Courtoisie RFF (crédit photo : Myriam Baril-Tessier).

FERMIERS DE FAMILLE : LA DEMANDE EXPLOSE

Si l’idée de vous abonner cette année aux paniers de légumes biologiques du Réseau des fermiers de famille vous titille, vous avez intérêt à être vite sur votre clavier car les opportunités sont déjà rares dans l’Est de Montréal pour la prochaine saison.

À part un point de livraison dans Rivière-des-Prairies où des abonnements sont encore possibles en date d’aujourd’hui, et moins d’une dizaine au total dans Mercier−Hochelaga-Maisonneuve et Rosemont, le carnet de commande des fermiers de famille affiche déjà complet un peu partout dans la région métropolitaine. Une année record s’annonce donc pour le Réseau à tous les points de vue, notamment pour le nombre d’abonnements et le nombre de fermes participantes, mais aussi pour la rapidité avec laquelle le réseau a réussi à écouler ses forfaits pour la prochaine saison estivale. Évidemment, la crise générée par le Covid-19 n’est pas étrangère au phénomène, même si la demande pour les paniers bio est en progression constante depuis la création du Réseau des fermiers de famille en 1996.

« C’est effectivement une année exceptionnelle pour le Réseau des fermiers de famille, mais la crise du coronavirus aurait pu tourner autrement pour nous. Avec les pertes d’emplois massives, on se demandait si les gens allaient tout de même s’abonner cette saison, et c’est plutôt l’inverse qui s’est produit, ils ont répondu à l’appel plus fortement que jamais », affirme Marie-Hélène Paquet, coordonnatrice du Réseau.

La nutritionniste de formation est d’avis que la pandémie actuelle a finalement accéléré en quelque sorte la prise de conscience des Québécois.es quant à l’importance de l’achat local, mais aussi de la souveraineté alimentaire, entre autres comportements de société. « En posant le simple geste de s’abonner à un panier bio, les gens réalisent aujourd’hui qu’ils contribuent vraiment à changer les choses. Ils ont un lien direct avec des agriculteurs de la région, qui eux reçoivent un prix juste et équitable pour leurs produits. Le transport et la manipulation des légumes, qui sont cueillis la veille ou le matin même de la journée de livraison, sont réduits au minimum, et bien sûr les produits biologiques sont extrêmement frais, sains et bon pour la santé. C’est un geste simple, mais qui a réellement un impact sur le quotidien et la qualité de vie de beaucoup de personnes », ajoute Mme Paquet.

La demande dépasse l’offre

Selon les données fournies par l’OBNL vendredi dernier, les quelque 130 fermes du Québec et du Nouveau-Brunswick certifiées biologiques (ou en voie d’être certifiées bio) qui composent le Réseau des fermiers de famille ne fourniront vraisemblablement pas à la demande pour la prochaine saison estivale.

Au début de l’année, chacune des fermes du Réseau doit fournir son objectif de vente « réaliste », et son objectif « idéal » nous dit Mme Paquet. Or, la semaine dernière, 98 % des fermes avaient déjà atteint leur objectif idéal et en moyenne ces objectifs étaient même dépassés de 15 %. « Avec la demande qui a explosé, plusieurs producteurs ont finalement décidé d’augmenter leur production afin d’offrir des paniers à plus de gens. J’ajouterais à cela que certains maraîchers qui ont des clients dans le milieu de la restauration ont aussi basculé exceptionnellement cette année une partie de leur production vers le grand public, ce qui expliquent aussi ces chiffes », soutient la coordonnatrice. Celle-ci confirme également qu’il y a deux semaines, le Réseau bénéficiait déjà de 90 % de plus d’inscriptions pour les paniers bio qu’à pareille date l’an dernier.

Photo courtoisie RFF.

Lors de sa création par Équiterre en 1996, le Réseau comptait à son lancement sept fermes qui desservaient environ 250 familles. Aujourd’hui géré par la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique (CAPÉ), le RFF prévoit cette année dépasser les 60 000 adhérents pour les paniers de légumes biologiques (dont plusieurs agriculteurs ajoutent maintenant des fruits de saison).

« Le Réseau est simplement une vitrine sur l’offre biologique au Québec. Notre rôle c’est de mettre de l’avant les fermes qui sont membres de l’organisme, et de faire le pont entre elles et le public. Par la suite, une relation directe entre les adhérents et leurs fermiers respectifs s’installe naturellement », explique Marie-Hélène Paquet.

