Hôpital Maisonneuve-Rosemont (Emmanuel Delacour/EMM)

HMR : MALGRÉ UN ÉCHÉANCIER ET DES FONDS DÉBLOQUÉS, DES DOUTES PERSISTENT

L’annonce de la disponibilité des fonds pour aller de l’avant avec la construction de la phase 1 du nouvel hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) a été officialisée mercredi dernier lors du conseil des ministres. À sa sortie de l’évènement, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a confirmé l’octroi de 90 M $ pour la construction d’un stationnement étagé. Plusieurs intervenants bien informés sur le dossier demeurent toutefois sceptiques face aux récentes annonces, et certaines questions restent sans réponse.

Le ministre Dubé s’est également prononcé sur un hypothétique échéancier de dix ans, ce qui revient à dire que le nouvel établissement de santé pourrait ouvrir ses portes en 2035 ou 2036. Il a assuré que « le projet a été accepté dans son entièreté » par le conseil des ministres. La revitalisation de l’hôpital prévoit d’augmenter de moitié la capacité d’accueil avec 720 lits en chambres individuelles. L’hôpital compte actuellement 450 lits en chambres doubles.

Mercredi dernier à l’Assemblée nationale, la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire et députée de Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, a souligné « une très bonne nouvelle pour l’est, pour Montréal et pour le Québec » à propos des annonces concernant le projet de rénovation de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

À la question « pourquoi y croire cette fois ? », l’élue a répondu « que la voie de passage est là, que l’argent a été trouvé, et qu’il n’a jamais été question de ne pas faire le projet ».

« C’est un projet important et urgent et ça fait longtemps qu’on y travaille », a-t-elle affirmé.

Le montant dégagé pour permettre la première phase de construction de l’HMR provient d’un réaménagement d’une enveloppe de 19 milliards de dollars prévue pour l’ensemble des projets d’infrastructure au Québec, tous domaines confondus. Plus précisément, le ministre Dubé dit s’être entendu avec ses collègues, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, et le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, pour débloquer près de 200 millions de dollars. Outre le stationnement de l’HMR, la somme servira à relancer la planification de 25 autres projets en santé au Québec ainsi que l’agrandissement de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska.

Rappelons que cette décision intervient suite à d’intenses pressions populaires pilotées par la Coalition HMR (un regroupement réunissant des usagers, des employés du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal et de la Fondation de l’HMR) et un fort battage médiatique concernant la vétusté de l’hôpital, qui a atteint son paroxysme avec la panne d’électricité survenue le 29 avril dernier. Un événement causé par les forts vents lors duquel les génératrices censées prendre le relais n’ont pas fonctionné.

Appel d’offres en cours et budget à déterminer

Pour l’instant, le ministre de la Santé n’a pas voulu chiffrer le coût total du nouvel établissement. Pour justifier ce choix, il affirme ne pas vouloir nuire à l’appel d’offres lancé le 8 mai dernier. Rappelons qu’en septembre 2023, le budget avait été estimé à 5 milliards de dollars.

Ledit appel d’offres, qui se termine le 5 juin prochain, indique que les travaux devraient commencer à la fin de l’été, plus précisément entre le 4 et le 29 août 2025. De plus, celle-ci stipule un délai de 77 semaines, soit un peu plus d’un an et demi, pour la livraison du stationnement.

Le « syndrome de la ligne bleue »

L’officialisation des travaux du stationnement étagé n’a pas apaisé le député de Rosemont, Vincent Marissal. Lors d’un point de presse au lendemain de l’annonce de Christian Dubé, ce dernier a dit souffrir du « syndrome de la ligne bleue »; une pathologie décrite par ce dernier comme le fait d’avoir l’intention de réaliser un projet sans se donner les moyens pour le concrétiser.

L’élu croit « qu’on est en train de se faire passer une ligne bleue avec HMR ».

Pour justifier ce point de vue, Vincent Marissal a passé en revue l’ensemble des projets hospitaliers en cours de réalisation au Québec et a remarqué qu’ils avaient tous en commun trois éléments : « (…) il y a un plan, c’est-à-dire une maquette, il y a un échéancier fermé, mais surtout il y a un montant. Il y a toujours un montant ferme, fermé, qui est une base sur laquelle on va travailler. Là, on travaille sur du vent, sur une intention, sur un acte de foi d’un ministre qui n’a pas été capable de le livrer, d’une annonce qui a été faite au terme d’une autre crise au sein de la CAQ », a fait remarquer le député.

L’incertitude et les interrogations demeurent

Il faut dire que la crédibilité du ministre de la Santé, Christian Dubé, a été entachée deux fois plutôt qu’une dans ce dossier. En effet, ce dernier a promis à deux reprises le début des travaux de l’HMR : la première fois en 2021, puis en 2023 avant de rétropédaler. Au mois de mars dernier, M. Dubé a admis avoir donné son aval à la reconstruction de l’immeuble de façon « précipitée ».

Chose certaine, le temps d’attente pour un nouvel établissement de santé vaudra son pesant d’or. Interrogés à ce sujet lors d’un point de presse tenu le 6 mai dernier conjointement par des élus de l’opposition et une délégation de l’est de Montréal (composée de représentants de la Coalition HMR, de la Fondation de l’HMR et du milieu des affaires), la possibilité de relocaliser des patients a été écartée.

« Il faut trouver une solution avec une adaptation sur le site même. On ne sera pas capable de rediriger ce volume de patients-là, là puis aussi l’expertise qui soigne les patients de toutes les régions du Québec », a affirmé Marc Brosseau, pneumologue-intensiviste à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et président du conseil des médecins, dentistes, pharmaciens et sages-femmes du CIUSSS de l’Est de l’île de Montréal. « Parce qu’oubliez ça, c’est impossible d’envoyer ces patients-là ailleurs. Il y en a 550 000 à chaque année qui viennent chez nous », a pour sa part dit le Dr Pierre Dubé.

Au surplus, ce bassin de population est appelé à croître selon Jean-Denis Charest, président-directeur général de la Chambre de commerce de Montréal de l’Est « C’est près de 200 000 personnes qui vont s’ajouter dans l’est de Montréal dans les 25 prochaines années », a-t-il précisé.

La Coalition HMR a quant a elle indiqué dans une lettre ouverte diffusée vendredi dernier « qu’elle restera vigilante sur l’évolution du dossier », rappelant qu’une annonce d’une telle envergure aurait dû s’accompagner d’un plan de mise en œuvre clair, incluant un échéancier détaillé, un budget global et un calendrier de décaissement annuel.

« Si cette annonce [celle du ministre Dubé] peut sembler porteuse d’espoir, la Coalition HMR estime qu’elle soulève encore de nombreuses questions fondamentales. Elle appelle donc à la prudence et à une mobilisation soutenue de tous les acteurs concernés », peut-on lire dans la lettre.