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HOCHELAGA-MAISONNEUVE : LES ASSISES DU PQ VACILLENT

Il va sans dire, la lutte est extrêmement féroce dans la circonscription, bastion péquiste depuis plus de 25 ans, entre la députée sortante Carole Poirier et le candidat de Québec Solidaire Alexandre Leduc. Ce dernier, qui brigue les suffrages pour une troisième élection consécutive dans le comté, mène de peu dans les intentions de vote depuis déjà plusieurs mois et la tendance semble se maintenir d’après les récents sondages. Les libéraux et les caquistes, eux, sont loin derrière.

Féroce, la campagne l’est sur le plan des idées et sur la présence des candidats dans le secteur, mais pas sur le plan des attaques personnelles. Les deux candidats, rencontrés par Est Média Montréal, ont plutôt chacun eu des mots polis pour leur adversaire, tout en changeant très rapidement de sujet…

QS mise gros sur Alexandre Leduc

Un simple coup d’œil au local électoral de Québec Solidaire sur la rue Ontario, un peu plus à l’ouest de celui de Carole Poirier, et on remarque rapidement que la machine est cette fois bien huilée, que les bénévoles sont nombreux et que ce n’est pas le fruit que d’un travail local. On sent « le national » derrière et le parti mettra visiblement beaucoup d’énergie pour faire élire son candidat, qui avait d’ailleurs fait bonne figure en 2014 récoltant 30,57 % des votes, à seulement un peu plus d’un millier de voix de la victoire.

L’historien de formation, qui avant la campagne occupait un poste permanent au service de recherche de la FTQ, fait partie des tout premiers militants de Québec Solidaire. « La plateforme du parti représente en quelque sorte la synthèse de mes valeurs. Je suis à titre d’exemples autant écologiste qu’indépendantiste, je veux une meilleure justice sociale et une plus grande égalité homme-femme. Québec Solidaire est la seule formation politique qui offre un programme solide à tous ces niveaux, notamment », affirme le nouveau papa d’une fillette de 10 mois, et résident du quartier depuis 11 ans maintenant.

Sa vision locale

Le candidat de Québec Solidaire a annoncé plusieurs engagements locaux ambitieux depuis le début de la campagne, à l’instar de son parti sur la scène nationale. Parmi ceux-ci, soulignons celui de mettre sur pied un projet-pilote pour le CLSC d’Hochelaga-Maisonneuve qui offrirait des soins 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Lorsqu’on lui fait remarquer qu’il y a pénurie de médecins dans le quartier depuis plusieurs années et que ce sera certainement difficile à réaliser comme engagement, le candidat rétorque que « c’est possible de modifier les règles du jeu d’attribution des nouveaux médecins dans le secteur et que les soins peuvent aussi être donnés par des infirmières spécialisées à qui il faudrait donner plus de responsabilités, plus de pouvoir pour diagnostiquer et traiter des cas légers. »

Par voie de communiqué, Alexandre Leduc s’est aussi engagé à ce que « chaque enfant ait accès à une école saine dans le quartier. » Il a toutefois expliqué à Est Média Montréal que cette promesse ne se ferait pas du jour au lendemain. « Nous pourrons y arriver grâce à un investissement de 1,6 milliard de dollars annoncé par QS pour la rénovation et l’agrandissement d’écoles. C’est une priorité pour Hochelaga-Maisonneuve qui est cruellement affecté comme tout le monde le sait maintenant par la vétusté de ses infrastructures scolaires. Croyez-vous que si le même problème touchait Ville Mont—Royal ou Saint-Lambert il perdurerait autant que dans Hochelaga? J’en doute… », soutient le candidat.

Autre engagement local d’importance : le financement de plus de 1 000 logements sociaux dans le quartier, notamment via des coopératives d’habitation. À ce sujet, M. Leduc précise que « cela demandera une enveloppe spéciale pour la décontamination de terrains dans l’Est et que c’est surtout des unités assez grandes pour accueillir des familles qu’il faudra prioriser. »

Les deux autres promesses mises de l’avant par le candidat pour Hochelaga-Maisonneuve est celle du parti d’augmenter à 15 $ le salaire minimum, et d’utiliser au moins 40 % du budget discrétionnaire du député pour créer une enveloppe participative et appuyer des projets choisis par et pour les citoyens du comté (comme le fait Gabriel Nadeau-Dubois dans Gouin). Concernant le 15 $ de l’heure, il faudrait dans le même ordre d’idée ajouter dans ce cas la promesse des solidaires de rendre gratuits les soins dentaires et les frais de scolarité jusqu’à l’université.

