Certains citoyens qui se positionnent contre le futur stationnement de cinq étages de l’HMR prévu à l’arrière de leurs résidences (Emmanuel Delacour/EMM)

HMR : LE PROJET DE STATIONNEMENT SOULÈVE L’IRE DE CITOYENS

Des citoyens s’opposent au projet de construction d’un stationnement étagé sur l’un des sites du complexe de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), puisque, selon eux, celui-ci viendrait détruire un espace naturel, incluant un ruisseau, tout en créant plusieurs nuisances dans le voisinage.

À l’arrière du pavillon Rosemont, situé sur le boulevard Rosemont entre les rues Chatelain et Lacordaire, se trouve un vaste terrain vague sur lequel s’écoule un petit cours d’eau, identifié par les résidents comme une branche de la coulée Dickson, un ruisseau qui s’étend jusque dans le boisé des Pères, non loin de là. Quelques arbres matures s’y dressent aussi, en plus de petites essences plantées pour la première fois il y a une dizaine d’années. Dans l’ensemble, le terrain demeure gazonné et inoccupé.

Cependant, tout cela risque rapidement de changer, car ce site a été identifié par le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal comme l’endroit de prédilection pour son tout nouveau stationnement étagé de 5 niveaux, qui inclura 678 cases pour automobiles et 72 espaces pour vélos, nécessaires aux plans de modernisation de l’HMR. Les travaux préliminaires pourraient être lancés cet automne, selon des documents du ministère de la Santé et des Services sociaux présentés à l’agglomération de Montréal en avril dernier. Les travaux de construction, d’agrandissement et de réaménagement devraient quant à eux débuter en 2025, et ce, dans l’optique de les terminer en 2037.

Destruction d’un espace vert

Cette décision rend furieuses Pauline Aubin et Véronique Rousseau, deux résidentes vivant dans des édifices situés aux abords de l’espace concerné. Les citoyennes ont lancé une pétition, qui avait recueilli 98 signatures au moment d’écrire ces lignes. Mme Rousseau est l’une des quatre citoyennes à siéger à un comité de bon voisinage tenu par l’administration du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. La plupart des informations sur le projet proviennent de ses propres notes, prises lors de rencontres s’étant déroulées le 26 juin et le 9 juillet.

« On parle de la destruction d’un lieu verdi avec un ruisseau naturel, où des canards sauvages viennent souvent se baigner », se désole Mme Aubin. En effet, on peut voir sur les plans diffusés par la Ville de Montréal lors du conseil d’agglomération du 9 avril dernier que l’immeuble du stationnement viendrait s’implanter au nord-ouest du site, aux abords de la rue Chatelain, exactement là où passe le cours d’eau.

Le site visé pour le stationnement est en friche et contient de nombreux arbres matures, ainsi qu’une étendue d’eau qui se remplit au fil des saisons (Emmanuel Delacour/EMM)

En outre, les citoyens dénoncent que l’espace naturel soit détruit alors que l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie (RPP) l’a déjà identifié comme un lieu ayant potentiellement une importante valeur environnementale. Dans son Plan directeur de biodiversité, RPP considère en effet le secteur comme faisant partie d’un noyau de biodiversité d’anciens ruisseaux.

Questionné sur l’aspect environnemental de son projet, le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal nous a fait parvenir une réponse par courriel. « À terme, plus de 300 arbres seront plantés sur le site du pavillon Rosemont. Ce reverdissement sera en continuité du boisé des Pères, ce qui va créer un tout nouveau corridor vert favorable à la biodiversité. Donc, à terme, le secteur bénéficiera d’un espace vert beaucoup plus porteur que l’actuel », nous indique-t-on.

On ajoute qu’« il n’y a pas de ruisseau sur le site ». Selon les analyses effectuées par le CIUSSS, il ne s’y trouverait pas de milieu hydrique, mais plutôt un fossé de drainage qui se remplit selon les précipitations et la fonte des neiges. Il ne s’agirait donc pas d’un milieu humide, et selon les études réalisées, aucune espèce vulnérable ou susceptible de l’être ne serait menacée par le projet.

Par ailleurs, en plus des travaux de reverdissement, le stationnement sera doté d’un toit vert pour réduire l’empreinte carbone et les îlots de chaleur, précise l’administration de l’hôpital.

Nuisances liées à la circulation

En plus de la perte d’un espace verdoyant, les résidents rencontrés par EST MÉDIA Montréal ont pour la plupart partagé leurs craintes concernant la circulation automobile qu’entrainera l’arrivée du nouveau stationnement.

