Giuliana Fumagalli, mairesse de l’arrondissement de VSMPE. (Photo : EMM).

HABITATION, MOBILITÉ ET TRANSITION ÉCOLOGIQUE DANS LA MIRE DE GIULIANA FUMAGALLI

La mairesse de l’arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension se fait plutôt discrète sur la scène publique depuis son exclusion de Projet Montréal à l’été 2018 à la suite d’allégations de « comportement inapproprié », elle qui a été par la suite blâmée par le contrôleur général de la métropole pour une affaire de harcèlement. On comprend que la mairesse, aujourd’hui « indépendante », ne désire surtout pas faire de vagues médiatiques, ni parler de cet épisode, mais elle poursuit néanmoins son travail afin « d’aider le quartier Saint-Michel, comme les autres secteurs de l’arrondissement, à se projeter dans un avenir meilleur », dit-elle. Nous l’avons rencontré le 11 février dernier à son bureau d’arrondissement, dans le cadre de ce dossier spécial sur Saint-Michel.

Dès les premières minutes de l’entrevue, il est évident que Giuliana Fumagalli connait bien les dossiers liés au développement de Saint-Michel et les aspirations de sa communauté portées principalement par la table de quartier Vivre Saint-Michel en santé (VSMS), dont l’ex-présidente, France Émond, est aujourd’hui chef de cabinet de la mairesse. Avant d’être élue aux dernières élections municipales, Mme Fumagalli était d’ailleurs fortement impliquée dans le milieu communautaire sur ce territoire. Bien préparée pour l’entretien, elle explique d’entrée de jeu que son administration priorise trois champs d’intervention bien définis  pour les années à venir dans VSMPE, et que ces priorités sont particulièrement sensibles dans Saint-Michel, soit l’habitation, la mobilité et la transition écologique.

Logements sociaux : changer les règles

Si la pénurie de logements fait rage en ce moment partout à Montréal et semble perdurer, la situation s’avère particulièrement difficile dans les quartiers centraux et dans l’Est de Montréal, alors que Saint-Michel y a pratiquement un pied dans chaque zone. Quartier d’immigration, Saint-Michel est aussi l’un des quartiers montréalais dont le revenu familial est le moins élevé et où les logements, qui sont en moyenne également dans les moins chers sur l’Île, sont souvent malheureusement dans un piètre état, du moins plus que dans les quartiers voisins.

Pas étonnant donc que l’administration municipale fasse de l’habitation l’une de ses priorités dans Saint-Michel. Selon Giuliana Fumagalli, la ville a accentué depuis quelques années l’inspection des logements dans le quartier afin de forcer les propriétaires récalcitrants à entretenir leurs bâtiments vétustes et insalubres, mais elle a aussi travaillé de concert avec VSMS pour sensibiliser les locataires à l’importance de dénoncer ce genre d’abus. Mais le nerf de la guerre, comme dans d’autres secteurs de la ville, c’est d’accélérer la construction de logements sociaux sur le territoire, et à ce chapitre, le quartier fait face à une problématique particulière.

« Tous les programmes gouvernementaux pour le financement de logements sociaux se servent d’un prix de loyer médian pour déterminer le montant qui sera subventionné pour un logement, les programmes de la ville ne faisant pas exception. Le problème, c’est que dans Saint-Michel les prix des loyers sont vraiment sous la moyenne montréalaise, en partie parce que le parc de logements est en moins bon état, en partie parce que la population en général ne peut pas se payer des logements très chers. Le résultat de tout cela est que dans bien des cas, ça demeure moins cher pour les gens de rester dans leur logement que de s’installer dans un logement social, même si ce dernier est subventionné », explique Mme Fumagalli.