Est-ce qu’Alexandre Leduc se prépare à prendre le chemin vers Québec? « Je me concentre sur ma campagne et ne prends rien pour acquis. Mais c’est sûr qu’en même temps, il faut que ma famille et moi on se prépare à l’éventualité d’une nouvelle vie si je suis élu, et pour le moment ça augure bien. C’est je l’avoue stressant, mais c’est très stimulant aussi. »

Carole Poirier en mode dynamo

La députée sortante et ancienne attachée politique de Louise Harel est reconnue entre autres pour sa grande énergie. Et elle en démontre beaucoup depuis le début de la campagne avec ses nombreux vidéos et sa participation à plusieurs rassemblements partisans dans le Grand Montréal, quand elle ne défend pas les idées du parti sur la scène nationale. Lors de l’entrevue avec Est Média Montréal, elle était solidement enrhumée, mais se disait tout de même prête pour un important débat en fin de journée sur les ondes de Radio-Canada à l’émission 24/60.

« J’ai toujours fait ça, moi il faut que ça bouge, que ça avance. Je suis une fille d’action et je pense que c’est pour ça que les gens d’Hochelaga-Maisonneuve m’ont fait confiance ces dix dernières années », affirme la candidate péquiste qui est politiquement active dans le quartier depuis 27 ans, elle aussi mère de famille et résidente du quartier depuis sa jeunesse.

Au coude à coude avec Québec Solidaire, et pour la première fois sérieusement menacée de perdre ses élections, Carole Poirier demeure toutefois très confiante et ne démontre nullement d’inquiétude à ce sujet : « Je mène une bonne campagne et je ne sens pas sur le terrain que le PQ est en perte de vitesse. J’ai même l’impression que les électeurs sont plus à l’écoute de ce qu’il y a réellement dans notre programme et ils s’aperçoivent que c’est beaucoup plus réaliste que ce que Québec Solidaire propose. Plus la campagne avance, plus je suis persuadée que nous gagnerons. »

Ce qu’elle propose pour le quartier

Mme Poirier a collaboré de très près au programme du PQ pour l’Est de Montréal (le seul parti qui a officiellement développé une plateforme électorale spécifique pour cette région), et parmi les engagements majeurs qui toucheront particulièrement Hochelaga-Maisonneuve, elle tient à mettre de l’avant tout d’abord celui du transport et de la mobilité. « Le grand déblocage, le programme du PQ pour désengorger le Grand Montréal de milliers d’automobiles et augmenter la fluidité des déplacements, est absolument essentiel pour l’Est. Tous les projets de développement de l’Est de Montréal touchent de près ou de loin à l’amélioration de la mobilité, et ça passe entre autres par le prolongement du SRB Pie-IX vers le centre-ville, par un tram faisant le lien entre la station projetée Anjou et celle de Radisson jusqu’à la Pointe-de-l’Île, des autobus rapides sur le boulevard Saint-Jean-Baptiste et le prolongement du train de l’Est avec deux nouvelles gares à L’Assomption et à Joliette. Je sais que tout ça est pour l’Est dans son intégralité, mais cela va avoir tellement d’impact pour Hochelaga-Maisonneuve que c’est un dossier très local finalement », explique-t-elle.

Autre engagement du PQ qui touche tout l’Est mais qui interpelle la population du quartier : la décontamination de sols. Comme à peu près tous les partis, le PQ en fait une de ses priorités pour cette élection. « Oui pour permettre d’accélérer la construction résidentielle, en particulier pour le logement social, mais aussi pour revitaliser des zones industrielles qui pourraient accueillir à nouveau des industries légères et créer des emplois, comme dans le pôle L’Assomption par exemple. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut injecter beaucoup plus d’argent que ce qui a été annoncé ces dernières années pour décontaminer les terrains dans l’Est car les projets vont certainement continuer à stagner dans le secteur si on ne le fait pas», affirme la candidate péquiste.

