Photo fournie par la CSPI

LE MANQUE DE TERRAINS COMMENCE À INQUIÉTER LA CSPI

Pour souligner le lancement du site EST MÉDIA MONTRÉAL, une douzaine de dirigeants d’organismes et d’élus influents de l’Est de la métropole ont accepté de participer à une importante série d’entrevues exclusives et de partager avec vous leur vision des enjeux et des défis à relever sur le territoire au cours des prochaines années. Cette semaine, le résumé de notre rencontre avec Miville Boudreault, président de la Commission scolaire de la Pointe-de-lÎle.

À l’instar des autres commissions scolaires du Grand Montréal, celle de la Pointe-de-l’Île a vu sa clientèle augmenter considérablement ces deux dernières décennies et la capacité d’accueil de ses infrastructures approche maintenant du point de saturation. « Nous avons été très proactifs durant cette période pour agrandir nos écoles primaires et secondaires, mais là ce n’est plus possible de le faire. Nous serions déjà en mesure de construire de nouvelles installations mais il y a très, très peu de terrains disponibles sur le territoire, ou bien ils sont contaminés », explique Miville Boudreault, président de la commission scolaire présente dans les arrondissements d’Anjou, RDP-PAT, Montréal-Nord, Saint-Léonard, et dans Montréal-Est.

Signe de la grande vitalité démographique du secteur, la clientèle étudiante de la CSPI est donc en constante évolution depuis plusieurs années, et le phénomène s’est récemment accéléré avec l’arrivée massive des migrants venus s’installer en bonne partie dans l’Est de l’Île. « L’Est de Montréal est l’endroit où il en coûte le moins cher pour se loger et où les organismes communautaires sont les plus présents, donc c’est tout à fait normal que nous soyons en quelque sorte un territoire d’accueil pour eux. Par exemple, l’an dernier nous avions planifié une augmentation de 700 à 800 élèves comparativement à 2016, alors que nous avons eu plus de 2 000 nouveaux jeunes», soutient M. Boudreault, qui s’attend à ce que la croissance de la clientèle se poursuive dans les prochaines années en lien avec le développement immobilier que connaît présentement le territoire et l’arrivée continue de nouveaux résidents issus de l’immigration, dont les familles sont également plus nombreuses que la moyenne nationale.

Selon le président, le manque d’infrastructures qui s’annonce pour la CSPI est toutefois bien connu des différents paliers de gouvernement et les solutions devraient au fil des prochaines années se manifester : « Je crois que nous communiquons bien, et que surtout nous évaluons bien nos besoins d’infrastructures. Il y a un consensus entre les décideurs de l’Est pour assurer le bon fonctionnement de la CSPI et nous sommes déjà en mode solution. Il y aura certainement des annonces pour de nouveaux bâtiments bientôt, c’est inévitable. » Dans le même ordre d’idées, M. Boudreault espère que la problématique des infrastructures scolaires sera l’un des enjeux de la présente campagne électorale et que les partis s’engageront à accélérer la construction et la rénovation d’écoles primaires et secondaires dont plusieurs à Montréal connaissent de sérieux problèmes de dégradation. « L’autre problème de l’Est qu’il faut absolument que les partis abordent sérieusement, c’est la mobilité via le transport collectif. Dans quelques cas pour nos élèves, je pense à l’école de perfectionnement Amos par exemple, c’est presque catastrophique. De P.A.T. à Montréal-Nord, ça prend une heure et quart en autobus pour s’y rendre. Ç’est absurde », ajoute-t-il.

Vétusté : la CSPI fait bonne figure

Si Hochelaga-Maisonneuve et Rosemont ont défrayé les manchettes récemment concernant de sérieux problèmes de vétusté dans leurs écoles, propriétés de la CSDM, il en a été pourtant peu question plus à l’Est. Avec notamment ses 40 écoles primaires et sept secondaires, cinq écoles spécialisées et dix centres d’éducation des adultes et de formation professionnelle, la CSPI aurait pu également connaître certains problèmes majeurs causés par le manque d’entretien de bâtiments vieillissants. Selon Miville Boudreault, si la commission scolaire s’en tire aussi bien de ce côté, c’est justement à cause du soin particulier et historique que l’administration a toujours porté à la maintenance de ses infrastructures : « Même si notre parc immobilier est moins vieux que le centre montréalais, la CSPI a toujours beaucoup investit dans, par exemples, la réfection de toitures, les portes et fenêtres, les installations sanitaires, etc., pour éviter notamment les problèmes de moisissure. Je ne compte plus le nombre de résolutions à ce sujet que j’ai appuyées depuis mon arrivée à la commission scolaire », affirme celui qui a été commissaire dès 2003 et président depuis 2014. Il est vrai que la CSPI est souvent citée en exemple pour l’entretien assidu de ses infrastructures par le Ministère de l’éducation.