Le cheval de bataille pour la mairesse de l’arrondissement est donc clair : « On dénonce avec beaucoup de force cette façon d’analyser les besoins de logements sociaux, et de les subventionner. La méthode du prix médian des logements dans un quartier comme Saint-Michel vient biaiser la réalité et vient pénaliser en bout de ligne les populations qui souffrent le plus de problèmes liés au logement. C’est vraiment cette règle que j’aimerais changer afin que les calculs se fassent par quartier et non pour l’ensemble de la ville. Mais c’est à la ville-centre à changer la donne, donc on attend », affirme Giuliana Fumagalli, qui espère malgré tout que les projets de logements sociaux se multiplient ces prochaines années dans Saint-Michel, « car les besoins sont criants . »

Pistes cyclables, autoroute 40, SRB et… Francon

Question mobilité, Saint-Michel ne fait pas exception à la règle dans l’Est de Montréal avec plusieurs projets et problématiques à la fois. « Le transport, c’est fondamental dans Saint-Michel car le quartier est en même temps proche et loin du centre-ville. Assez proche physiquement, mais difficile d’accès car le réseau de transport en commun est, il faut le dire, peu efficace », soutient la mairesse. Celle-ci voit donc d’un bon œil la mise en service bientôt du SRB Pie-IX, quoique selon elle ce projet est plutôt appelé à desservir la population lavalloise que la population locale, mais surtout elle attend avec impatience le fameux prolongement de la ligne bleue du métro. « Le SRB devient intéressant pour Saint-Michel dans la mesure où nous avons réussi à convaincre les autorités de créer un lien direct entre la prochaine station de métro qui s’en vient au coin de Jean-Talon et Pie-IX et le SRB. Au départ le lien direct n’était pas dans les plans. Mais je crois que c’est vraiment le prolongement de la ligne bleue qui viendra améliorer significativement le transport collectif dans Saint-Michel, en plus de vitaminer certainement tout le secteur du Petit Maghreb », avance Mme Fumagalli.

Quant au grand projet de réfection de l’autoroute Métropolitaine dans l’Est de Montréal annoncé récemment par le gouvernement Legault, la mairesse de l’arrondissement semble mi-figue mi-raisin face aux plans projetés par le MTQ jusqu’à maintenant, qui laisseraient la prochaine mouture de la 40 pratiquement dans sa configuration actuelle, mais refaite à neuf. « J’aimerais tellement que l’on saisisse l’occasion et que l’on enfouisse enfin cette fracture urbaine pour Saint-Michel et les quartiers environnants, où tout est construit et densifié autour. Ça se fait, comme à Boston. Mais malheureusement, si on se fie à la présentation que l’on a eu l’an dernier, le MTQ semble déjà avoir fait ses plans, donc on va au moins essayer de rendre les abords de l’autoroute plus sécuritaires cette fois, c’est ma priorité absolue car il y a des centaines d’enfants qui traversent à pied chaque jour la Métropolitaine, dans les conditions que l’on connait », affirme Giuliana Fumagalli, qui demande toujours officiellement un moratoire sur le projet, même si elle ne se fait pas d’idée sur ses chances de succès.

Pour la mairesse, le dossier de la 40 est une épine qui s’apparente au site de l’ancienne carrière Francon au sens où cette structure coupe les liens naturels de mobilité entre des secteurs fortement habités, enclavant des populations composées de milliers de personnes et pourtant en pleine zone urbaine. « Si on veut développer Saint-Michel, il va falloir réunifier le territoire en lui donnant les axes de mobilité qui ont été coupés au fil de temps, par l’immense carrière Francon à l’Est et dans une autre mesure par la 40. On a presque réglé le cas à l’Ouest avec la transformation de la carrière Miron, mais il faudra bien s’occuper éventuellement des deux autres fractures, comme je les appelle », clame la mairesse. Ainsi, Giuliana Fumagalli est en faveur d’une requalification complète de l’immense site de Francon avec en priorité l’unification des voix de mobilité nord-sud et est-ouest, probablement via des structures suspendues puisqu’elle penche actuellement pour un développement qui conserverait la profondeur du site évalué à certains endroits à l’équivalent des Chutes Niagara. « Compte tenu de la profondeur de la carrière, je ne crois pas que ce serait réaliste de remblayer tout cela, et en même temps, conserver la profondeur pourrait tellement donner du cachet, un caractère unique au projet de développement, car on pense ici à construire carrément un nouveau quartier urbain. Mais ça ne se fera pas demain matin, les options sont à l’étude présentement par la ville, et on parle de plusieurs années encore avant d’élaborer un véritable plan directeur. Ce sera un long processus, mais la reconversion de Francon va inévitablement se faire », affirme la mairesse.

