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LE DÉVELOPPEMENT DE L’EST PASSE AVANT TOUT PAR LE « GRAND DÉBLOCAGE » SELON LE PQ

Pour souligner le lancement du site EST MÉDIA MONTRÉAL, une douzaine de dirigeants d’organismes et d’élus influents de l’Est de la métropole ont accepté de participer à une importante série d’entrevues exclusives et de partager avec vous leur vision des enjeux et des défis à relever sur le territoire au cours des prochaines années. Cette semaine, le résumé de notre rencontre avec les élu(e)s du Parti Québécois : Jean-François Lisée (Rosemont), Carole Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), Maka Kotto (Bourget) et Nicole Léger (Pointe-aux-Trembles).

Est-ce que l’Est se porte bien? Les réponses à cette question générale, qui sert d’introduction à cette série d’articles, varient évidemment d’une personne à l’autre. Et bien sûr, elles sont certainement influencées par le siège que les principaux intéressés occupent. Pour les élus de l’opposition officielle dans l’Est de la ville, rencontrés dans un café du quartier Angus (Rosemont), le territoire pourrait se porter beaucoup mieux et il a grandement besoin d’amour à plusieurs égards. « Il y a un faussé énorme entre la volonté des acteurs locaux, le potentiel qu’offre le territoire et l’état de santé de l’Est. La différence est très largement explicable notamment par le sous-investissement dans les infrastructures, le transport en commun, la santé, et par 15 ans d’indifférence totale des libéraux », affirme Jean-François Lisée.

Pour Nicole Léger, l’Est se porte plutôt bien malgré tout dans différents secteurs d’activités, surtout en ce qui concerne le milieu communautaire et le réseau d’affaires, tous deux très dynamiques. « Si on continue à tirer notre épingle du jeu, c’est grâce aux gens sur le terrain qui ont pris les choses en mains. Parce que nous, les élus, nous devons nous battre pour tous, tous, tous les dossiers auprès d’un gouvernement qui n’est pas à l’écoute des besoins de l’Est en ce moment. C’est difficile pour l’Est mais la concertation et la mobilisation de nombreux influenceurs font en sorte qu’on arrive, parfois, à faire avancer les choses », dit-elle.

Rappelons que c’est d’ailleurs sous l’initiative de Mme Léger que s’est formé en avril 2011, dans la foulée de la fermeture de la raffinerie Shell, le Comité de développement de l’Est de Montréal (CDEM). Ce Comité, qui compte aujourd’hui une centaine de membres influents de l’Est (élus, dirigeants d’organismes, gens d’affaires, etc.), se rencontre au moins une fois par année pour déterminer les priorités à mettre de l’avant pour l’Est, et sa force de frappe est plutôt considérable. « Pour comprendre à quel point les libéraux sont désintéressés par l’Est, on a qu’à réaliser que pratiquement jamais un de leurs députés ne se présente à ces rencontres, c’est inexplicable », soutient pour sa part Carole Poirier. Et le chef de l’opposition en rajoute : « Moi, je ne comprends pas qu’une Lise Thériault, par exemple, n’ait pas demandé la présidence de ce Comité. Il me semble que politiquement parlant, cela aurait été un signe clair que les élus libéraux veulent participer et même contrôler les débats dans l’Est, mais non, c’est le néant rouge ici, même s’ils sont au pouvoir. »

Selon Maka Kotto, l’image la plus éloquente qui illustre les difficultés dont fait face l’Est de Montréal, est toujours la comparaison de l’espérance de vie face à l’Ouest de l’Île. « Quand on affirme que les gens de l’Est ont en moyenne neuf ans de moins de vie que la population de l’Ouest, on ne peut pas dire que ça va bien dans l’Est. Et malheureusement, force est de constater que c’est encore l’Ouest qui fait main basse sur une grande partie des investissements gouvernementaux en transport, en santé et en éducation. On a qu’à penser au REM, c’est encore l’Est qui est laissé de côté », soutient le député de Bourget.

La priorité au transport

En contrepartie aux dires des péquistes, il faut toutefois admettre que les libéraux ont fait l’annonce cette année de la réalisation prochaine de la ligne Bleue dans l’Est, qui améliorera de beaucoup le transport collectif sur le territoire. « Mais ça c’est un vieux projet de 20 ans, de dire Mme Léger, les besoins de l’Est en transport ont beaucoup évolués depuis, on est rendu ailleurs là. »

Pour la députée de Pointe-aux-Trembles, il est pratiquement impossible d’attirer en ce moment de nouveaux entrepreneurs à l’extrême Est (Pointe-de-l’Île) compte tenu de l’offre déficiente en matière de transport en commun. « Qui veut venir s’installer ici quand les employés ont de la difficulté à s’y rendre? C’est toujours le même frein. Avant de penser aux grands projets industriels, faudra régler le problème du transport, on ne s’en sortira pas sinon. » D’après Jean-François Lisée, de nombreuses demandes ont été faites ces quatre dernières années pour qu’il y ait une rencontre entre le ministre des Transports et les principaux acteurs de l’Est de Montréal, mais sans succès.