Toutefois l’âge de certains bâtiments d’une cinquantaine d’années commence tout de même à se faire sentir avec plus d’insistance et demandera bientôt des investissements majeurs en rénovation. « Comme toutes les commissions scolaires d’envergure, ça nous rattrape et Québec devra continuer dans les prochaines années à octroyer des budgets spéciaux en ce sens. On verra ici comme ailleurs des écoles être rénovées de fond en comble. Mais je ne crois pas que nous aurons à fermer des établissements pour cause de vétusté d’ici là, nous n’avons pas ce type d’urgence », explique le président.

L’Est se « multiculturalise »

La clientèle de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île, selon son dirigeant, « est un microcosme qui reflète la diversité culturelle de Montréal. » On évalue que dans une grande partie des établissements de la CSPI, entre 80 % et 90 % des élèves seraient issus d’une première ou d’une deuxième génération d’immigrants. Ainsi, les quelque 44 200 élèves actuels du réseau sont principalement des enfants d’immigrants, dont la communauté la plus représentée est celle d’origine haïtienne, suivi par la communauté maghrébine, et par une foule d’autres nationalités. « Quand on réalise que nous avons sur notre territoire plusieurs écoles primaires de plus de 1 000 élèves et la plus grande école secondaire publique au Québec, Antoine-de-Saint-Exupéry qui compte près de 2 500 jeunes, et que ces établissements sont très majoritairement composés d’enfants provenant de l’immigration, on constate que le portrait de l’Est a évolué considérablement ces dernières années. L’Est se transforme, la métropole se transforme et c’est une richesse que nous devons continuer de cultiver », affirme M. Boudreault.

La CSPI a donc un rôle particulièrement important à jouer pour l’intégration et la francisation des jeunes arrivants. C’est pourquoi elle est la commission scolaire qui, par élève, se voit octroyer la plus importante enveloppe budgétaire au Québec pour l’encadrement de ces derniers. On parle ici de plus de 80 classes d’accueil en 2017, ce qui est énorme pour un territoire comme la Pointe-de-l’Île. Même si le temps pour décrocher un diplôme est évidemment plus long pour les élèves qui doivent passer par une classe d’accueil, la CSPI connaît du succès malgré tout à ce niveau…

Réussite scolaire : la CSPI en forte progression

L’Est de Montréal est la région la plus défavorisée de l’Île en terme de données socio-économiques. Le taux de pauvreté et le niveau de scolarité sont plus bas qu’ailleurs et la réussite scolaire est un très grand défi pour les commissions scolaires présentes dans l’Est, particulièrement pour la CSPI qui couvre la plus grande partie du territoire.

Qu’à cela ne tienne, le taux de diplomation et de qualification est passé de 57,5 % en 2009 à… 70,4 % en 2015. Un bond de géant. Pour la même période, la CSDM a progressé de 69,5 % à 73 %. « Les employés de la CSPI sont particulièrement fiers de ces résultats car malgré une grande concentration d’élèves issus de milieux défavorisés, nous commençons à atteindre des taux de diplomation aussi élevés que d’autres territoires, et notre taux de décrochage est significativement en baisse. La côte était grande à monter, mais nous l’avons gravi tous ensemble, c’est une très grande réussite selon moi », affirme M. Boudreault.

Formation professionnelle et services aux entreprises

La CSPI, qui compte sur son territoire plusieurs parcs industriels, est l’une des commissions scolaires qui offrent le plus d’opportunités en formation professionnelle au Québec avec ses 40 programmes. Elle possède certaines exclusivités nationales et régionales, dont le Centre de formation des métiers de l’acier, à Anjou, et l’École hôtelière de Montréal Calixa-Lavallée, à Montréal-Nord. « La formation professionnelle a toujours été extrêmement importante pour l’Est de Montréal, nous sommes entourés d’industries très diversifiées. C’est un secteur qui doit évoluer et travailler avec son environnement, et on continue à le faire quotidiennement. La formation professionnelle est un créneau naturellement important pour la CSPI », explique son président.

Quant au Centre de services aux entreprises, populaire auprès des entreprises de l’Est mais qui pourrait l’être davantage selon M. Boudreault, il a la particularité et l’avantage d’être très flexible : « Quand on reçoit une demande pour un besoin de formation particulier, c’est extrêmement rare que nous ne trouvons pas une solution pour l’entreprise. Généralement nous allons réussir à donner la formation, ou nous allons diriger l’entreprise vers les bonnes ressources », dit-il. Cet établissement est également de plus en plus sollicité pour la reconnaissance d’équivalences, surtout auprès des nombreux immigrants sur le territoire qui arrivent avec des formations bien sûr acquises dans leur pays d’origine.