La succursale de Renaissance sur le boulevard Pie-IX, dans Hochelaga.

La succursale de Renaissance sur le boulevard Pie-IX, dans Hochelaga. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM.)

INFLATION : LES FRIPERIES DE L’EST ONT LA COTE

Au lendemain de la pandémie et après plusieurs mois d’inflation, les friperies de l’est de Montréal connaissent de grands changements. Pour les personnes en quête d’aubaines, ce sont plus que jamais des destinations incontournables, tandis que les chasseurs de trésors font des choix plus judicieux afin d’économiser.

Depuis près d’un an, les douze succursales et boutiques de Renaissance dans l’est de la métropole ont connu une hausse d’achalandage de 20 %. C’est ce que confirme Éric St-Arnaud, directeur général de l’organisation à but non lucratif. « La pandémie et l’inflation ont accéléré une tendance qui était déjà lourde. Avec l’augmentation des loyers et du prix des aliments, les gens se tournent vers l’achat local et de seconde main pour faire des économies », souligne-t-il.

C’est donc par nécessité, mais aussi à cause de la conscientisation dont font preuve les plus jeunes générations, que la clientèle et les donateurs ont augmenté dans les boutiques de Renaissance durant la pandémie, selon M. St-Arnaud.

Une boutique librairie Renaissance sur la rue Ontario, dans Hochelaga. Photo: Emmanuel Delacour/EMM

Photo: Emmanuel Delacour/EMM

Toutefois, ce dernier s’inquiète d’un autre effet que pourrait avoir l’inflation sur les opérations de l’organisme. Si le prix des produits grimpe trop, les potentiels donateurs pourraient être tentés de revendre leurs articles, afin de récupérer quelques dollars. « Quelqu’un qui a un pantalon jeans de marque dont il veut se départir, au lieu de venir nous le donner, peut-être qu’il va plutôt choisir de le revendre sur Marketplace (NDLR : le service de vente en ligne de Facebook). Ce serait une catastrophe pour nous, parce qu’un des attraits des friperies c’est la chasse aux trésors », indique le directeur général. S’il n’y a plus d’articles uniques ou rares qui se retrouvent sur les tablettes de Renaissance, ce dernier craint qu’une partie de la clientèle délaisse ses boutiques.

« Le pain et le beurre de Renaissance, ce sont les clients et les donateurs. Nous sommes autofinancés à 94 % par nos opérations et 99 % des salaires de nos employés sont financés par l’entreprise. On s’approvisionne entièrement au niveau local, que ce soit à l’achat ou à la vente. On ne peut pas faire compétition aux grosses entreprises américaines de revente en ligne. » Effectivement, de grosses plateformes internationales de vente et d’échange en ligne, comme Vinted et Poshmark ont gagné en popularité au cours des récentes années.

L’inflation affecte aussi les boutiques vintage

Pour les magasins de seconde main spécialisés dans les vêtements et objets vintage de luxe, l’inflation a aussi chamboulé les habitudes de consommation de la clientèle.

Chez Kitsch à l’os, une boutique cadeaux vendant des objets rétros, vintage et des antiquités, la montée des prix a fait en sorte que les clients font moins d’achats sur un coup de tête, constatent les gestionnaires de l’entreprise. « Les gens font moins d’achats spontanés. En général, lorsqu’ils entrent dans le magasin, ils savent tout de suite ce qu’ils veulent. Ils sont allés voir en ligne notre inventaire et ils ont déjà pris leur décision », explique Daniel Lauzon, gérant de la boutique.

Daniel Lauzon, gérant de Kitsch à l'os, sur la rue Hochelaga, dans le quartier Hochelaga. Photo: Emmanuel Delacour/EMM

Daniel Lauzon, gérant de Kitsch à l’os, sur la rue Hochelaga, dans le quartier Hochelaga. Photo: Emmanuel Delacour/EMM

Visiter l’établissement de la rue Hochelaga demeure une expérience en soi, croit ce dernier. Avec ses pièces remplies de jouets, de vaisselle, de cartes de souhait d’époque et de mille et une autre trouvaille, la boutique a des airs de musée. « Les raisons pour lesquelles les gens achètent des objets de seconde main sont demeurées les mêmes depuis la pandémie; c’est pour se faire plaisir, pour revivre un moment, un souvenir. L’instant le plus intense de l’expérience client, c’est quand il voit un objet de son enfance. Beaucoup s’exclament alors « Hé! On avait ça chez nous! » », affirme M. Lauzon. Si cette expérience a dû prendre une pause durant le confinement, le retour à la normale se fait tranquillement, assure-t-il.

Pour sa part, Marie-Christine Dubé, copropriétaire de Raymond IV, une boutique de vêtements et accessoires vintage sur la rue Ontario, affirme que sa clientèle est demeurée fidèle durant les dernières années. « Les gens cherchent toujours la pièce unique pour compléter leur garde-robe, ou ils souhaitent poser un geste qui aura un impact environnemental positif. Ça n’a pas changé depuis la COVID », dixit cette dernière.

D’ailleurs, si les effets de l’inflation ne se sont pas encore fait ressentir chez elle, la copropriétaire ne sait pas trop à quoi s’attendre si celle-ci perdure. « Ça pourrait avoir un effet positif et on pourrait récupérer des clients qui veulent économiser par la bande, mais l’inflation à des impacts sur nos coûts afférents aussi », insiste Mme Dubé.

Curieusement, la vente en ligne, très populaire auprès des particuliers durant le confinement, n’a pas changé le modèle d’affaires chez Kitsch à l’os et Raymond IV. « On est passé de 500 à 6800 articles sur notre site web. De ceux-là 2100 sont en rupture de stock à cause des chaînes d’approvisionnement. Donc la boutique en ligne a explosé durant le confinement, mais ce n’est plus le cas et aujourd’hui c’est plutôt un outil promotionnel pour nous », explique Daniel Lauzon. En effet, en plus de s’approvisionner dans les bazars pour dénicher ses articles vintage, M. Lauzon fait affaire avec des artisans du Québec et du Canada. De plus, une partie de ses articles cadeaux neufs proviennent de fournisseurs internationaux.

Même son de cloche de la part de Mme Dubé. « Malheureusement, nos ventes en ligne ont très peu d’impact sur notre chiffre d’affaires. On garde notre site web pour le marketing; ça nous aide à nous faire découvrir, mais les gens préfèrent venir en magasin et essayer le linge avant d’acheter », insiste-t-elle. Par ailleurs, la popularité des comptes de particuliers et des boutiques éphémères en ligne durant la pandémie aura fait feu de paille, car d’après cette dernière, ces petits joueurs du seconde main sur le web sont peu à peu devenus inactifs à la suite du déconfinement.