ENTRETIEN AVEC CHRISTINE FRÉCHETTE – LAURÉATE DU PALMARÈS D’EST MÉDIA MONTRÉAL 2024
L’ancienne présidente directrice générale de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM), Christine Fréchette, connaît une ascension des plus fulgurantes au sein du cabinet Legault en occupant aujourd’hui l’intégralité des fonctions du super ministre démissionnaire Pierre Fitzgibbon. Ainsi, la députée de Sanguinet, qui a fait son entrée à l’Assemblée nationale aux dernières élections de 2022 déjà à titre de ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, porte maintenant les titres de ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, de ministre responsable du Développement économique régional et de ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal. Rien de moins, et plus qu’il n’en faut pour s’assurer d’occuper aussi le sommet de notre palmarès 2024 des personnalités les plus influentes dans l’est de Montréal. Nous l’avons rencontré le 4 octobre dernier à ses bureaux du centre-ville afin de discuter de sa nomination, mais surtout de l’est de Montréal.
EST MÉDIA MONTRÉAL : Avez-vous été surprise par votre nomination? Comment avez-vous réagi?
CHRISTINE FRÉCHETTE : Quelques jours avant le départ de M. Fitzgibbon, on m’avait demandé si des fonctions de nature plus économique pouvaient être d’intérêt pour moi. Alors quand le principal intéressé a effectivement annoncé ses intentions, je me suis dit que ça se pourrait que ça bouge, mais je ne connaissais pas qui était sur les rangs. Alors rapidement, lorsque j’étais en direction de Rimouski pour le caucus du parti, on m’apprend que j’ai une rencontre avec M. Legault. C’est là que j’ai compris que je devais être l’une de ceux et celles à qui on proposerait quelque chose, mais je ne savais pas quoi.
L’élément de surprise, c’est que j’étais loin de me douter qu’on allait m’offrir la totalité des responsabilités qu’assurait Pierre. C’était tout un gage de confiance du premier ministre et ça m’a vraiment beaucoup touchée. Je n’ai même pas réfléchi et j’ai tout de suite dit : « Bien, c’est certain que ça m’intéresse. Go, allons-y! »
EMM : Des responsabilités de cette ampleur, rarement vue au Québec, ça ne vous a pas quelque peu effrayé?
CF : Non. Je me sens plutôt privilégiée. Je me suis dit que dans le fond, je vais utiliser tout ce que j’ai acquis dans mon parcours et que je vais donner le meilleur de moi-même pour nous tirer vers l’avant. Je suis aussi entourée de très bonnes équipes dans les ministères, au cabinet et au caucus, alors je me sens bien appuyée.
EMM : Comment fait-on, humainement, pour concilier tout ça?
CF : Au départ, je me questionnais sur la nécessité d’avoir une seule personne pour assurer les responsabilités ministérielles de l’Énergie et de l’Économie. Je me disais que traditionnellement, ce n’était pas le cas. Mais quand je regarde le plan de développement d’Hydro-Québec, quand je regarde les défis qui se posent au Québec en matière de transition énergétique, je me dis que c’est vraiment important que ces deux ministères là soient exactement dans une convergence de vue la plus complète qui soit. Et la manière de l’être, c’est que ce soit la même personne qui assume les deux fonctions parce que notre développement économique va être étroitement tributaire de notre politique énergétique, et inversement parlant aussi.
EMM : Quelle place occupe la métropole dans vos priorités, et en particulier l’est de Montréal?
CF : La métropole, elle est dans mon cœur! L’est de Montréal m’habite encore. J’ai travaillé pour l’est de Montréal presque cinq ans d’arrache-pied. Et je suis heureuse que la CCEM continue de travailler fort pour positionner favorablement l’est de l’île. Un territoire que notre gouvernement a intégré dans sa plateforme, il n’y a pas de précédent à cela. Et même le fédéral s’est prononcé aussi pour la revitalisation de l’est.
La place de la métropole est importante dans mon portefeuille, parce que ça donne un sens à ce que j’ai fait les années antérieures. Ça, pour moi, c’est très valorisant parce que j’avais déjà plusieurs idées en tête qui pouvaient être faites dans l’est. Les acteurs sont mobilisés, et avec le positionnement que j’ai, avec les leviers dont je dispose, je me dis que c’est sûr qu’il y a des trucs qu’on peut mettre de l’avant.
EMM : Quel regard portez-vous actuellement sur l’est de Montréal?
