FERMETURE DE L’USINE INDORAMA : QU’ARRIVERA-T-IL À LA CHAÎNE DU POLYESTER DE MONTRÉAL-EST?
La fermeture annoncée de l’usine d’Indorama Ventures à Montréal-Est est-elle le premier domino à tomber dans une chaîne d’entreprises du secteur dont les opérations dépendent fortement les unes des autres? Sans vouloir s’annoncer catastrophique, la mairesse de la ville fortement industrialisée, Anne St-Laurent, s’inquiète tout de même de la suite des choses.
Lorsque le couperet est tombé ce mardi, l’élue a été prise de court par la décision de l’entreprise thaïlandaise de mettre la clé sous la porte d’ici septembre de son usine de production d’acide téréphtalique purifié (PTA), la seule en son genre en sol canadien. « C’est une bien triste nouvelle, d’abord et avant tout pour les employés de l’usine. C’est une annonce qui n’est pas facile », a réagi en entrevue Mme St-Laurent. En effet, ce sont 140 employés qui travaillent dans l’usine qui perdront leur emploi.
En outre, la mairesse de la ville de près de 4400 habitants et dont le territoire de 12,5 km2 connaît une importante présence d’entreprises industrielles, notamment dans le domaine pétrochimique, se dit préoccupée des conséquences qu’entraînera cette décision sur l’économie locale. « Ce qui m’inquiète énormément, c’est ce que cette fermeture signifie pour la chaîne du polyester sur notre territoire. On a une belle économie circulaire actuellement avec Suncor, ParaChem, Indorama et Alpek », explique Mme St-Laurent.
Cette dernière ne s’attend pas à ce que la décision de l’entreprise, dont le siège social est à Bangkok, puisse être annulée. La Ville de Montréal-Est devra donc absorber le choc et poursuivre ses activités. « Il va falloir pousser encore plus à développer nos terrains vacants, parce que ce sont des pertes de revenus lorsque ces entreprises ferment », insiste la mairesse. En effet, Montréal-Est planche depuis plusieurs années maintenant sur une grande revitalisation de son territoire, dont le projet de campus industriel 40NetZERO, la création d’un site récréotouristique au sud de la rue Notre-Dame Est, ainsi que la venue de nouvelles unités d’habitation sur son artère principale, l’avenue Broadway.
Des entreprises interdépendantes
Ce qu’on appelle la chaîne du polyester, c’est en fait quatre entreprises, qui sont toutes situées dans l’est de l’île, et qui produisent chacun des éléments essentiels à la fabrication du polyéthylène téréphtalate (PET). Créée dans les années 2000, cette chaîne, unique au pays, produit environ 25 % du PET en Amérique du Nord.
Ce plastique est utilisé entre autres pour l’emballage alimentaire, tout en étant la matière première à la base des vêtements en polyester. L’entreprise Suncor produit à partir de pétrole brut du xylène, qui est ensuite acheminé chez ParaChem pour être transformé en paraxylène de haute pureté. Celui-ci est alors livré à l’usine d’Indorama afin d’être à nouveau transformé, cette fois en granules de PTA. Il s’agit de la seule usine de PTA au Canada. Enfin, c’est à l’usine d’Alpek qu’on termine la boucle en utilisant le PTA pour fabriquer des pastilles de PET.
Le Syndicat Unifor, représentant environ 80 travailleurs de l’usine d’Indorama, s’inquiète aussi des effets de cette décision sur les autres travailleurs de l’industrie du polyester. « Cette fermeture risque également d’avoir des impacts significatifs sur les entreprises environnantes telles que Alpek et ParaChem. Nous suivrons de près les répercussions sur ces entreprises et travaillerons à atténuer les effets négatifs sur tous nos membres », affirme dans un communiqué le directeur québécois d’Unifor, Daniel Cloutier.
EST MÉDIA Montréal a contacté le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie pour savoir si un plan serait mis en place pour préserver la chaîne du polyester dans l’est de Montréal. Par courriel, le Ministère a affirmé prendre « acte de la décision des dirigeants d’Indorama Ventures » et travailler « dès maintenant pour que les terrains industriels de l’est de Montréal continuent à attirer des investissements dans des secteurs stratégiques afin d’assurer le développement économique de la Métropole ».
Le contexte économique semble toutefois difficile, si l’on en croit les explications avancées par Indorama Ventures pour justifier la fermeture de son usine montréalestoise. Ainsi, des changements importants dans l’industrie du polyester, en particulier en raison de nouvelles constructions et de la surcapacité continue en Chine, dont la majorité est intégrée, exerceraient des pressions sur les producteurs occidentaux.
« Ces pressions sur les coûts, conjuguées à la baisse de la demande, à l’environnement inflationniste ainsi qu’au coût élevé des matières premières, ont conduit à de faibles taux d’utilisation et à la fermeture d’autres usines dans la région », apprend-on dans un communiqué diffusé par l’entreprise.
De plus, les dirigeants de la compagnie thaïlandaise soutiennent vouloir travailler « en étroite collaboration avec les fournisseurs locaux afin de minimiser l’impact sur leurs opérations et de garantir à nos clients que l’approvisionnement en produits et les services ne seront pas affectés », sans détailler comment cela pourra être fait.