
L’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (Photo: Emmanuel Delacour/EMM)
2 mars 2025HMR : LES URGENCES SE REMETTRONT-ELLES DE LA SURCHARGE?
L’urgence de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) est sous constante pression depuis la fin du mois de décembre. Pendant la fin de semaine du 21 février, cette situation a culminé par une réorganisation des ressources afin de limiter le taux d’occupation. Selon le syndicat représentant les infirmières affectées aux soins d’urgence, c’est un véritable bris de service qui s’en est résulté. Sans une réorganisation complète des services de santé offerts dans l’est, le scénario se répétera, croit-on.
Retour sur les faits. Tout au long de la fin de semaine dernière, les urgences de HMR ont dû fonctionner avec des équipes en nombre réduit à l’urgence, compte tenu de plusieurs absences.
« Il n’y avait pas assez de personnel pour pouvoir opérer l’urgence de HMR à pleine capacité; des civières régulières ont été fermées et on a concentré le monde dans une plus petite section », raconte Denis Cloutier, président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Une quarantaine de civières étaient disponibles à l’urgence, alors qu’une vingtaine ont été montées aux autres services de l’hôpital. De plus, certains médecins ont été obligés de prendre la relève des infirmières, puisque durant la fin de semaine, seulement quatre d’entre elles étaient sur le plancher, alors que leurs équipes comptent habituellement une quinzaine d’infirmières. Selon M. Cloutier, des ambulances ont ainsi dû être redirigées vers d’autres centres hospitaliers et les patients dont l’état de santé le permettait ont été renvoyés vers d’autres services, notamment en clinique.
Pour respecter la capacité des équipes de l’urgence, plusieurs patients ont été montés sur les unités d’hospitalisation qui fonctionnent actuellement en surcapacité (taux d’occupation entre 115 et 120%), confirme le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal dans un courriel.
« Rappelons que 54 civières sont inscrites au permis de l’HMR. Le taux d’occupation est calculé sur ce nombre. Ce week-end, nous avions 47 patients sur civières. Aujourd’hui, notre taux d’occupation est de 120%, car nous avons 65 patients qui ont dû être couchés sur civière », explique-t-on au CIUSSS.
En effet, la pression est importante et constante sur les équipes de l’urgence depuis la fin décembre. Jusqu’au début du mois de février, 59 701 visiteurs se sont présentés aux urgences, comparativement à 55 411 l’an passé à la même date, soit une augmentation de 8 %. Cette hausse est principalement composée de personnes dont l’état de santé nécessite une hospitalisation, note le CIUSSS.
« Sur la même période, les lits d’hospitalisation disponibles ont diminué en raison d’une augmentation constante des patients de niveaux de soin alternatif (NDLR : qui n’ont pas besoin des services octroyés dans le service où ils se trouvent), qui congestionnent la fluidité sur les unités. Ceci ajoute donc de la pression sur les équipes de l’urgence », insiste-t-on dans le courriel.
Des problèmes systémiques
Ce n’est pas la première fois que les urgences de HMR sont surchargées. Comme le mentionne le CIUSSS plus haut, depuis le mois de décembre, le service est en surcapacité et le personnel, surmené.
« Depuis le jeudi précédent, l’équipe est sous pression. Ça veut dire qu’on fait faire des quarts de travail de 16 heures à tout le monde. Les infirmières rentrent avec un horaire de 8h00 à 16h00, mais doivent faire du temps supplémentaire, souvent deux ou trois jours de suite », ajoute M. Cloutier. À bout de souffle, certaines infirmières s’absentent du travail de plus en plus souvent.
Récemment, EST MÉDIA Montréal rapportait que durant la deuxième fin de semaine de janvier, le taux d’occupation des civières aux urgences avait atteint 181 %. Si 54 civières sont inscrites à HMR en temps normal, il n’est pas rare de voir « 80-90 ou même 100 patients allongés sur des civières » durant cette période de l’année, souligne le président du syndicat.
En janvier 2023, une centaine d’infirmières de l’hôpital avaient signé une pétition demandant la démission de leur cheffe d’unité, menaçant de quitter leurs fonctions si cette demande n’était pas satisfaite. Dénonçant des conditions de travail inhumaines et une ambiance toxique, la pétition réclamait que l’on cesse de recourir constamment au temps supplémentaire obligatoire pour assurer le maintien du service aux urgences. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, s’était alors rendu sur place pour gérer la situation, notamment en nommant une conciliatrice pour régler le conflit et en mettant sur pied une cellule de crise sur les urgences de Montréal.
Mais peu de choses ont réellement changé depuis, note M. Cloutier. « C’était très politique, cette affaire-là, parce que la cellule de crise n’a pas siégé longtemps. On y va avec une pensée magique. On dit qu’on va développer plus de plages dans les cliniques. On avait aussi une clinique d’IPS qui a fermé depuis. Ces services aident pour les gens qui ont besoin d’antibiotiques, mais ce ne sont jamais eux qu’on couche sur les civières », expose le président du syndicat.
Selon lui, le nœud du problème vient principalement du fait que HMR dessert une population beaucoup plus grande aujourd’hui qu’au moment de la construction de son premier pavillon, dans les années 1950.
En effet, selon les informations transmises par le CIUSSS, les deux centres hospitaliers du territoire, HMR et l’Hôpital Santa-Cabrini, prennent en charge 27% de la population montréalaise, alors qu’ils gèrent 19% du parc de civières et 17% des lits d’hospitalisation de l’île de Montréal. « L’augmentation du nombre de lits qui découlera de la construction du nouvel hôpital aura un impact plus que favorable sur notre capacité de prise en charge des besoins de la collectivité », entrevoit le CIUSSS.
En attendant la reconstruction de HMR, dont l’ouverture est prévue entre 2033-2035, il faudra aussi s’attaquer à un autre problème qui guette le système de santé partout au Québec, note M. Cloutier : le vieillissement de la population. « C’est une chaîne. Si on ne peut pas libérer nos lits en CHSLD (Centres d’hébergement et de soins de longue durée), alors nous ne pouvons pas libérer nos lits en hôpital, et donc nous ne pouvons pas monter nos patients des urgences sur les étages. Cela n’aide pas à l’engorgement aux urgences, car il nous manque beaucoup de lits d’hospitalisation », constate-t-il.
La pression démographique sera persistante pendant encore une quinzaine d’années, anticipe-t-il, puisque la génération des baby-boomers fera gonfler les rangs des aînés aux Québec lors de cette période. « La pression [sur les services de santé] va demeurer forte, parce que la grande majorité des soins que reçoivent les gens, ça se produit durant leurs dernières années de vie. On n’y échappera pas », souligne M. Cloutier.