En 2019, ces trois centres ont soigné et accompagné plus de 2 700 enfants en situation de grande vulnérabilité.