Photo fournie par l’arrondissement d’Anjou

LES FUSIONS ONT AFFAIBLI L’EST SELON LUIS MIRANDA

Pour souligner le lancement du site EST MÉDIA MONTRÉAL, une douzaine de dirigeants d’organismes et d’élus influents de l’Est de la métropole ont accepté de participer à une importante série d’entrevues exclusives et de partager avec vous leur vision des enjeux et des défis à relever sur le territoire au cours des prochaines années. Cette semaine, le résumé de notre rencontre avec Luis Miranda, maire de l’arrondissement d’Anjou.

Le maire de l’arrondissement d’Anjou, Luis Miranda, rêve toujours, 16 ans après la fusion forcée de 2002, de voir Anjou redevenir une ville à part entière. « Défusionner un arrondissement de Montréal, ce n’est pas une maladie qui va attaquer le système vital de la ville centre. Anjou fonctionnait beaucoup mieux lorsqu’elle était autonome, les projets se faisaient plus rapidement et surtout ça coûtait moins cher aux citoyens. Les fusions ont affaibli Anjou, et affaibli l’Est de Montréal, ça c’est certain », affirme d’entrée de jeu le maire Miranda, élu dans son patelin pour un 8e mandat consécutif en 2017. Rappelons que le gouvernement Charest avait permis aux villes fusionnées de tenir un référendum pour retrouver leur autonomie en 2004, mais que les citoyens d’Anjou n’avaient pas participé en assez grand nombre pour voir leur résultat reconnu alors que seulement 26 % des Angevins avaient exercé leur droit de vote (le minimum était fixé à 35 %), même si 56 % d’entre eux étaient en faveur de la défusion.

Ceci étant dit, Luis Miranda trouve tout de même que l’Est dans son ensemble se porte mieux depuis les cinq dernières années : « L’économie va bien, il semble que plusieurs projets se dessinent et les gens se parlent, ils veulent que ça bouge et que ça se développe. On sent une volonté de relancer l’Est entre nous, de ce côté c’est positif. » Toutefois, il reste très sceptique quant à la capacité d’agir de la ville centre, de Québec et d’Ottawa dans les grands dossiers de l’Est montréalais : «Il ne faut pas oublier que l’Est de Montréal a toujours été l’enfant pauvre de la ville au niveau des infrastructures routières, du transport en commun, et des grands projets de développement. On dit qu’il y a une grande concertation ces temps-ci pour appuyer le développement de l’Est, mais regardez ce qui est arrivé, Molson vient d’annoncer son départ pour la Rive-Sud et on fait tout plein de difficultés avec le dossier de Solargise. Quand ça fait 30 ans que tu entends les gens se prononcer en faveur du développement de l’Est mais qu’il n’y a toujours pas de métro et que la rue Notre-Dame est toujours en ruines malgré nos demandes répétées, il y de quoi avoir des doutes sur la volonté et la capacité réelles des trois paliers de gouvernements d’investir dans l’Est », soutient M. Miranda, qui se dit aujourd’hui carrément « désabusé » de la politique provinciale et fédérale.

Le cas Solargise

Lors de l’entrevue accordée à Est Média Montréal, le maire de l’arrondissement d’Anjou venait tout juste de recevoir un appel de la firme de relations publiques National (mandatée par Solargise) lui demandant si c’était bien vrai que l’administration Plante avait annoncé officiellement vouloir faire du terrain du Club de Golf Métropolitain Anjou un grand espace vert annexé au parc-nature du Bois-d’Anjou. Le maire était dans tous ses états. « On vient de manger une claque. La ville centre a pris une décision ridicule, sans nous en parler et sans jamais avoir vraiment étudié le dossier. Tu ne peux pas faire un parc sur ce terrain qui est une ancienne raffinerie, en plein cœur d’un parc industriel, un terrain décontaminé selon les normes B et C, qui ne peut accueillir aucune construction résidentielle. Ce n’est pas une place pour faire des pique-niques », a-t-il déclaré spontanément. Toutefois, la saga de l’entreprise de panneaux solaires indo-britannique, qui est à la recherche d’un terrain dans le Grand Montréal pour construire une usine évaluée à quelque 2,3 milliards de dollars, se poursuit alors que l’administration Plante affirme aujourd’hui être toujours en pourparlers avec l’investisseur pour une implantation possible sur le site d’Anjou.

