Avant la Covid-19, en mars dernier, la direction du plus grand complexe muséal en sciences de la nature au Canada annonçait que plus aucune viande ne serait servie dans ses trois aires de restauration dès cet été: au Biodôme, au Planétarium et au Jardin botanique. Ainsi, en temps normal, quelque 2,2 millions de visiteurs, dont 45 % provenant de l’extérieur du Québec, se seraient vu imposer un menu 100 % végétarien, «en lien avec la mission et les valeurs d’Espace pour la vie», dit-on. Bien sûr, l’achalandage sera finalement beaucoup moindre cette saison.

Il faut dire que la tangente des dernières années vers un menu entièrement végétarien à EPV était toutefois presque aboutie en 2018 avec à peine quelques choix non-végés offerts au restaurant du Jardin botanique, tels un sandwich au jambon, au poulet ou encore à l’occasion un menu du jour avec poisson. Quant au restaurant du Planétarium, il était déjà végé depuis au moins l’an dernier, alors que le nouveau qui arrive au Biodôme (réouverture prévue cet automne), sera aussi sans viande. «Nous avions déjà fait le choix assez audacieux en 2013 de changer le menu traditionnel du casse-croûte du Jardin botanique, qui vendait bien sûr des hot-dogs, des frites, etc., pour rehausser la qualité de l’offre vers un menu progressivement plus complet, plus sain et plus local. Ce qui collait beaucoup mieux à notre ADN et aux valeurs du musée», explique Julie Jodoin, directrice Exploitation à Espace pour la vie.

La proposition d’offre alimentaire 100 % végétarienne pour EPV a d’ailleurs été validée à la fois par le conseil exécutif et le conseil municipal de Montréal avant sa mise en vigueur. Elle serait conforme affirme-t-on avec les valeurs et les orientations prises par la ville en matière de transition écologique. «Le resto de l’année dernière au Jardin botanique était environ à 90 % végétarien. Les visiteurs avaient donc déjà suivi ce cheminement là avec nous au fil du temps, du moins les plus réguliers. En général, les gens sont également heureux quand ils voient que nous leurs offrons maintenant beaucoup plus de produits locaux comme la bière Oshlag, de la crème glacée du Bilboquet, etc. La réponse à notre offre alimentaire plus saine, locale, et souvent biologique est, la plupart du temps, d’ailleurs très positive des clients d’EPV», affirme Mme Jodoin.

Un menu sans viande maintenant à Espace pour la vie, mais qui offre aussi des plats qui devraient plaire à la plupart des gens : pizza, grilled cheese, salade, etc.

Un choix qui s’impose, ou un choix imposé?

Si l’intention d’offrir aux 2,2 millions de visiteurs une alimentation saine et en lien avec la mission et les valeurs d’Espace pour vie se défend et s’explique très bien, on peu quand même se questionner sur l’imposition d’un menu 100 % végétarien sans autre possibilité de restauration sur le site de cette attraction touristique, qui est aussi un générateur important de revenus pour la Ville de Montréal. Dans les faits, si vous désirez un autre genre de menu, vous devrez sortir du site pour vous rassasier, car il n’existe aucune autre concession alimentaire sur le terrain que celles d’EPV. À moins que vous apportiez votre propre lunch. «C’est vrai, nous sommes conscients de cela, mais il ne faut pas dramatiser non plus. On s’assure que tout le monde trouve son compte avec nos menus qui offrent par exemple des pâtes, un grilled cheese, de la pizza, etc., des plats qui plaisent généralement à la plupart des gens, même sans viande», soutient Julie Jodoin.

Cette dernière ajoute que la direction d’Espace pour la vie n’est pas ici dans un jugement de valeur, et ne prône pas nécessairement le végétarisme au détriment d’autres comportements alimentaires. «La ligne à retenir, selon moi, c’est d’inviter à la découverte, de venir goûter autre chose, de peut-être différent de la viande mais bon au goût, certainement plus santé que du fast food. D’abattre des frontières même pour certains. Ça fait partie de la mission des institutions muséales de faire découvrir et de stimuler la discussion, et en cela notre choix d’un menu 100 % végétarien est très cohérent avec notre rôle, surtout au Jardin botanique», conclut-elle.