Pont Pie-IX en construction, en 1938

HISTOIRE DU PONT PIE-IX

Le traversier a été longtemps le seul moyen de communication entre le nord de l’île de Montréal et l’île Jésus. Dès 1915, on étudie la possibilité de construire un pont sur la rivière des Prairies qui relierait la nouvelle ville de Montréal-Nord et la municipalité de Saint-Vincent-de-Paul.

Cependant, ce n’est qu’en 1936 que le projet voit le jour et permet, en cette période de crise économique, de diminuer le nombre des sans-emploi sur l’île de Montréal. Les travaux de construction d’un pont en béton, dont les coûts de 1 340 493.26 $ sont assumés par le gouvernement de la Province de Québec, sont alors confiés à Dufresne Construction Co., assistée en sous-traitance par la compagnie Dominion Bridge pour la fabrication et le montage des arcs. Ce pont de type Arc à pilettes en acier à six travées est dessiné par S.A. Beaulne, professeur émérite de l’école Polytechnique de Montréal.

Le 5 décembre 1937, le pont Pie-IX va enfin voir le jour. Depuis plus de dix ans, les gens de Montréal-Nord et de Saint-Vincent-de-Paul rêvaient d’un pont qui enjamberait la rivière, mais le rêve ne se matérialisait pas. C’est grâce aux démarches du député de Laval et ministre de la Voirie dans le cabinet Duplessis, François-J. Leduc, que le pont sera construit, non sans causer quelques remous. Les chômeurs de Montréal-Nord se plaignent du refus des entrepreneurs du pont de les engager pour exécuter les travaux.

Le pont Pie-IX en construction en 1937. (Photo : Collection Marie-Rose Moineau-Rougeau de Montréal-Nord).

En 1939, John Samuel Bourque, ministre des Travaux publics dans le premier gouvernement de Maurice Duplessis et de qui relevait l’administration des ponts de la province, et Anatole Carignan, ministre de la Voirie dans le même gouvernement, annoncent le changement de certains noms de ponts et de routes de la province. C’est alors que le pont Pie-IX est baptisé Pont Le Caron en l’honneur du père Joseph Le Caron, premier missionnaire chez les Hurons et qui, d’après Samuel de Champlain, a célébré l’une des premières messes en Nouvelle-France avec l’assistance du Père Jamet. Cette cérémonie eut lieu le 24 juin 1615, le long de la rivière des Prairies.

Le pont en 1948. (Photo : carte postale).

Au début des années 1960, le vieux pont manifeste des signes évidents de défaillance : effritement du béton, dénivellement de la chaussée, etc., à la plus grande inquiétude des populations riveraines et des amateurs de Yachting sur la rivière des Prairies. Pourtant selon les experts, les assises de pierre et de béton du pont s’affirment encore très solides de même que la charpente d’acier recouverte de béton et d’asphalte.

Le 5 mars 1965, avec l’accroissement de la circulation sur le pont, le ministre des Travaux publics, René Saint-Pierre, annonce que le gouvernement québécois reconstruira le pont. Le ministère met en œuvre le doublement de la structure en dépit des protestations des résidents de Duvernay qui souhaitent un pont dans l’axe de la rue Papineau. Cette décision permettra, dit-il, de réduire considérablement les embouteillages de circulation qui se produisent aux heures de pointe sur un pont devenu un lien important pour tout le réseau routier du Montréal Métropolitain.

Le contrat de construction est accordé pour une somme de 3 625 739 $. Le projet comprend non seulement le jumelage du pont mais aussi le réaménagement des approches sur l’Île de Montréal et sur l’Île Jésus.

En décembre 1966, on assiste au jumelage du pont, et cette même année il est renommé Pont Pie-IX du nom en lien avec le boulevard Pie-IX, sur lequel il aboutit du côté de Montréal. Cette désignation rappelle le cardinal Giovanni Maria Mastai Ferretti (1792-1878), qui devint le pape Pie IX en 1846.

Les travaux terminés à la fin de juin 1967, le nouveau pont d’une capacité de circulation de plus de 50 000 véhicules en moyenne par jour était ouvert à la circulation. Le nouveau pont atteint une longueur totale de 658.28 mètres répartie en dix travées constituées de poutres métalliques et d’un plancher de béton armé. La longueur de leurs portées varie entre 78 et 80 mètres chacune. Six de ces travées surplombent la rivière des Prairies, tandis que les quatre autres constituent les structures d’accès.

Sur l’Île de Montréal, les voies d’approches enjambent le boulevard Gouin pour abouter le pont jumelé au boulevard Pie-IX. Sur l’Île Jésus, il a fallu abaisser le tablier de l’ancien pont pour que le nouvel ensemble jumelé puisse passer sous un viaduc construit dans l’alignement du boulevard Lévesque, longeant la rivière des Prairies.

Le tablier, également en béton armé, ménage une voie carrossable de 11,58 mètres de largeur pour recevoir deux pistes de roulement entre un garde-roues du côté du pont jumeau et un trottoir de 1,82 mètre du coté amont de la rivière.

Le pont Pie-IX se présente en 1967 comme un nouveau jalon dans la réalisation d’un plan d’ensemble poursuivi conjointement par les ministères des Travaux publics et de la Voirie pour multiplier les voies d’accès et de sortie de l’Île de Montréal dans toutes les directions. Pour atteindre cet objectif, le ministère des Travaux publics avait déjà jumelé les ponts Honoré-Mercier, Galipeault et Taschereau et construit le pont de l’Île-aux-Tourtes sur la rivière Ottawa.

Cinq ans plus tard, dans le but de décongestionner la circulation aux heures de pointe sur le boulevard Pie-IX, la voie sud du pont est entièrement reconstruite. C’est une décision pouvant paraître excessivement prématurée mais qui fut prise principalement à la suite d’une étude économique justifiant le remplacement. Et ceci en tenant compte dans une moindre mesure de l’état précaire de la dalle et des glissières de la partie ancienne et des critiques répétées sur l’apparente faiblesse du pont dans les médias locaux.

Le pont Pie-IX dans sa configuration contemporaine. (Photo : ministère des Transports).


L’auteur, Jean-Paul Guiard, est président de la Société d’histoire et de généalogie de Montréal-Nord. Le texte a été publié avec son autorisation.