Une rue du quartier Hochelaga (Emmanuel Delacour/EMM)

LA FUSION DE LOGEMENT BIENTÔT INTERDITE DANS MHM

Dans le contexte de la crise du logement, l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM) souhaite mettre en place une nouvelle mesure pour préserver le parc locatif abordable en interdisant la fusion de logis sur son territoire.

L’avis de motion, qui a été adopté au début du mois, lance le processus décisionnel pour modifier le règlement d’urbanisme de MHM qui rendrait impossibles les travaux fusionnant deux ou plusieurs unités résidentielles en une seule. Puisque le règlement est en cours d’adoption, l’arrondissement a désormais gelé l’émission de permis de rénovation de ce type.

La décision a été prise pour répondre au phénomène de « rénovinction » qui a récemment été rapporté aux élus de MHM par des locataires, indique le maire d’arrondissement, Pierre Lessard-Blais. Certains propriétaires auraient évincé leurs locataires afin de procéder à des travaux d’agrandissement dans leur logement, pour ensuite remettre celui-ci sur le marché locatif au prix fort. « En 2023, on a eu quelques citoyens qui nous ont contactés et qui nous ont expliqué leur situation. On a fait une analyse du dossier et des comparatifs avec d’autres arrondissements. Ça nous a amenés à développer cette règlementation-là », indique le maire de MHM. Effectivement, l’arrondissement du Plateau–Mont-Royal possède un règlement similaire.

Pierre Lessard-Blais, maire de MHM (Emmanuel Delacour/EMM)

Si elle est adoptée en troisième lecture au conseil d’arrondissement de mai, la nouvelle règlementation viendrait « colmater une brèche » dans le règlement d’urbanisme de MHM, qui laisse la porte ouverte aux évictions en raison d’agrandissement. En effet, le maire rappelle que le Code civil permet à un locateur d’un logement d’évincer un locataire pour subdiviser son logement, l’agrandir substantiellement ou en changer l’affectation.

Or, MHM interdit déjà les divisions de logements dans son cadre règlementaire pour mettre un frein à ce genre de tactiques d’éviction qui ouvrent ensuite la porte à des augmentations de coûts de location au pied carré.

La Direction de l’aménagement urbain et des services aux entreprises de MHM, qui s’est penchée sur la problématique, recommande que l’administration aille de l’avant avec son projet de règlement afin de prévenir « des évictions injustifiées lors de travaux de rénovation majeurs ». La nouvelle règlementation pourrait ainsi aider à protéger les « locataires vulnérables, notamment les personnes âgées et celles à faible revenu » et à maintenir « l’équilibre entre les droits des propriétaires et la sécurité résidentielle des locataires », peut-on lire dans les documents du conseil d’arrondissement.

Selon le maire, il sera encore possible pour les citoyens de faire une demande de permis pour l’agrandissement de leur maison, car le Comité consultatif d’urbanisme et le conseil d’arrondissement auront le pouvoir d’accorder une approbation discrétionnaire en ce sens. « Il va falloir que le propriétaire fasse la description de son projet, la justification des pièces, il va falloir qu’il dépose les plans. Bref, ça va être beaucoup plus compliqué pour la personne de mentir à l’arrondissement. Et ensuite, si quelqu’un nous ment, ce serait possible pour le locataire évincé de prendre les documents qui seront publics pour poursuivre son ancien propriétaire devant le Tribunal administratif du logement (TAL) », souligne M. Lessard-Blais.

La nouvelle règlementation est bien accueillie par le comité logement local. « C’est une bonne mesure, que l’on demandait depuis la dernière année », affirme Annie Lapalme, organisatrice communautaire pour Entraide Logement. Cette dernière souligne que dans certains cas, les propriétaires ne prennent même pas la peine de procéder réellement aux travaux d’agrandissement à la suite de l’éviction. « C’est très difficile pour un locataire de prouver qu’il n’y a pas eu de travaux une fois sorti du logement. Le propriétaire peut arriver avec des plans dessinés sur un coin de table au TAL et faire accepter ça comme preuve, et c’est tout », souligne-t-elle. Son organisme rapporte que neuf citoyens ont rapporté avoir reçu un avis d’éviction pour agrandissement dans Hochelaga-Maisonneuve en 2023, tandis que leurs collègues chez InfoLogis ont recensé quatre cas similaires dans Mercier la même année.

Les Airbnb toujours problématiques

Par ailleurs, un autre règlement de MHM concernant le logement crée des remous dernièrement dans l’arrondissement, soit celui interdisant la mise en location de résidences commerciales de type Airbnb.

Plusieurs citoyens et le comité logement local dénoncent depuis quelques semaines qu’un immeuble à logements récemment construit est entièrement dédié aux locations Airbnb. En effet, certains des 26 appartements de l’édifice situé au coin des rues Ontario et de Chambly sont affichés pour de la location à court terme sur la populaire plateforme, alors que MHM prohibe complètement ce type d’activités sur son territoire.

L’édifice situé au coin des rues Ontario et de Chambly (Emmanuel Delacour/EMM)

Le maire affirme que l’arrondissement a des pouvoirs limités pour sévir contre les propriétaires qui déclarent faussement que les propriétés mises en location sur ces plateformes sont leur résidence principale. « Si quelqu’un qui vit dans les Laurentides nous ment et dit qu’il reste là, on n’a pas accès aux documents pour prouver que c’est faux. C’est Revenu Québec qui a ces pouvoirs-là et cela fait longtemps que nous sommes plusieurs élus des municipalités au Québec à demander au gouvernement de mettre en place plus d’inspecteurs pour enquêter sur ce genre de cas », insiste M. Lessard-Blais. Ce dernier indique que l’arrondissement a informé Revenu Québec du cas de l’édifice en question le 7 décembre dernier.

D’ailleurs, Les Propriétés Strawberry, le propriétaire de l’immeuble, poursuit MHM pour faire annuler son règlement interdisant les Airbnb commerciaux. « Le dossier étant devant la Cour, je ne peux pas le commenter, mais je peux vous dire que le règlement qui interdit les Airbnb de façon commerciale dans l’arrondissement, nous, on y croit beaucoup », termine le maire.