Agriculture à échelle humaine

S’il existe aujourd’hui des fermes certifiées biologiques de taille respectable au Québec, le mouvement des fermiers de famille génère et encourage plutôt des entreprises agricoles de taille modeste. On parle pour plusieurs d’entre-elles d’une superficie ne dépassant pas les dix hectares. Dans le RFF, les plus grandes fermes produisent actuellement environ 900 paniers par semaine en saison estivale, alors qu’à l’autre bout du spectre une ferme membre peut fournir aussi peu que 30 paniers sur une base hebdomadaire.

« L’idée n’est pas de devenir gros, mais d’obtenir une rentabilité du modèle d’affaires qui offrira une belle qualité de vie tant aux propriétaires qu’aux employés. Mais que la ferme livre 30 ou 900 paniers par semaine, ça reste toujours de l’agriculture de proximité à échelle humaine », nous dit Mme Paquet.

La diversité de cultures qu’exige également la production de paniers de légumes livrés au public écarte aussi, en quelque sorte, la production de masse. Ainsi, pour offrir des paniers bien garnis tout au long de la saison de récolte, les agriculteurs ne peuvent pas mettre une grande partie de leurs hectares au service d’une production de masse comme le soja ou le maïs par exemple. Chaque parcelle de leur terrain doit être dédiée à des produits de saison, pour la plupart des fermes du moins, afin d’offrir à la clientèle des paniers contenant bien sûr plusieurs produits différents semaine après semaine.

Est-ce économique de faire affaire avec un fermier de famille? Quoique la majorité des adhérents affirment généralement que oui, notamment abondamment sur les réseaux sociaux, la coordonnatrice du RFF se fait plutôt prudente à ce sujet. « Si on compare avec l’offre des produits biologiques québécois vendus en supermarché, définitivement oui, le prix des paniers se compare généralement de façon avantageuse. Mais l’idée n’est pas de battre ici les prix de Wal-Mart ou Super C, mais bien d’offrir un prix juste tant pour les fermiers que pour les consommateurs qui désirent opter pour des légumes biologiques et locaux. Et dans les faits, honnêtement, c’est très rare que l’on entend dire que c’est dispendieux de faire affaire avec un fermier de famille, c’est plutôt le contraire que j’entends, mais chose certaine, le Réseau ne veut pas faire du prix des paniers un enjeu pour promouvoir le service », affirme Mme Paquet.

Ajoutons à cela que le fait de payer d’avance les frais d’abonnement aux paniers assure aux adhérents qu’ils ne feront pas face à des fluctuations de marché au courant de la saison. Si les prix s’enflamment pour certains produits, ça ne les touchera pas. En contrepartie, les fermiers auront pu en début de saison défrayer certains coûts de main-d’œuvre, d’équipement et de semis.

Une offre à développer dans l’Est de Montréal

Les arrondissements de Rosemont−La Petite-Patrie et de Mercier−Hochelaga-Maisonneuve sont depuis plusieurs années très bien servis en termes de points de chute par les fermiers de famille membres du Réseau. Toutefois, l’offre est encore bien mince dans les autres secteurs de l’Est de Montréal, voire inexistante.

Par exemple, aucun point de livraison n’est offert dans Pointe-aux-Trembles, dans Saint-Léonard et dans Montréal-Est cette année. Un seul respectivement dans Rivière-des-Prairies et Montréal-Nord, deux dans Saint-Michel, alors que MHM et RPP sont très bien desservis avec au moins une douzaine de points de livraison dans chacun de ces arrondissements.

« Le RFF est sensible à cette réalité, mais c’est la demande et la rentabilité qui justifient les points de chute, et les fermiers qui décident en bout de ligne où ils installent leurs points de livraison. Il faut comprendre que ces fermes sont des entreprises, et non des organismes qui auraient par exemple un mandat de palier aux déserts alimentaires, il faut le spécifier », soutient Marie-Hélène Paquet.

Toutefois c’est dans les plans de l’organisme d’étendre au fil des prochaines années les points de chute dans certains territoires peu ou pas desservis actuellement. « On veut travailler avec les municipalités pour qu’elles facilitent l’accès au domaine public à nos membres pour la livraison des paniers, dans les parcs par exemple. C’est parfois simplement l’accès à un point de chute qui freine l’élan d’un producteur pour desservir un quartier, et il faut avouer que c’est parfois difficile d’avoir une oreille attentive de certaines administrations municipales. Mais on travaille là-dessus », soutient la coordonnatrice du Réseau des fermiers de famille. L’invitation est lancée!

https://www.fermierdefamille.com/fr/