Dans ses projets de mobilité plus concrets, Mme Fumagalli se dit particulièrement enthousiaste envers les nombreuses pistes cyclables projetées par l’arrondissement, dont un axe nord-sud qui rejoindra le prochain grand pôle de mobilité Jean-Talon/Pie-IX, et un axe Est-Ouest qui longera la rue Villeray, deux projets qui sont en phase de réalisation. « Après cela, nous avons déjà dans les plans de construire une piste cyclable sur Louvain et une autre derrière le site Francon. Les pistes cyclables sont particulièrement importantes dans Saint-Michel car il y a vraiment beaucoup de jeunes dans le quartier, beaucoup d’écoles également pour la grandeur du territoire. C’est définitivement une priorité pour nous maintenant et pour les prochaines années », soutient Mme Fumagalli.

Projets à surveiller

Parmi les autres projets liés à Saint-Michel et qui interpellent particulièrement sa mairesse, ceux touchant à la transition écologique reviennent à plusieurs reprises lors de notre entretien. Concernant le site Francon, Giuliana Fumagalli insistera sur sa vision d’un développement idéalement « sans voiture, innovant et incluant un parc d’envergure » pour le futur. Mais au quotidien, la mairesse affirme que l’administration municipale « travaille actuellement très fort à déminéraliser, enlever entre autres l’asphalte et le ciment superflus, afin de réduire les îlots de chaleur qui sont nombreux dans Saint-Michel. » Elle affirme également que l’arrondissement mettra plus d’emphase dorénavant sur la création de ruelles vertes et sur l’augmentation de la canopée, dès que les occasions se présenteront.

Sujet chaud s’il en est dans le quartier, le projet de Maison communautaire porté par VSMS, qui prévoit la reconversion du bâtiment abritant l’ancien siège social francophone de Synchro Canada (instance nationale de nage synchronisée) et de sa piscine en une infrastructure publique pouvant notamment offrir des locaux abordables pour les organismes communautaires de Saint-Michel, semble en voie de se concrétiser. D’après Mme Fumagalli, l’arrondissement attend après la ville-centre dans ce dossier pour donner le feu vert, le bâtiment appartenant à cette dernière. Les négociations seraient toutefois avancées dit-elle, ajoutant qu’elle ne voyait aucune raison pour le projet achoppe. Rappelons que cette infrastructure de plus de 31 000 pi2, fermée par la Ville en 2015 pour des raisons de vétusté, est située dans le parc George-Vernot, aux portes de la carrière Francon.

Finalement, un dernier petit mot concernant le projet de construction d’une nouvelle salle de concert pour l’école Joseph-François-Perrault, un projet évalué à quelque 30 M $ mais qui traîne depuis quelques années déjà. Rappelons que le programme Arts-études concentration musique classique de Joseph-François-Perrault, créé en 1978, jouit d’une prestigieuse renommée et que l’institution s’est rapidement imposée comme l’une des meilleures écoles de formation au Québec en musique classique. Le département accueille près de 800 élèves chaque année et compte deux orchestres symphoniques, sept orchestres à cordes, dix harmonies et six chœurs. Toutefois, l’école manque cruellement d’une salle de répétition et de concert adéquate pour le niveau qu’elle offre et l’impact qu’elle génère dans le milieu musical. « C’est connu que l’arrondissement endosse le projet à 100 %. Maintenant, compte tenu de l’ampleur de ce dernier, c’est vraiment dans la cour de la ville-centre et surtout du gouvernement du Québec. D’après ce que j’en comprends, Québec serait intéressé à aller de l’avant, mais comme il s’agit d’un projet très particulier, ce n’est pas évident pour le ministère de l’Éducation de l’inclure dans son programme d’infrastructures. C’est un dossier qui est rendu dans les hautes sphères politiques, mais qui devrait lui aussi débloquer incessamment. Du moins je l’espère », conclut l’indépendante mairesse de VSMPE.