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ITINÉRANCE, LOGEMENT ET REM : LES PRIORITÉS D’ALEXANDRE LEDUC

Tout juste de retour du congé des fêtes, le député solidaire d’Hochelaga-Maisonneuve a profité d’un petit moment de répit vendredi dernier pour se livrer à une rétrospective de mi-mandat avec EST MÉDIA Montréal. Figure montante de son parti, on peut d’entrée de jeu affirmer que le député a été vu sur à peu près tous les fronts majeurs sur le territoire depuis son élection en octobre 2018. Questions-réponses donc avec Alexandre Leduc, le syndicaliste qui sillonne aujourd’hui les couloirs de l’Assemblée nationale.

EST MÉDIA Montréal : Quels sont les dossiers dans l’est de Montréal qui ont demandé le plus d’implication de la part de votre équipe depuis l’élection, ou du moins ceux qui vous tiennent le plus à cœur?

Alexandre Leduc : Je pense spontanément au prolongement du SRB Pie-IX. C’était déjà dans ma plateforme électorale, alors dès le lendemain des élections, mon équipe et moi avons milité très fort pour que le tracé ne s’arrête pas à la station de métro Pie-IX, mais se rende bien jusqu’à la rue Notre-Dame. Nous n’étions pas les seuls à demander cela, il y avait d’autres instances dans le quartier, dont le conseiller municipal Éric Alan Caldwell, qui faisaient des revendications auprès de Québec pour voir aboutir le projet de prolongement, qui a finalement été annoncé par la ministre Rouleau. Et avec le REM qui devrait passer par là, ça fait encore plus de sens aujourd’hui.

Il y a aussi tout le dossier de la requalification du secteur Assomption-Sud−Longue-Pointe qui demande beaucoup d’énergie, notamment pour la protection du boisé Steinberg. Nous avons mené une belle bataille jusqu’ici pour préserver cette enclave verte entourée d’activités industrielles, qui est bien sûr une rareté dans le secteur et qui est chère à plusieurs résidents des alentours. Nous avons donc organisé une première action de replantage d’arbres, et participé à une deuxième initiative du genre du groupe Mobilisation 6600. La participation citoyenne a été vraiment remarquable dans ce dossier, et les pressions ont porté fruit puisque le ministère des Transport du Québec a finalement reculé avec son projet de boucle autoroutière visant la jonction de Souligny et du boulevard de l’Assomption, ce qui aurait carrément anéanti le boisé Steinberg. Reste maintenant à s’assurer que les projets de développement limitrophes, particulièrement les nouvelles installations d’Hydro-Québec projetées sur une partie du terrain et les visées de Ray-Mont Logistiques ne viennent pas à leur tour faire disparaître le boisé.

EMM : On vous a vu également très actif concernant les dossiers de l’itinérance et du logement. Est-ce que ce sont des enjeux qui sont toujours dans vos carnets?

AL : Absolument! Ce sont d’ailleurs les deux plus grands dossiers que nous avons eu sur la table de travail ces derniers temps, et toujours les principaux je dirais. Au niveau de l’itinérance, on remarquait déjà avant la COVID que le phénomène était en croissance dans Hochelaga-Maisonneuve, depuis une dizaine d’années environ. La pandémie, qui a fait naître les campements sur Notre-Dame cet été, a évidemment démontré l’ampleur phénoménal de l’itinérance à Montréal. Le problème pour l’est de Montréal, et pour Hochelaga-Maisonneuve en particulier, c’est que malgré un écosystème extrêmement fort d’organismes communautaires dans le quartier, nous ne sommes vraiment pas équipés pour gérer la situation. C’est pour cela que mon bureau a travaillé très fort pour aider dans un premier temps l’organisme CARE et le CAP Saint-Barnabé à prendre certaines choses en charge, comme le refuge au YMCA par exemple, en poussant pour leur trouver des fonds. Et ce qui me préoccupait également, c’était de s’assurer que le campement temporaire ne soit pas démantelé inutilement avant l’hiver, surtout sauvagement. Il fallait en quelque sorte sécuriser les gens, avant tout, qui vivaient de graves difficultés.

L’itinérance, c’est aussi un problème lié à la crise du logement qui ne cesse de s’amplifier à Montréal. La quasi-absence de nouvelles constructions de logements sociaux, les HLM barricadés, la hausse vertigineuse des loyers, les rénovictions, tout cela contribue à accentuer les problèmes de logements. Il n’y a jamais eu de files d’attente comme on en voit aujourd’hui pour un logement vacant, c’est inimaginable, et cela pour des appartements qui ne sont pas donnés en plus. Mon collègue Andrés Fontecilla et moi-même avons déposé un projet de loi au début 2020 et demandé un moratoire pour mieux encadrer le phénomène de rénoviction et pour imposer notamment une hausse maximale des loyers au Québec. Dans le même ordre d’idée, j’ai suivi de près les consultations publiques concernant le grand projet immobilier du promoteur Rachel Julien, Canoë, qui s’érigera dans le secteur de Rouen. Je pense que c’est le temps de participer aux échanges afin que le promoteur bonifie le plus possible son projet pour la communauté, et jusqu’à maintenant il semble à l’écoute. Par exemple, on regarde avec le CIUSSS la possibilité d’une clinique à cet endroit afin d’attirer de nouveaux médecins dans le quartier, on sait déjà que probablement il y aura une épicerie, ce qui serait excellent compte tenu que ce secteur est reconnu pour être un désert alimentaire, il y aura aussi du logement social qui sera greffé au projet, donc il y a du bon dans tout cela, même si à la base ça demeure de la construction de condos. Car on le sait, quand on parle de condos dans Hochelaga-Maisonneuve, ça polarise les esprits autour du thème de la gentrification, alors il faut d’autant plus s’assurer que le projet apporte une plus value à la population du quartier.