Concernant le dossier de la vétusté des infrastructures publiques dans Hochelaga-Maisonneuve, la députée sortante en a déjà fait l’un de ses chevaux de bataille depuis déjà plusieurs années. Elle a d’ailleurs été impliquée très étroitement aux demandes répétées de fonds d’urgence pour rénover les écoles Baril et Très-Saint-Nom-de-Jésus et continue de dénoncer les méthodes d’attribution des budgets d’infrastructures à la CSDM. «Les paramètres d’analyse pour les priorités sont basés sur les données de la carte d’assurance-maladie qui sont déjà cinq ans en retard et ne tiennent jamais compte des projets de développement des arrondissements, par exemple. Comment voulez-vous prévoir les besoins en terme de places dans une école quand les données ne sont pas à jour et qu’on ne prévoit pas les nouvelles unités de logements qui se bâtissent dans un secteur. Ça n’a pas de bon sens et c’est pour ça que même les écoles rénovées débordent. Regardez Baril, c’est le meilleur exemple.», soutient Carole Poirier, qui ajoute que « c’est plus de 3 milliards de dollars qu’il faudra trouver pour rénover les écoles des grands centres, surtout à Montréal et à Québec. »

Toujours au niveau des infrastructures, elle ajoute qu’il faudra aussi s’occuper des CHSLD dont certains « tombent littéralement en ruines », dit-elle, faisant référence surtout à la résidence Nicolet (anciennement Maison-Neuve) qui possède la pire cote de vétusté (E) du ministère, mais qui est toujours en fonction. « Nous manquons cruellement de CHSLD dans le secteur et ils sont vieillissants. Malgré tout le ministre Barrette a annoncé tout récemment que le CHSLD Notre-Dame de Lourdes sur Pie-IX, avec ses 162 lits, allait fermer. C’est inadmissible. Moi, ce que j’aimerais, c’est qu’on modernise ce bâtiment et qu’on en fasse un projet-pilote qui accepterait d’accueillir les conjoints des malades, quand c’est possible et souhaitable de ne pas séparer les personnes. Et qu’on reconstruise la résidence Nicolet », clame-t-elle.

Un autre projet d’infrastructure, mais d’un tout autre ordre, stimule les ambitions de Carole Poirier. Il s’agit de la construction de nombreuses unités de chambres dans le secteur ouest d’Hochelaga. « Il y a un projet actuellement sur lequel j’ai travaillé qui me tient particulièrement à cœur, c’est le développement d’un réseau de maisons de chambres. Il y a un grand besoin pour des chambres disponibles à la semaine ou au mois, sans trop d’encadrement formel et bien entretenues, abordables. C’est une solution qui aiderait grandement à diminuer le nombre de sans-abris dans le secteur, et le fédéral semble intéressé à contribuer au projet actuellement. Faudrait continuer ce travail là », affirme Mme Poirier.

Médecins et CLSC

La candidate du PQ est très insistante depuis plusieurs années et met beaucoup de pression sur le gouvernement libéral pour pallier au manque chronique de médecins dans Hochelaga-Maisonneuve, sans véritable succès toutefois. « C’est un manque de volonté de Barrette, ça tient malheureusement qu’à ça. Un ministre de la santé peut cibler des zones plus restreintes pour la venue des nouveaux médecins. Actuellement, les nouveaux médecins qui sont attitrés dans notre zone choisissent de pratiquer dans les hôpitaux Maisonneuve-Rosemont et Santa-Cabrini, alors qu’on devrait les obliger à venir en clinique ou au CLSC. Ça pourrait se faire », soutient-t-elle, en ajoutant que « actuellement c’est impossible de voir un médecin dans le quartier sans rendez-vous. Si vous appelez à Bonjour-santé, on va vous référer systématiquement à des dizaines de kilomètres d’Hochelaga-Maisonneuve, un des quartiers les plus défavorisés de Montréal, c’est inadmissible. »

Elle propose également comme piste de solution, tout comme Québec Solidaire, une plus grande accessibilité au CLSC du secteur, mais de 9h à 21h au lieu de 24/7, qui selon-elle est impossible. « Ça va prendre des médecins, mais aussi des infirmières spécialisées. Je suis d’accord que les infirmiers et les infirmières devraient avoir plus de pouvoir pour soigner des cas bénins sans devoir attendre le diagnostic d’un médecin. C’est du gros bon sens. »