Un rayon de fruits et légumes au Magasin Général d’Hochlag (EMM/Sophie Gauthier)

INFLATION ALIMENTAIRE : LES ÉPICERIES DE QUARTIER ONT LA COTE

Échaudés par l’offre alimentaire inabordable et le service peu personnalisé des grandes chaînes de supermarchés, les consommateurs se tournent de plus en plus vers les petits commerces et épiceries de quartier. Ces derniers sont appréciés pour leur facilité à répondre aux attentes diverses de leur clientèle, pour la qualité et le coût des produits offerts sur les tablettes et pour leur proximité.

Jean François Lalonde, directeur général de PME MTL Centre-Est (Courtoisie Myriam Baril Tessier)

Pierre angulaire du dynamisme des artères commerciales de quartier, les petits marchés et commerces alimentaires tels que les boucheries, fruiteries et boulangeries se développent de plus en plus à Montréal, y compris dans l’est de l’île. « On observe effectivement certains secteurs géographiques où la tendance est à la hausse comme dans Rosemont–La Petite-Patrie et, de plus en plus, dans Tétreaultville dans le quartier Hochelaga », explique Jean François Lalonde, directeur général de PME MTL Centre-Est.

Pratiques et souvent situés à quelques pas de la maison, ces commerces de quartier vendent des produits du quotidien. « Les consommateurs vont acheter le pain dans les boulangeries, les fruits et légumes dans les fruiteries, la viande dans les boucheries. Donc ces entreprises se portent bien », souligne M.Lalonde.  

Le chiffre d’affaires de ces épiceries de proximité reflète plus concrètement leur  popularité. Ouverte depuis décembre 2023, Le Magasin Général d’Hochlag, une épicerie du quartier d’Hochelaga-Maisonneuve qui propose également un service de traiteur, a observé une nette augmentation de l’achalandage en seulement quelques mois. « Entre l’ouverture et aujourd’hui, notre chiffre d’affaires a doublé », confie Sheena Savaria, responsable de l’épicerie.

Cette croissance touche aussi Les Emplettes, un petit marché situé à Rosemont et ouvert depuis novembre 2021. « Entre l’année d’ouverture et l’année en cours, on observe une augmentation de 40% de notre clientèle », explique Maude Lechasseur, propriétaire des Emplettes. 

Ce phénomène touche également des commerces établis de longue date comme la fruiterie Fruits du jour, ouverte en 1986, qui est très appréciée des résidents d’Hochelaga. « Notre clientèle a augmenté de 20% ces dernières années, depuis la fin de la pandémie », indique Franco Viscoso, propriétaire de Fruit du jour, installée sur la rue Ontario. 

Un service à la clientèle personnalisé 

Les échanges chaleureux et les conseils adaptés, propres aux petits commerces de quartier, créent un lien privilégié entre la clientèle et les employés. Cette expérience de magasinage aussi agréable que personnalisée donne envie aux clients de faire de ces commerces une destination quotidienne. « Une grande partie de ma clientèle effectue 75% de ses courses alimentaires dans ma fruiterie. Les 25% restants représentent la viande que l’on ne vend pas », explique le propriétaire de Fruits du jour. 

Certains clients entretiennent un véritable lien d’exclusivité avec leur épicerie de quartier, comme le raconte Ronaldo, fidèle visiteur de l’épicerie Les Emplettes. « Je viens ici presque tous les jours. J’y achète de tout : lait, légumes, pâtes… Au-delà de soutenir les commerçants locaux, l’ambiance chaleureuse et les discussions avec le personnel font de cette épicerie un lieu convivial où l’on se sent comme en famille. »

Ronaldo, client régulier des Emplettes (EMM/Sophie Gauthier)

« Quand on voit ces gens plusieurs fois par semaine, on noue un lien avec eux. Certains nous confie même leurs problèmes et préoccupations personnelles », ajoute la propriétaire, Maude Lechasseur. Pour cette dernière, une épicerie de quartier est, la plupart du temps, particulièrement à l’écoute de sa clientèle. « Nous adaptons notre offre en fonction des demandes de nos clients. C’est le cas de la limonade Flirt, par exemple, qui a rapidement trouvé sa place dans nos rayons suite à la demande d’un client. »

Des prix concurrentiels ? 