EMM : Si vous aviez deux autres dossiers à mettre dans votre cv à titre de député d’Hochelaga-Maisonneuve en date d’aujourd’hui, ce serait lesquels?

AL : (rires) Je dirais peut-être la relance des activités de la Fête nationale dans le quartier, malgré la COVID qui a diminué les ardeurs, car j’ai été vraiment étonné, pour ne pas dire choqué, de constater qu’il n’y avait plus rien de prévu dans HM pour la Saint-Jean-Baptiste. Alors mon bureau a pris cela en main, en collaboration avec la députée fédérale Soraya Martinez Ferrada, et l’administration municipale de MHM. L’objectif commun est de créer une instance permanente pour assurer chaque année des festivités locales, car ce serait d’une tristesse inouïe si on ne soulignait plus le 24 juin dans le quartier. Le grand spectacle de la Saint-Jean, qui avait lieu au parc Maisonneuve auparavant, est chose du passé, mais là il faut bien s’organiser localement…

J’ajouterais au cv la mise sur pied de l’organisme d’aide juridique HocheLégal, des avocats qui offrent des conseils gratuitement. Un peu comme Juripop le fait. C’était un manque dans le parc d’organismes sur le territoire, un angle mort que je souhaitais voir disparaître un jour. Ainsi, j’essais de les accompagner à se structurer comme nouvel organisme, à trouver de l’aide financière, si possible j’aimerais que l’organisme se trouve un local permanent, etc. C’est une belle initiative, mais il reste du travail à faire.

EMM : Êtes-vous satisfait du travail de la CAQ dans l’est de Montréal depuis 2018?

AL : Je suis mitigé. Jusqu’à maintenant je peux dire que la ministre Chantal Rouleau, députée de Pointe-aux-Trembles, est plutôt accessible et à l’écoute. Je l’ai personnellement constaté dans le dossier du SRB Pie-IX par exemple ou encore au sujet de l’itinérance. Ça été toutefois plus difficile dans le dossier de la boucle autoroutière dans l’Assomption-Sud avec son cabinet. Aussi, sur la livraison concernant les grands enjeux de l’est, j’ai des doutes, parce que mis à part les budgets consacrés à la décontamination des sols industriels, il n’y a pas grand-chose qui bouge dans l’est. Le projet du REM est annoncé, mais on est encore loin d’une forme finale et acceptable socialement, il reste définitivement beaucoup de choses à confirmer dans ce dossier. Ce qui me déçoit peut-être le plus depuis 2018, c’est le peu d’intérêt que la formation politique démontre envers le dossier du logement social. Cela est urgent, pour l’est de Montréal en particulier, car si on veut améliorer la qualité de vie dans ce territoire, la question du logement doit être au centre des débats, pas seulement le REM.

EMM : Quels sont vos dossiers prioritaires pour la suite du présent mandat?

AL : Toujours la question de l’itinérance, de même que la crise du logement, c’est certain. Dans les prochains mois, le dossier du REM de l’est va certainement s’imposer aussi dans l’agenda.

Pour l’itinérance donc, j’aimerais vraiment contribuer à mettre sur pied une concertation, une structure ou une communauté d’organismes et d’intervenants solides pour faire face à la musique dans Hochelaga-Maisonneuve. Je pense que l’organisme CARE serait un phare dans cette structure, et dans une certaine mesure également le CAP Saint-Barnabé. C’est le temps également de penser à trouver un lieu d’hébergement permanent pour intervenir efficacement sur le terrain, tant pour les itinérants que pour l’instance d’intervention. Comme nous savons que des bâtiments importants seront à requalifier bientôt dans le secteur, comme par exemple le CHSLD Nicolet ou encore Grace Dart, peut-être que ce serait des options à envisager. Tout cela ne se fera pas demain matin, mais je pense qu’il faut travailler là-dessus dès maintenant si on veut arriver à quelque chose d’efficace dans les prochaines années.

Finalement, je m’attends à beaucoup d’action dans le dossier du REM de l’est pour le reste de mon mandat parce qu’il y a beaucoup de questions à poser dans ce projet. Bien sûr, j’applaudi vraiment l’annonce du gouvernement dans le développement d’un réseau de transport structurant dans l’est de Montréal, et on ne va certainement pas cracher dans la soupe, car c’est primordial pour le territoire on en convient. Par contre, j’ai des interrogations majeures sur le tracé, l’emplacement des stations, les mesures d’atténuation. J’espère aussi que les citoyens seront écoutés dans le processus de consultation. On verra comment tout cela va aboutir, mais chose certaine, ce sera le grand sujet de discussion dans les prochains mois dans l’est, à part peut-être la COVID… !