Plusieurs habitations ont en effet une cour arrière qui fait face au site visé, et selon les informations fournies par les citoyens et corroborées par les plans que nous avons pu consulter, les automobilistes accèderont au stationnement par deux voies : une débouchant sur le boulevard Rosemont et l’autre sur la rue Lacordaire. Or, la seconde voie passerait ainsi à environ 50 pieds (15 mètres) des terrains des résidences, en arrière du pavillon Rosemont.

Un plan présenté au Conseil d’agglomération de Montréal montrant le lieu du futur stationnement (Courtoisie de la Ville de Montréal)

En plus de craindre un bruit constant engendré par les déplacements des employés à toute heure du jour et de la nuit, les citoyens s’inquiètent du fait que la circulation sur les rues Chatelain et Lacordaire devienne incontrôlable.

« Les résidents de la rue Chatelain vivent avec les allers des parents qui vont porter leurs enfants au CPE Arc-en-ciel en plus de ceux qui fréquentent l’école privée Notre-Dame-des-Anges. On parle déjà de 600 [personnes] qui sont transportées matin et soir, chaque jour, à cette école n’offrant pas l’autobus scolaire. Imaginez si vous ajoutez presque 700 employés qui vont passer par là pour se rendre au stationnement! », se désole Mme Rousseau.

Au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, on affirme que le projet respectera toutes les marges de dégagement réglementaires. En ce qui a trait à la congestion, la direction souligne qu’« il n’y aura aucun accès sur la rue Chatelain pour les automobiles, pour assurer la sécurité des résidents et citoyens qui circulent sur cette rue ».

Lors de la séance d’arrondissement de RPP du 2 juillet dernier, un citoyen s’est adressé au conseiller de Ville, Jocelyn Pauzé, pour lui demander si l’administration locale avait l’intention de soutenir les citoyens dans leurs demandes concernant le projet. L’élu a alors rappelé qu’il s’agit d’un projet gouvernemental. « Ils sont sur leur terrain. Toutefois, on est en attente des échéanciers au cours des prochaines semaines, des prochains mois », avait alors répondu M. Pauzé, ajoutant que son équipe allait suivre le dossier. Et en ce qui concerne la circulation automobile, RPP pourrait « demander d’avoir des mesures d’apaisement sur les rues avoisinantes », avait ajouté le conseiller.

Cinq étages

Un autre aspect du projet qui irrite les citoyens est la hauteur du bâtiment projeté. Avec un maximum de cinq étages, l’édifice, qu’ils considèrent d’affectation « industrielle » dans un quartier résidentiel, n’y aurait pas sa place. « On se questionne sur le droit de construction d’une gigantesque bâtisse de la sorte dans un quartier résidentiel », s’insurgent Mmes Rousseau et Aubin.

Pour sa part, la direction du CIUSSS rétorque que son concept architectural a été élaboré « avec le souci de bien s’intégrer à la trame urbaine et à l’environnement bâti ». En plus d’avoir une bonne partie du stationnement qui sera à moitié sous terre, du côté de la rue Chatelain, « la hauteur du bâtiment sera sensiblement de 2,5 étages de manière à s’harmoniser aux autres bâtiments de la rue ».

Une image de synthèse du futur stationnement de cinq étages (Courtoisie du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal)

Dans l’ensemble, ces réponses ne satisfont pas les citoyens, qui disent les avoir déjà entendues. Ceux-ci demandent plus d’ouverture de la part des pouvoirs publics.

« On n’est pas contre le projet de modernisation de l’HMR; on comprend bien qu’il est nécessaire. Seulement, lors des réunions et rencontres avec le CIUSSS et l’arrondissement, on a l’impression d’être mis devant le fait accompli. C’est comme si d’autres options ne pouvaient pas être explorées et on ne nous explique pas pourquoi », soutient Mme Rousseau. Ses voisins et elle souhaitent qu’on cherche un autre site pour le futur stationnement, par exemple sur celui à aire ouverte déjà existant, au nord-est du pavillon Rosemont, à proximité de la rue Lacordaire, ou encore sur le site inoccupé du couvent des Franciscains, se trouvant à quelques mètres de là.

Au CIUSSS, on répond avoir déjà étudié plusieurs options et choisi le plan optimal. « Dans de tels projets, plusieurs spécialistes se concertent pour évaluer différents scénarios. Ils mettent en commun leur expertise et prennent en considération de nombreux critères, dont la sécurité des piétons, les impacts sur la fluidité des transports, l’intégration à la trame urbaine et, sans oublier, les impacts environnementaux. Toutes les analyses effectuées ont permis d’identifier ce site comme étant le plus avantageux et présentant le moins d’impacts », a conclu le CIUSSS.