Le maire a sauté sur l’occasion pour dénoncer ce qui, selon lui, ne fonctionne pas pour développer les grands projets de l’Est de Montréal : « Les décideurs du centre-ville ne se préoccupent pas des besoins de l’Est. Alors que Coderre appuyait le projet du REM dans l’Ouest, il a durant la même période laissé aller Molson, qui était pourtant intéressée à s’installer sur le terrain du golf à Anjou. Et là Plante veut faire un parc sur le seul terrain restant à Anjou pour accueillir un grand projet industriel, alors qu’elle se targue de faire du développement de l’Est sa priorité. C’est de la poudre aux yeux, il n’y en a pas de vrai plan de développement pour l’Est », clame-t-il.

Luis Miranda tient énormément à ce que le terrain « temporaire » du golf à Anjou demeure à vocation industrielle, puisque ce serait la seule parcelle de territoire à Anjou pouvant accueillir des projets générateurs d’emplois. « Ça prend de l’industrie pour que les gens puissent travailler, acheter des maisons et vivre à Anjou ou dans l’Est, et payer des taxes. On ne peut pas juste faire des grands parcs, surtout dans des zones qui sont déjà prévues pour l’activité industrielle. Anjou a besoin de ce potentiel de développement, c’est primordial pour la vitalité de l’arrondissement », dit-il.

Le terrain de l’actuel golf aurait fait l’objet, avant l’arrivée de l’ancienne raffinerie, d’un dévégétalisation complète alors que même la terre aurait été enlevée. « S’il y a du vert sur le golf c’est que c’est plein d’engrais et que c’est arrosé quotidiennement en pompant la nappe phréatique. Il n’y a plus de terre là et c’est maintenu vert de peine et de misère. Et on veut y faire un parc? Dans une zone industrielle où passent plus de 15 000 camions par jour? Vraiment, c’est un non-sens. »

Le métro : la priorité pour l’Est

Si le maire d’Anjou n’avait qu’un seul projet à réaliser d’ici les cinq prochaines années, ce serait le développement du métro sur l’ensemble du territoire de l’Est. « Je crois qu’il faut régler une fois pour toutes le problème de mobilité et ça passe surtout par le métro. Je sais que le gouvernement Couillard a annoncé le prolongement de la ligne bleue, mais comme ça fait 30 ans que l’on reporte continuellement le projet, je vais attendre de voir la première pelletée de terre avant de crier victoire », soutient M. Miranda. Ce dernier ajoute qu’il est aussi d’accord avec la ligne rose proposée par Projet Montréal.

Un autre projet qui devrait être réalisé dans un avenir rapproché serait la réfection complète de la rue Notre-Dame, selon le maire. « C’est urgent. En fait ça fait 20 ans que toutes les études démontrent que cette artère est inefficace tant pour le transport de marchandises provenant du Port de Montréal que pour la mobilité des citoyens. Le développement de l’Est devra aussi passer par la rue Notre-Dame, l’un ne va pas sans l’autre », soutient-il.

L’avenir d’Anjou

Luis Miranda a beaucoup de difficulté à accepter les nouvelles règles du jeu depuis qu’Anjou n’a plus le statut de ville. Anjou ne cesse de régresser dans un Montréal de plus en plus centralisé selon lui. « Avant ça ne dérougissait pas de projets et de demandes de promoteurs à l’hôtel de ville d’Anjou. Aujourd’hui c’est beaucoup, beaucoup plus calme, on dirait que l’arrondissement est moins attrayant pour les gens d’affaires et les développeurs », affirme-t-il. Il explique cette situation en partie par la lourdeur administrative de la Ville de Montréal : « tous nos petits projets deviennent compliqués à réaliser. Ce qui prenait un an avant en prend 3 ou 4 maintenant. »

Est-ce que l’avenir d’Anjou repose sur une défusion? « Absolument! La fusion a été une erreur. Elle a coûté très cher aux Angevins qui ont moins de services aujourd’hui. La ville centre pompe ici 110 millions de dollars de revenus par année alors que l’arrondissement coûte 70 millions à administrer. On ne peut pas dire que la fusion d’Anjou, tout comme celle de Saint-Léonard et de Montréal-Nord, a été une bonne chose pour l’Est. Je pense que l’Est était plus fort et dynamique avant », conclut M. Miranda, qui est visiblement aussi « désabusé » par l’administration montréalaise.