Mais qu’est que le PQ offre comme solution à ce problème majeur pour l’Est? Eh bien on nous réfère à leur programme Le Grand Déblocage annoncé en mars dernier, et qui prévoit pour le territoire concerné le prolongement du SRB Pie-IX vers le centre-ville, un tram faisant le lien entre la station projetée Anjou et Radisson jusqu’à la Pointe-de-l’Île, des autobus rapides sur le boulevard Saint-Jean-Baptiste et le prolongement du train de l’Est avec deux nouvelles gares à L’Assomption et Joliette. Lorsque l’on fait part de la critique de plusieurs à l’effet que ce plan a été annoncé trop tard (quoiqu’il est plutôt bien reçu par beaucoup d’experts dans le domaine), notamment après l’annonce du REM, Carole Poirier réagi fortement : « C’est faux. Notre programme ne bouleverse pas les initiatives annoncées par le gouvernement Couillard. Il s’agit en fait surtout d’ajouts de projets et d’autres solutions pour aider à régler notamment les problèmes de l’Est. Sans le Grand Déblocage, il n’y a aucune nouvelle solution sur la table en ce moment. »

Dossiers chauds

Parmi les autres priorités des quatre élus du PQ qui sont ressorties lors de la rencontre, celle de la décontamination des sols est aussi unanime. « Si on veut attirer les entrepreneurs, il faut absolument accélérer la décontamination des sols dans l’Est. Ce n’est pas 75 M $ que ça prend, mais des centaines de millions de $, sinon on y arrivera pas », soutient Carole Poirier, qui fait référence à l’annonce en mars dernier d’une subvention spéciale de Québec accordée à la Ville de Montréal pour la décontamination de sols d’ici 2022.

La députée d’Hochelaga-Maisonneuve, qui dénonce vigoureusement sur la place publique depuis longtemps le manque criant de médecins dans sa circonscription (et dans RDP-PAT), affirme également que l’Est a un grand besoin de réinvestissement dans les infrastructures scolaires et même de nouvelles écoles : « Présentement nous avons des dizaines et des dizaines d’unités préfabriquées dans nos cours d’école car nous n’avons ni argent pour reconstruire ou rénover sérieusement, ni terrain disponible. C’est inadmissible » déclare-t-elle.

Pour Maka Kotto, un autre dossier lui tient particulièrement à cœur : « Je crois qu’il reste beaucoup à faire pour améliorer l’accueil, l’encadrement et l’intégration des familles immigrantes qui arrivent nombreuses dans l’Est de Montréal. Il faut soutenir beaucoup plus les organismes communautaires qui s’occupent de ces gens car leurs moyens sont minimes par rapport à l’ampleur de la mission. D’ailleurs il faudrait lever le moratoire concernant la création d’entreprises d’insertion sociales, nous avons besoin de plus de ce type d’entreprises, pas de les freiner », clame M. Kotto.

Quant à Jean-François Lisée, il croit qu’une bonne façon d’aider à attirer de nouvelles entreprises dans l’Est serait d’alléger le fardeau administratif des entrepreneurs. « Il faut trouver des solutions pour réduire le temps que passent les jeunes entreprises en démarrage à gérer la paperasse administrative, comme par exemple harmoniser certains formulaires avec le fédéral. Il faut être en mode solution avec ces entrepreneurs, et non en mode punition comme c’est trop souvent le cas. Faut revoir comment l’état québécois peut assouplir ses règles administratives face aux nouvelles entreprises », dit-il.

Questionné sur le focus médiatique qu’annonce la prochaine « bataille de l’Est » lors de la prochaine élection provinciale, à savoir si l’intérêt pour le développement de l’Est de la métropole sera plus soutenu et surtout plus durable du côté média, le chef de l’opposition se fait plutôt mordant : « Si le PQ ne rentre pas fort dans l’Est le focus sera court. On voit ce que ça a donné depuis 15 ans avec le désintérêt des libéraux dans l’Est de Montréal, et si jamais la CAQ réussi une percée elle n’aura qu’un seul député. Ça c’est la réalité. »

Chose certaine, il y aura de l’action dans l’Est en septembre.