Julie Poitras Saulnier et David Côté, fondateurs de LOOP Mission (photo courtoisie).

L’EST : UNE CONTRÉE PROMETTEUSE POUR LE BIOALIMENTAIRE

Il suffit d’une promenade en voiture sur les grands axes routiers pour s’apercevoir du nombre non négligeable d’entreprises bioalimentaires installées dans la métropole. Portrait de cette industrie, qui semble gagner de plus en plus l’est de Montréal.

Attribué par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), le terme « bioalimentaire » regroupe tous les maillons de la chaine. Il englobe autant les usines, les entreprises de transformation et la restauration que les services et les commerces alimentaires, représentant 800 000 entreprises à travers la province et un PIB réel estimé à 25,8 G $ pour 2020. Montréal à elle seule contient plus de 700 entreprises de transformation alimentaire. Véritable incubateur, la métropole est dotée de toutes les infrastructures nécessaires à l’épanouissement des entreprises en alimentation. La densité de population leur offre un bassin intéressant en termes de ressources humaines. Le transport, la logistique d’approvisionnement de matières premières et la distribution y sont grandement facilités. Sans compter que de grandes bannières telles que Metro ou Sobeys y ont établi leur siège social. « Et c’est là où foisonnent les idées », note Chantal Vézina, directrice générale du Conseil des industries bioalimentaires de l’île de Montréal (CIBÎM). « C’est ici que les tendances émergent au niveau de l’alimentaire, que l’on parle du biologique, du végétalisme ou des boites de prêt-à-cuisiner par exemple. »

Le CIBÎM

Organisation à but non lucratif, le CIBÎM travaille depuis plus de 20 ans auprès des entreprises montréalaises de l’industrie bioalimentaire. S’y regroupe le plus grand nombre de membres de cette industrie au Québec. Par ailleurs, soulignons que sa localisation stratégique dans l’est de Montréal (5600 rue Hochelaga) lui permet de côtoyer plus aisément des collègues de ce grand secteur économique, tels que l’Association Restauration Québec ou encore l’Association des détaillants en alimentation du Québec. Le travail du CIBÎM s’articule autour de deux mandats principaux : l’économie et la concertation. « Nous souhaitons d’abord accélérer, ou du moins faciliter, le développement des entreprises en transformation alimentaire afin qu’elles prennent leur envol et qu’elles grandissent », explique Chantal Vézina. « Et nous sommes aussi une table de concertation bioalimentaire reconnue sur l’île de Montréal, ce qui nous permet de travailler en collaboration avec les partenaires et les autres organisations qui gravitent dans le secteur alimentaire, comme les institutions d’enseignement, les centres de recherche ou encore les parties prenantes gouvernementales. » Le CIBÎM accompagne principalement ses entreprises membres, au nombre de 150 dont plus d’une trentaine sont situées dans l’est. Ce qui ne l’empêche pas d’apporter son aide aux autres. « Nous faisons plusieurs types de projets. Et comme aider les entreprises à grandir s’intègre à notre mandat, si une organisation non membre fait appel à nous ou demande nos services, nous acceptons », mentionne la directrice générale.

L’est de Montréal

Riche en espace, desservi par des axes routiers importants et comptant une population nombreuse, l’est de Montréal, possiblement moins cher aussi, figure pour l’instant comme un secteur plus prometteur qu’important pour l’industrie bioalimentaire. Des entreprises comme Saputo, Catelli, Sucre Lantic, Lallemand, POM ou encore LOOP Mission y évoluent déjà, et d’autres les suivront sans doute. « L’est de Montréal offre beaucoup de possibilités », affirme Chantal Vézina. « Il a la capacité d’accueillir des usines, ou des plans de travail, de production, de distribution ou de sous-traitance, parce qu’en alimentaire, de plus en plus, les entreprises travaillent avec de la sous-traitance. » S’y trouvent aussi des services connexes, comme par exemple l’Institut de technologie des emballages et du génie alimentaire (ITEGA), un centre collégial de transfert de technologie (CCTT) du Collège de Maisonneuve. Les industries pourraient donc être portées à s’y établir pour amorcer leurs activités ou encore à y déménager leurs installations existantes. La directrice générale du CIBÎM précise : « Quand une usine grandit, elle a besoin de terrain. On doit alors souvent s’éloigner du centre. Les entrepreneurs vont aller un peu plus dans l’est, peut-être dans l’ouest. Mais cela va amener d’autres défis. Parce que oui, ils gagnent des pieds carrés, mais ils doivent s’assurer de la mobilité de la main-d’œuvre. Ce sont toutes ces raisons qui font que les entreprises viennent s’établir à Montréal, émergent de Montréal et en même temps se déplacent sur le territoire. » En effet, la Place des producteurs, qui était auparavant au Marché central, a migré vers l’est récemment et y abondent aussi des entreprises en approvisionnement et en distribution. Le prolongement de la ligne bleue et l’arrivée du Réseau express métropolitain (REM) de l’Est risquent aussi de changer la donne.

La microbrasserie Avant-Garde, située dans l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, est en pleine croissance (photo courtoisie).

Néanmoins, le zonage vient souvent brouiller les cartes, empêchant parfois l’industrie bioalimentaire de s’installer là où elle le désire. Pour l’émergence des nouvelles catégories d’entreprises, axées sur le développement durable ou l’agriculture urbaine par exemple, la réglementation en vigueur devient un enjeu. « Ces organisations ont des demandes ou des besoins particuliers. À l’heure actuelle, la législation n’est pas au même diapason que ces entreprises, mais c’est sûr qu’elle n’aura pas le choix de s’adapter », croit Chantal Vézina. Réussissent quand même à tirer leur épingle du jeu des joueurs comme Délicouki, qui fabrique des collations pour le marché des institutions scolaires. Il s’agit d’ailleurs de l’une des premières usines sans noix ni arachides. La microbrasserie Avant-Garde a aussi choisi de s’établir à l’est, tout comme des entreprises de pâtes ou encore de pizzas. Pensons aussi à Allo Simonne, Tout un fromage et Carrément Tarte. « Il s’agit d’entreprises innovantes à Montréal, qui sont souvent en liste pour des prix de reconnaissance, d’innovation », mentionne Chantal Vézina.

Allo Simone, une belle et jeune entreprise d’Hochelaga-Maisonneuve à découvrir.

L’est de Montréal représente donc une contrée prometteuse pour l’industrie bioalimentaire. Elle fait par contre face à tout un défi, celui qu’affrontent bien des secteurs d’activités du Québec : la pénurie de main-d’œuvre. Beaucoup d’entreprises qui ont eu le vent dans les voiles avec la pandémie peinent à répondre à la demande tant ils ont de postes à combler. Les entrepreneurs s’arrachent les employés, et ces derniers, formés et qui doivent souvent être spécialisés et parfaitement encadrés pour assurer la santé des consommateurs, se promènent donc d’une entreprise à l’autre. Ils sont 453 084 à travailler dans le domaine au Québec, dont 14% en transformation alimentaire. Leurs salaires seraient convenables, se comparant à ceux de l’industrie manufacturière. « Le secteur va peut-être devoir se raviser par rapport aux conditions », soutient la directrice générale du CIBÎM. « Mais au-delà de payer mieux leurs employés, ce qui est tout à fait louable et qu’il faut faire, le défi qu’ont les entreprises en alimentaire est leur marge de manœuvre au niveau du profit, elle n’est pas très grande. » Et avec l’inflation, le défi ne fait que se corser. Alors, quel avenir pour l’industrie bioalimentaire dans l’est de Montréal? Eh bien, c’est à l’heure actuelle qu’il se joue.


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