(Courtoisie Promenade Masson)

LE COMMERCE LOCAL DEMEURE TRÈS FRAGILE

Alors que les dernières années étaient déjà difficiles pour le commerce de détail, notamment à Montréal, l’arrivée de la COVID-19 a évidemment exacerbé le phénomène. Ainsi, on le sait, de nombreux commerces se sont retrouvés sur la corde raide. Dans le cadre d’une année où les restrictions sanitaires furent de plus en plus strictes, et maintenant avec l’intégration du passeport vaccinal, il semble que la situation pour les commerçants indépendants dans certains secteurs d’activités soit malheureusement toujours aussi précaire.

Selon le directeur général de la société de développement commercial (SDC) de la Promenade Masson, Kheir Djaghri, la situation est même carrément critique. Les commerces essentiels, soient les commerces d’alimentation, d’équipements de sports et de biens courants et durables, vont, pour la plupart, relativement bien. Mais les commerces de biens semi-courant et les restaurants et les bars restent actuellement dans une situation très hasardeuse. Étonnamment, malgré le taux élevé de Québécois au-dessus de 12 ans doublement vaccinés (84% en date du 26 septembre 2021), il semble que les consommateurs ne soient toujours pas au rendez-vous. « On s’attendait à ce que les gens visitent davantage les commerces de notre artère en imposant le passeport vaccinal, ce n’est pas le cas. L’achalandage a baissé. Plusieurs commerçants m’en ont parlé. » Est-ce que ce sont les informations sur la quatrième vague qui font peur aux gens ? Est-ce le passeport vaccinal qui repousse les consommateurs ? Est-ce cette nouvelle habitude des Québécois de prioriser les économies plutôt que les dépenses en ces temps incertains ? Personne ne le sait. Ce qui est sûr, c’est que les clients ne sont pas au rendez-vous. « J’ai une restauratrice qui me dit qu’elle accueille maintenant seulement trois clients pour déjeuner. C’est un restaurant qui en temps normal sert environ cent personnes pour déjeuner » se désole Kheir Djaghri.

Kheir Djaghri, directeur général de la Promenade Masson (photo courtoisie).

Même son de cloche auprès de l’Association des commerçants et professionnels du Vieux Pointe-aux-Trembles. « Moi, j’ai une épicerie fine, commence Joanne Paiement, la présidente de l’association. Je rentre dans la catégorie des commerces essentiels. Je suis un cas différent. Mais à un moment, c’était assez triste à voir, nous étions deux ou trois marchands, complètement isolés, ouverts sur la rue. » La fermeture des commerces est une réalité de plus en plus présente dans le paysage dans le secteur de l’est de Montréal. « On a fait deux campagnes de sociofinancement, poursuit-elle. Mais il faut que les commerçants soient là pour honorer les coupons. À cause de toutes les circonstances entourant la COVID-19, certains commerces ont dû fermer pour plein de raisons : pas assez de main-d’œuvre, problèmes financiers, etc. Les règles étaient tellement aléatoires, les commerçants ne savaient jamais ce qui allait se passer. » Dans un tel cas, c’est difficile d’attirer des clients, quand le coupon qu’ils ont entre les mains ne peut être utilisé.

Le directeur général de la SDC de la Promenade Masson est très inquiet pour l’avenir des commerçants indépendants. « C’est l’hécatombe », affirme Kheir Djaghri. Et pourtant, la Promenade Masson est l’une des artères montréalaises les plus lumineuses en ce moment. « Nous sommes une des artères qui détient le moins de locaux à louer à l’heure actuelle. En fait, j’en ai un seul qui vient tout juste de se rendre disponible » explique le directeur général. Donc, si la quatrième vague se présente comme une catastrophe assurée pour son artère, le directeur se demande vraiment comment les autres commerçants d’artères plus petites vont réussir à survivre. « Je suis de nature optimiste, mais dans ce cas, je suis pessimiste » avance le gestionnaire.

Les solutions envisageables

L’Association des commerçants et professionnels du Vieux-Pointe-aux-Trembles représente 29 membres. « Il y a une partie de notre mission qui est avortée depuis deux ans, c’est la partie où l’on organise des événements pour faire la promotion de nos commerces » explique Joanne Paiement, la présidente de l’Association. Cela s’ajoute aux embûches pour attirer des clients sur son territoire. Une des solutions pour Joanne Paiement serait de faire une campagne de marketing de contenu sur les réseaux sociaux. Cette campagne devrait mettre de l’avant les commerçants eux-mêmes. « Il faut créer un attachement à l’humain, plutôt qu’au produit » explique la présidente. Elle prévoit mettre en place une campagne qui viserait à augmenter la relation d’appartenance entre le consommateur et les entrepreneurs, et inciter le public à vouloir se déplacer dans un commerce local pour y vivre une expérience client, plutôt que simplement d’y aller pour y dépenser des sous.

Joanne Paiement, présidente de l’ACPVPAT (photo : EMM).

Du côté de la SDC de la Promenade Masson, on focalise plutôt sur donner du lousse aux entrepreneurs pour payer les comptes. Plusieurs commerçants ont eu accès à des prêts sans intérêt grâce aux Comptes d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC) et le programme d’Aide d’urgence aux petites et moyennes entreprises (PAUPME). Cependant, dans certains cas, le remboursement du solde prêté doit se faire au plus tard le 31 décembre 2022, ce qui est encore beaucoup trop tôt selon Kheir Djaghri. « Il faut donner du temps aux commerçants. Avec tous les facteurs mentionnés, en plus de la pénurie de main-d’œuvre et la difficulté d’approvisionnement, nos entrepreneurs ne peuvent pas se permettre de rembourser leurs prêts à la fin 2022. C’est trop proche. » Bref, la pandémie étant loin d’être terminée, nos commerçants ont besoin du soutien de leurs gouvernements et leurs communautés, plus que jamais.


NDLR : Juste avant la mise en ligne de l’article, nous avons appris de l’ACPVPAT que le projet « Mes achats à quelques pas » chapeauté par la Fédération des chambres de commerces du Québec a attribué une subvention à l’Association pour faire la promotion de l’achat local.

Tel que spécifié plus haut, l’ACPVPAT avait dans ses cartons un projet marketing pour l’automne, plus modeste cependant. Grâce à la subvention, l’Association pourra ainsi promouvoir ses marchands au moyen de visites virtuelles à 360 degrés et organiser des « promenades-découvertes » à l’intérieur des commerces.

Pour l’occasion, et par solidarité auprès des commerçants du secteur, l’ACPVPAT nous a confirmé qu’elle inclura exceptionnellement tous les marchands de la rue Notre-Dame, qu’ils soient membres ou non du regroupement. La campagne devrait se dérouler tout au long des mois de novembre et décembre 2021. Une bonne nouvelle donc pour les commerçants de ce secteur.


Le dossier spécial « EST en développement 2021 » a été rendu possible grâce à la collaboration de :