8 des 9 membres du Comité directeur de l’initiative D’est en Est et trois élus représentant les 3 paliers de gouvernement, réunis en conférence de presse hier (photo : EMM).

D’EST EN EST : LOUABLE ET QUESTIONNABLE À LA FOIS

C’était une grosse journée hier pour la Chambre de commerce de l’Est de Montréal. Conférence de presse en après-midi à La TOHU pour le lancement du projet « D’est en Est », suivi du gala annuel ESTim qui récompense les entreprises et organisations qui se sont distinguées au cours de la dernière année sur le territoire.

La conférence de presse n’était pas sans rappeler une certaine « Déclaration pour revitaliser l’est de Montréal » lancée en grande pompe en décembre 2018 par la ministre Chantal Rouleau et la mairesse de Montréal Valérie Plante, mais dans une moindre mesure, évidemment. On y annonçait que l’initiative D’est en Est (ce nom veut dire quoi au juste?) en est une de la « société civile qui se mobilise pour accélérer le développement de l’est de Montréal ». Excellent. Le concept : les entreprises et organisations de la région sont appelées à signer un pacte et à s’engager à « réaliser une action (projet ou engagement) qui s’inscrit dans les orientations précédemment décrites (dans la documentation du pacte) et qui respecte les principes de concertation, d’acceptabilité sociale et de respect des communautés de l’est de Montréal au cours des 3 prochaines années ». Intéressant.

On annonce également que ce projet est dirigé par un comité directeur dont les membres sont issus de la société civile (9 personnes, à la tête d’organisations effectivement civiles). Mais dans les faits, le maître d’œuvre semble être la CCEM puisque c’est elle qui finance cette initiative, via près de 1,1 M $ de subventions spéciales provenant presqu’à part égale des trois paliers de gouvernement. Ce qui suscite une autre question d’emblée : peut-on dire que cette initiative vient de la société civile lorsque 100 % de son financement vient des gouvernements? À la conférence de presse d’hier, les prises de parole étaient partagées à 50/50 entre des représentants de la société civile et des élus (le ministre Pierre Fitzgibbon, la députée d’Hochelaga Soraya Martinez Ferrada, et la mairesse de RDP-PAT et responsable des dossiers de l’est à la Ville, Caroline Bourgeois). Généralement, quand on parle de mobilisation de la société civile, on écarte le politique. Mais bon…

Ceux qui espéraient − EST MÉDIA Montréal en fait partie − que le million de dollars servirait à l’organisation d’états généraux dans l’est de Montréal, question de donner la parole justement à tous les acteurs de la société civile sur les besoins et leurs visions du développement du territoire (une mise à jour à ce sujet serait pertinent), seront déçus. Le « Sommet de l’est », annoncé également hier, ne sera en fait qu’une journée où seront dévoilés les engagements pris par les signataires du pacte. Avec l’enveloppe budgétaire sur la table, il y aura aussi quelques autres actions comme une délégation de l’est qui partira pour Ottawa pendant une journée, des rencontres avec des acteurs de l’est pour les inciter à signer le pacte, etc. Et une partie du budget (on ne sait pas l’ampleur) ira dans les coffres de la firme de relations publiques NATIONAL, mandatée par la CCEM dans le cadre de ce projet.

Qu’on me comprenne bien : je trouve l’idée bonne, excellente même, et je salue l’initiative et le leadership de la CCEM dans ce dossier. Jean-Denis Charest, le président-directeur général de la Chambre, a fait un travail colossal pour rassembler d’importantes forces vives autour de ce projet (notamment la Fondation du Grand Montréal, Montréal International, Centraide du Grand Montréal, le CN et autres organisations majeures de l’est de Montréal). Les engagements des signataires du pacte auront certainement un impact positif pour la région, et cela peut amorcer un réel « mouvement » comme le dit son idéateur, qui est en fait le but recherché dit ce dernier. Espérons maintenant que les projets qui sortiront de cette initiative soient de réelles créations des signataires, innovantes, et non pas qu’une continuité de leurs opérations régulières.

Au-delà du fait que je trouve, et c’est une opinion personnelle, que c’est beaucoup d’argent pour une initiative du genre, j’ai aussi la sensation que cela détourne l’attention sur les vrais enjeux de l’est de Montréal. Comme le disait Caroline Bourgeois dans son discours lors de la conférence de presse, on salue l’initiative D’est en Est, mais ça prend un nouvel Hôpital Maisonneuve-Rosemont…

Même si le ministre Fitzgibbon a profité de l’occasion pour dire qu’un fond de 23 M $ dédié à du développement dans l’est sera annoncé en novembre prochain lors de la journée du Sommet de l’est, ça reste « des peanuts », excusez l’expression, pour les besoins de développement territorial de l’est de Montréal, il faut le dire. Ce que l’est de Montréal a besoin, ce sont de vrais investissements, de vrais fonds dédiés à la région. Pas des centaines de millions, on est dans l’ordre de milliards de dollars, seulement en infrastructures. Tous les acteurs de l’est savent cela. Le seul vrai projet d’envergure annoncé depuis 5 ans, c’est le REM de l’est (PSE), qui on l’espère, reviendra sous une forme mieux conçue (la proposition de l’ARTM au gouvernement devrait être déposée en juin prochain). Faudrait arrêter de mettre l’accent sur le SRB Pie-IX et la ligne bleue, qui sont des projets amorcés bien avant l’ère Legault et qui, dans les faits, ne sont que des chantiers entamés et à terminer.

Ce que l’est de Montréal a besoin, c’est un vrai plan de développement de son principal territoire industriel, le SIPI, là où il y a concentration de terrains à décontaminer. Si la Ville de Montréal-Est est capable de présenter une vision moderne, intéressante et porteuse d’avenir pour son développement industriel et urbain, pourquoi la Ville de Montréal tarde autant à le faire? Ce n’est pas elle la signataire de la Déclaration pour la revitalisation de l’est? Et Fitzgibbon a raison quand il dit qu’avant de décontaminer les sols, il faut revoir la vocation des terrains visés, c’est la poule et l’œuf. Les industriels ne sont pas intéressés à « gérer des travaux de décontamination », même si les instances publiques les payent pour eux, c’est ça le problème actuellement avec la décontamination des sols dans l’est. Il faudra que ça se fasse au fur et à mesure que les projets et les changements de vocation des terrains seront annoncés.

Ce que l’est de Montréal a besoin, en plus de ce que qui a été identifié plus haut, c’est du logement, des fonds pour attirer des entreprises vertes, des fonds pour installer les infrastructures publiques dans les secteurs industriels à reconvertir, des centres sportifs et communautaires pour loger notamment et décemment nos organismes. Etc.

Faudrait pas oublier tout ça.


Pour plus de détails sur l’initiative D’est en Est : www.destenest.ca