Photo : EMM

LA FIERTÉ EST LÀ. LE DÉFI C’EST DE L’AMENER À L’ACTION – Chantal Rouleau

Pour souligner le lancement du site EST MÉDIA MONTRÉAL, une douzaine de dirigeants d’organismes et d’élus influents de l’Est de la métropole ont accepté de participer à une importante série d’entrevues exclusives et de partager avec vous leur vision des enjeux et des défis à relever sur le territoire au cours des prochaines années. Cette semaine, le résumé de notre rencontre avec Chantal Rouleau, mairesse de l’arrondissement Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

La mairesse de RDP-PAT, qui en est à son troisième mandat, a su résister haut la main à la vague de Projet Montréal en 2017 en récoltant près de 60 % des votes tout en assurant pour le parti Équipe Coderre (aujourd’hui Ensemble Montréal) cinq sièges de conseillers sur six. Toutefois reléguée dans l’opposition, elle a accepté peu après l’élection municipale de briguer les suffrages de nouveau lors de la prochaine campagne provinciale, cette fois sous les couleurs de la CAQ qui espère bien faire une percée dans l’Île de Montréal en ravissant le château fort péquiste de Pointe-aux-Trembles. « La porte s’est ouverte lorsque Nicole Léger (PQ) a pris la décision de se retirer de la vie politique. Je me suis dit que le moment était tout indiqué pour tenter ma chance avec un parti solide et que c’était probablement la plus belle opportunité pour moi de continuer à pousser pour le développement de l’Est de Montréal. Chose certaine, ce n’est pas un loisir pour moi d’aller en campagne électorale », affirme la mairesse, qui avoue du même souffle qu’elle n’aurait pas fait le saut si Équipe Coderre avait pris le pouvoir « car j’aurais certainement pu faire avancer les dossiers dans l’Est, du moins ceux que je juge essentiels. »

Est-ce que l’Est, en 2018, se porte bien selon elle? « Psychologiquement oui, car notre vision collective est plus claire aujourd’hui. On voit les choses qui sont à faire et nous savons comment les faire. Ce qui a changé ces dernières années c’est que l’Est a une nouvelle prestance. Au lieu d’avoir le dos un peu courbé, on a les épaules droites et on regarde en avant. On prend les choses en main et on y va, on fait les choses. » Mme Rouleau ajoute que cette prestance nouvelle est due en grande partie à la mobilisation sans précédent de tous les acteurs de l’Est « qui veulent réellement travailler ensemble pour amener le territoire ailleurs… et particulièrement dans le 21e siècle. »

Un des déclencheurs importants de cette mobilisation selon la mairesse fût la mise à nue, dès le début de son premier mandat, de la collusion entourant de nombreux contrats de voirie dans son arrondissement. « Il faut se rappeler que la Commission Charbonneau a pris naissance ici en quelque sorte. Ce fut d’après-moi la fin d’une période trouble et noire pour RDP-PAT et après nous avons pu reprendre les rennes. Nous nous sommes remis en mode développement, et avons repris notre place importante, notre rôle, dans l’Est de Montréal. La mobilisation dans l’ensemble du territoire s’est solidifiée à peu près à ce moment-là », soutient Mme Rouleau.

La priorité au transport

Le principal problème qui handicape tout l’Est de l’île actuellement, et qu’il faut régler à tout prix, est le piètre réseau de transport collectif selon Mme Rouleau. « Ça fait des années que le problème est archi connu, dans la Pointe-de-l’Île en particulier, et quand on pense à tous les efforts gigantesques que nous avons dû faire pour amener la ligne d’autobus 81 sur Saint-Jean-Baptiste par exemple, c’est presque décourageant. On fête, on sort les feux d’artifices pour une ligne d’autobus, alors que nous avons tellement besoin de plus d’infrastructures », clame celle dont le tout premier discours politique portait justement sur l’importance de cette ligne d’autobus.

Tout le développement socio-économique de l’Est de Montréal se bute selon la mairesse au problème de transport. « Si on veut attirer des entreprises et des nouveaux résidents, il faudra améliorer le transport collectif. C’est dans un premier temps ce qui nous désavantage par rapport à toutes les régions voisines, ensuite ce sont les terrains contaminés. Mais avant tout, c’est définitivement la mobilité qui est à travailler sur notre territoire », soutient-elle.

