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FORTES PLUIES : DES SOLUTIONS EFFICACES POUR RENFORCER LA RÉSILIENCE DES BÂTIMENTS

Actuellement, les événements climatiques extrêmes se multiplient, notamment les pluies torrentielles qui touchent régulièrement la métropole. Afin d’augmenter notre résilience face à celles-ci, il devient crucial d’adopter des mesures préventives et de mettre en place des solutions efficaces pour limiter les risques de dommages liés aux inondations sur les bâtiments, mais aussi pour éviter que le réseau d’égouts municipal ne soit surchargé. 

Que ce soit en renforçant les installations présentes dans l’habitation, en améliorant les systèmes de drainage ou en mettant en place des stratégies d’adaptation sur le terrain d’une propriété, chaque citoyen peut jouer un rôle essentiel dans la diminution de l’impact des fortes pluies pour garantir la pérennité des bâtiments et la sécurité des espaces publics. 

De nombreuses actions simples et peu coûteuses peuvent être mises en place pour prévenir les accumulations d’eau rapides.

Vérifier la conformité et l’installation des clapets anti-retour

Les clapets anti-retour, des dispositifs obligatoires installés sur les systèmes de plomberie, permettent d’empêcher le reflux des eaux usées ou de l’eau de pluie dans un bâtiment. Ils fonctionnent avec un mécanisme de porte qui s’ouvre lorsque l’eau s’écoule normalement dans une direction, puis qui se referme automatiquement dès qu’un reflux se manifeste.

Stéphane Brossault, chef de division, Développement urbain, à la direction de la gestion des actifs du Service de l’eau de la Ville de Montréal (Courtoisie)

Ces derniers sont souvent méconnus des propriétaires, bien qu’ils jouent un rôle d’importance dans la gestion des inondations. Des clapets absents, mal entretenus ou installés de la mauvaise façon peuvent être la cause de refoulements importants, rappelle Stéphane Brossault, chef de division, Développement urbain, à la direction de la gestion des actifs du Service de l’eau de la Ville de Montréal. « Quand il y a des fortes pluies qui génèrent des inondations ou un grand nombre de refoulements, les inspecteurs remarquent que, dans la plupart des cas, c’est parce que le clapet est soit absent, soit défectueux », fait-il remarquer.

Son collègue Dominic Beaudry, conseiller en aménagement au Service de l’eau de la Ville de Montréal, souligne que le clapet anti-retour « est une protection que l’on utilise depuis des décennies », un dispositif bien établi qui a fait ses preuves. « Il est donc anormal que, après une forte pluie, cet équipement éprouvé ne fonctionne pas comme il se doit. C’est un peu comme vérifier la pile d’un détecteur de fumée. Aujourd’hui, il faut s’assurer de vérifier le clapet de la même manière, car c’est un dispositif qui peut éviter bien des problèmes », illustre-t-il. 

Dominic Beaudry, conseiller en aménagement au Service de l’eau de la Ville de Montréal (Courtoisie)

Stéphane Brossault ajoute que, bien que le clapet anti-retour détient une solidité qui peut traverser les années, il est tout de même important de procéder à son entretien régulier. « Comme tout équipement mécanique, ceux qui sont équipés d’un ressort ou d’un système de fermeture pour les maintenir fermés (ou les refermer une fois l’écoulement arrêté) nécessitent également d’être vérifiés de temps à autres », explique-t-il.

Des clapets anti-refoulement fonctionnels devraient se retrouver sur tous les drains au plancher et les systèmes de plomberie de la maison (toilettes, robinets d’évier, etc.) situés sous le niveau de la rue.

Rediriger l’eau et désengorger les gouttières

L’objectif des gouttières n’est pas uniquement de se protéger individuellement, bien que cela puisse être le cas, notamment pour les propriétaires d’une habitation munie d’un garage en dépression, où l’eau des gouttières peut parfois y être déversée, provoquant des inondations. « Lorsque la gouttière dirige l’eau devant une porte de garage et qu’il n’y a pas assez de place dans l’égout pour l’évacuer, cela peut entraîner une auto-inondation. La solution recommandée est de rediriger l’eau vers le terrain, ou une surface perméable loin de l’égout, pour éviter ce problème », explique M. Brossault. 

Les gouttières peuvent rediriger l’eau vers le gazon (Courtoisie)

Le rôle de ces installations présentes sur les toits en pente est aussi de détourner l’eau du réseau municipal, rappelle Dominic Beaudry. « On aborde ici la question du geste collectif. En déviant les gouttières et en dirigeant l’eau vers le gazon, par exemple, le citoyen contribue à réduire la quantité d’eau que le réseau doit gérer sur tout le territoire lors de fortes pluies. »

Pour les propriétaires d’un bâtiment à toit plat, il est nécessaire de nettoyer régulièrement le drain sur le toit, conseille-t-il. « Si des feuilles et des débris s’accumulent, l’eau sur le toit peut être retenue et obstruer le drain. Il est aussi important d’assurer une bonne circulation de l’air, car toute plomberie fonctionne par gravité. Une mauvaise circulation de l’air peut provoquer un effet de siphon, entraînant non seulement des risques d’inondation dans le sous-sol, mais aussi aux étages supérieurs. »

Sécuriser les entrées en contre-pente

Lors d’un épisode de fortes pluies, la capacité du réseau d’égouts peut rapidement être dépassée, empêchant l’eau qui s’accumule sur la chaussée de s’y évacuer. Celle-ci cherchera alors à s’écouler vers le point le plus bas, ce qui peut entraîner des inondations chez les propriétaires de bâtiments ayant une entrée en contre-pente ou un accès à la propriété plus bas que la rue.