Les commerces de quartier doivent redoubler d’effort pour pouvoir rivaliser avec les promotions des grandes surfaces. Mais ils  n’ont pas d’autres choix que de s’adapter aux besoins et aux demandes de leur clientèle. Pour baisser les prix des aliments vendus dans son épicerie, la propriétaire des Emplettes a cherché des produits moins chers, sans pour autant sacrifier la qualité. « On a soit comparé les offres de différents fournisseurs afin de trouver le meilleur rapport qualité-prix, soit changé de marques de produits. On doit constamment faire de la recherche et du développement pour assurer des prix compétitifs. »

Le propriétaire de Fruits du jour a opté pour la même technique. « En gérant nous-mêmes les achats, nous avons une meilleure connaissance des produits et de leurs coûts, ce qui nous permet d’ajuster nos marges », explique t-il. 

Le Magasin Général d’Hochlag s’est tourné vers une autre méthode. Les employés utilisent les produits invendus de l’épicerie, mais qui sont encore consommables, pour préparer les plats de leur service traiteur. « On peut ainsi davantage jouer avec nos marges de prix et nos coûts, en proposant des prix concurrentiels sur nos plats préparés, nos paninis, nos sandwichs ou encore nos salades », illustre Sheena Savaria. 

La cuisine du Magasin Général d’Hochlag est accessible depuis l’épicerie (EMM/Sophie Gauthier)

Si les grandes surfaces commandent au volume et dépendent de leurs ententes avec les fournisseurs, les petits commerces alimentaires de quartier peuvent s’adapter davantage, croit Maude Lechasseur. « On est plus petits donc on est forcément plus malléables dans nos commandes. »

Politique zéro gaspillage

Comme plusieurs petits commerces et épiceries de quartier, Les Emplettes n’a pas de système de commande automatique. Chaque semaine, l’équipe réalise un inventaire extrêmement serré et ajuste ensuite ses commandes en fonction. « On préfère que certains produits manquent et les recommander par la suite, tout en avertissant le client de leur date d’arrivée. Cette approche nous permet d’éviter les pertes alimentaires et de maintenir des prix abordables », affirme Mme Lechasseur.

En excluant les vols, les dégustations et les casses occasionnelles, Les Emplettes rencontrent un très faible pourcentage de pertes alimentaires. « Lorsqu’il reste un peu de surplus de nourriture, les aliments sont redistribués aux employés.  Je fais souvent moi-même des ratatouilles avec ces légumes qui ne peuvent plus être vendus. C’est vraiment seulement en dernier recours qu’on va mettre les aliments au compost », détaille t-elle. 

En plus de miser également sur la justesse du nombre de commandes, le propriétaire de Fruits du jour a une étagère réservée aux produits qui doivent être vendus rapidement, à un prix plus qu’intéressant. « Le succès de ce département est tel que les clients viennent spécialement pour en profiter. Dès qu’on voit qu’un produit commence à s’abîmer, on réduit le prix pour essayer de le vendre le plus rapidement possible afin d’éviter toute perte », explique Franco Viscoco. 

La devanture du marché Fruits du jour (EMM/Sophie Gauthier)

Le Magasin Général d’Hochlag fait de son côté un tri minutieux afin de transformer le plus de produits possibles, qui seront ensuite utilisés dans son service traiteur. « Tous nos fruits et légumes peuvent être réutilisés dans nos smoothies ou encore nos salades, par exemple », témoigne Sheena Savaria. Après la sélection, s’il reste d’autres produits encore consommables, ils sont donnés à des organismes de quartier pour la distribution alimentaire.

Ainsi, Le Magasin d’Hochlag « a vraiment très peu de pertes. J’ai moi-même été témoin de quantités astronomiques de nourriture jetée chaque soir par les grandes surfaces quand j’y travaillais, alors qu’ici, les pertes sont très minimes », termine t-elle.