Lors de l’entrevue avec estmediamontreal.com, Chantal Rouleau n’avait pas encore de plan à annoncer pour aider à soulager le problème de transport. Mais à la mi-juin dernier, la CAQ s’est engagée officiellement, si elle est portée au pouvoir, à prolonger le Réseau express métropolitain (REM) vers la Pointe-de-l’Île et à implanter un tramway toujours de cet endroit jusqu’au centre-ville, probablement longeant la rue Notre-Dame qui ferait alors l’objet d’un important plan de modernisation. La ligne bleue, de même que le SRB Pie-IX, seraient maintenus.

Mûrs pour de grands investissements

L’Est de Montréal abrite depuis l’après-guerre environ 25 % du territoire industriel de l’Île, et selon Mme Rouleau, le temps est arrivé pour que Montréal investisse dans sa revitalisation. « Tout le monde le sait, l’Est a perdu de nombreuses industries ces dernières années, et ça se poursuit avec le départ annoncé de Molson. Maintenant il faut décontaminer ces immenses terrains et profiter de l’occasion pour redéfinir l’avenir industriel, commercial et résidentiel de l’Est », soutient-elle.

Cette transformation demandera inévitablement d’immenses investissements de la part de tous les paliers de gouvernement affirme Chantal Rouleau. Selon elle, pour attirer les investisseurs et les promoteurs dans de grands projets de développement, il faudra que les instances publiques investissent en premier : « dans toutes les infrastructures de transport et dans la décontamination de sols, bien sûr, mais aussi et probablement dans des programmes incitatifs pour créer, par exemple, de nouveaux pôles d’expertise. C’est là que la mobilisation des acteurs va être déterminante car les défis qui s’en viennent vont être énormes, il faudra se serrer les coudes et travailler ensemble pour faire converger les investissements aux bonnes places. »

RDP-PAT en transformation

Est-ce que les Montréalais ont une opinion juste de ce qu’est aujourd’hui la Pointe-de-l’Île? « Il reste du travail à faire. Pour plusieurs l’Est de Montréal arrête à Pie-IX, mais il y a au moins 300 000 personnes qui vivent l’autre bord. Je crois que pour bien des gens l’Est est encore perçu comme une zone dortoir, un peu plate et industrielle, mais c’est tellement autre chose, surtout aujourd’hui. La qualité de vie s’est beaucoup améliorée et, encore une fois, c’est la mobilité déficiente qui empêche les gens du centre et de l’ouest de prendre le pouls des arrondissements de l’Est », de dire Mme Rouleau. Et avec un sourire en coin, elle ajoute que la vieille perception que ça sent encore les raffineries dans l’Est, « c’est malheureusement coriace, même si ça fait des années que le problème est réglé. »

RDP-PAT, le plus grand arrondissement montréalais avec ses 43 km2 aurait, toujours selon sa mairesse, le plus haut potentiel de développement résidentiel, commercial et industriel à Montréal, grâce surtout aux nombreux espaces disponibles, mais aussi à certaines opportunités à saisir : « Le territoire se développe et attire de nouveaux résidents, mais les commerces et les services de proximité, par exemples, ne suivent pas. Pourtant il y a beaucoup de belles occasions et surtout de la demande de la part des résidents pour les commerces de proximité. C’est un secteur d’investissement que nous tentons de stimuler actuellement. » La construction ou l’agrandissement d’écoles serait également un défi qu’il faudra relever ces prochaines années dans RDP-PAT, qui continue d’ailleurs intensément à moderniser, voir créer, de nombreuses places publiques comme nulle part ailleurs à Montréal (Plage de l’Est, Belvédère du Vieux-Pointe-aux-Trembles, Place Saint-Joseph, Espace Rivière, etc.). Quant aux projets résidentiels, s’ils sont nombreux, les grands complexes eux se font rares : « C’est vrai que l’on parle surtout de bâtiments de moins de six étages ici, mais c’est parce qu’il y a un marché pour ça dans l’arrondissement. Les résidents qui viennent s’installer dans le coin recherchent un environnement qui se rapproche plus de la banlieue que d’un quartier central urbain », explique Mme Rouleau.

Qu’est-ce qui attend RDP-PAT dans un proche avenir? La mairesse espère que quoiqu’il arrive cet automne (élection provinciale), l’administration Plante poursuive les projets de réfection de la rue Sherbrooke et du boulevard Gouin, ainsi que le projet Espace Rivière : « Ce sont les projets en cours qu’il faut absolument mener à terme », conclut celle qui aura dans les prochaines semaines beaucoup de projecteurs sur elle dans sa lutte contre le candidat vedette du PQ, Jean-Martin Aussant.