Des mesures préventives permettent d’éviter le pire, énumère Dominic Beaudry : « Il y a plusieurs solutions. La meilleure mesure, selon moi, est le comblement, soit combler l’entrée de la résidence en venant recréer un vrai mur de fondation au niveau de l’entrée de garage en contre-pente pour assurer une étanchéité efficace. On peut également installer une porte de garage étanche. Ce type de porte de garage a été testé avec succès dans quatre résidences de Montréal en 2024. Actuellement, plus d’une dizaine de propriétaires ont entamé les démarches pour installer une porte étanche. C’est également ce que Écohabitation met de l’avant sur son site Internet. »

Une porte de garage étanche permet d’éviter que l’eau ne s’infiltre à l’intérieur (Courtoisie)

Une autre solution pertinente est l’installation d’un batardeau, une barrière amovible à haute capacité positionnée sur deux rails de part et d’autre d’une porte de garage, qui empêche l’eau d’inonder la zone. Cette structure est notamment en période de test dans le secteur de Rivière-des-PrairiesPointe-aux-Trembles, plus précisément dans un quartier « où les portes de garage sont larges et où l’utilisation de portes de garage étanches n’est pas nécessairement optimale », explique M. Beaudry.

« Dans ce cas de figure, des citoyens ont remarqué que le batardeau, situé à environ deux ou trois pieds du sol, offrait une solution à la fois sécuritaire et adéquate. C’est une solution qui est aussi plus économique, mais, puisque la structure est amovible, il faut penser à l’installer à l’avance lorsqu’il annonce de fortes pluies et qu’on est en déplacement, par exemple. »

Enfin, le dos d’âne placé au début d’une entrée en contre-pente représente une mesure de protection de base, selon Dominic Beaudry. « C’est une solution peu coûteuse qui existe depuis longtemps. On en retrouve dans plusieurs quartiers, comme Saint-Léonard ou Montréal-Nord, où il y a une grande quantité de garages en dépression. Il s’agit d’une sorte de renflement au sommet de la pente qui sert de digue et qui agit comme un dispositif pour contenir l’eau de la rue. Il faut toutefois que la pente soit assez douce et longue pour permettre le passage d’un véhicule. »

L’utilisation du programme RénoPlex

Le programme RénoPlex de la Ville de Montréal offre désormais une subvention bonifiée « substantielle », destinée aux propriétaires résidentiels qui planifient des travaux de rénovation pour adapter leur habitation aux risques d’inondations.  « Un nouveau volet du programme a été mis en place grâce à une collaboration entre le Service de l’habitation et le Service de l’eau de la Ville. Il vise à améliorer les subventions existantes et à élargir les critères d’admissibilité. Auparavant, les propriétés éligibles à la subvention étaient plus restreintes. Désormais, pour l’adaptation aux pluies abondantes, l’éligibilité a été élargie », explique Dominic Beaudry. 

Stéphane Brossault rappelle que la demande de subvention doit être faite avant le début des travaux. « Un propriétaire doit se faire autoriser avant de commencer les travaux et suivre les procédures indiquées par le programme, car il n’y a pas de remboursement de factures possible rétroactivement », précise-t-il.

L’organisme Architecture sans frontières Québec (ASFQ) a quant à elle élaboré un guide incluant des fiches techniques visant à adapter les habitations et les bâtiments aux risques d’inondation et à adopter les meilleures mesures selon les besoins. 

Les experts concluent en rappelant que la résilience collective ainsi que les infrastructures municipales jouent également un rôle clé dans une gestion plus efficace des inondations. « La Ville de Montréal entretient ses réseaux, continue à construire de grands bassins de rétention aux endroits stratégiques et met également en place des infrastructures vertes drainantes, comme les parcs et rues éponges, toujours avec l’idée de dévier l’eau du réseau. Pour le citoyen, c’est aussi de participer en réalisant des actions simples et rapides, comme prendre un balai et nettoyer les puisards dans la rue. La clé est de retenir l’eau le plus possible chez soi pour faire sa part », indique M. Beaudry.

« Les changements climatiques s’intensifient chaque année, et les infrastructures actuelles de la Ville ne sont pas conçues pour gérer ces pluies de plus en plus fréquentes et abondantes. Donc, la protection du cadre bâti ne peut reposer uniquement sur ces infrastructures, mais doit également impliquer la protection collective des bâtiments, pour garantir une sécurité pour tous », ajoute Stéphane Brossault.

Le parc-éponge Dickie-Moore à Montréal (Courtoisie)