CF : Ma vision s’est élargie par rapport à la CCEM. Lorsque j’étais en poste à la Chambre il y a quelques années, nous nous attardions plus sur des fondements comme les infrastructures de transport, les infrastructures industrielles, de services publics, sur le positionnement du territoire en matière économique, etc. Sur ces différentes notions-là, je pense qu’on est plus loin aujourd’hui, nous sommes ailleurs qu’en 2018, 2019. L’enlignement est pris et il cadre pas mal avec ce qu’on souhaitait comme développement. Là, il faut continuer à mettre le pied sur l’accélérateur et faire arriver ces différents virages, et ces projets qui s’inscrivent dans la transition énergétique et écologique. Qu’on parle de transport structurant, d’économie ou de développement du territoire de l’est en général.
EMM : On a l’impression que le virage, justement, tarde à arriver concrètement. Quelle est votre opinion sur le sujet?
CF : On aimerait tous que les projets se fassent à la vitesse grand V. Mais on le sait et on le répète souvent, la revitalisation d’un territoire comme l’est de Montréal prend des années et des décennies à réaliser. Mais regardons les faits : le prolongement de la ligne bleue est amorcé, le SRB Pie-IX est en fonction, le toit du stade sera reconstruit, l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont aussi, ma collègue et ministre Geneviève Guilbault annoncera très bientôt le plan gouvernemental pour le PSE [Projet structurant de l’est], on décontamine les sols, etc. Il s’en passe des choses dans l’est de Montréal, la machine est partie. Il y a dans les cartons, je le vois au ministère, des projets intéressants qui viendront donner également vie aux souhaits qui étaient évoqués.
Je regarde Montréal-Est, il y a une nouvelle mairesse qui est très active pour positionner la ville dans des nouveaux créneaux. Je regarde du côté de la Société de développement Angus, ils se sont déployés en dehors du quartier Rosemont, notamment à Pointe-aux-Trembles. On rêvait de cela il a peu de temps.
Le focus sur l’est reste toujours là et les ambitions n’ont pas changé. Ça, pour moi, c’est le reflet du bon enlignement de départ qu’on avait il y a presque dix ans.
EMM : Est-ce que le Livre blanc pour un développement économique renouvelé de l’est de Montréal, lancé en octobre 2019 par la CCEM, n’a pas déclenché beaucoup de choses de la part des trois paliers de gouvernement?
CF : Le livre blanc nous avait amené à l’époque à faire beaucoup de représentations gouvernementales, c’est un fait. Et on avait eu une bonne couverture dans les médias. Cela a certainement aidé à créer un momentum. Dans la même période, la CCEM a commencé à organiser des conférences politiques où on interpellait tous les acteurs qui avaient un lien potentiel ou déjà avéré avec l’est de Montréal. Cela avait également beaucoup aidé à mobiliser les décideurs sur les enjeux du territoire et des engagements publics en découlaient.
EMM : Le gouvernement en est où avec l’achat des terrains d’Esso à Montréal-Est? Et dans le même secteur, avez-vous des plans pour aider la chaîne du polyester dont une entreprise maillon a mis la clef sous la porte?
CF : Pour Esso, il y a des démarches. Je ne peux pas révéler la nature de celles-ci, mais je peux confirmer que ça bouge dans ce dossier. Il y a eu des avancées ces dernières semaines.
En ce qui concerne la chaîne du polyester, on en est à analyser la situation, voir quelles sont les options qui s’offrent. Est-ce qu’il y a moyen de récréer la chaîne, est-ce que ça peut fonctionner différemment, est-ce qu’on peut attirer un joueur de remplacement? On regarde tous les scénarios actuellement. Il y a d’autres projets dans cette zone industrielle qui sont aussi dans les cartons. On travaille avec d’autres instances pour essayer de faire aboutir certains projets importants qui vont aussi, on l’espère, amener des emplois intéressants dans l’est de Montréal.
EMM : Des projets, l’est de Montréal en a certainement plusieurs dans le collimateur en ce moment. Avec les fonctions importantes que vous occupez aujourd’hui, croyez-vous être en mesure d’avoir un impact concret dans le plan de revitalisation de l’est montréalais?
CF : C’est sûr que j’ai la capacité de voir des projets économiques qui sont envisagés pour l’est de Montréal ou envisageables. Donc, c’est certain que je vais m’y attarder et j’ai fait savoir que c’était pour moi une priorité. C’est ma volonté et les ministères sont informés. Il y a même des choses qui sont déjà considérées depuis mon arrivée.
Il ne faut pas oublier que les défis de l’est sont aussi dans plusieurs cas des grands enjeux qui relèvent des trois paliers de gouvernement. Ça complexifie la donne. Je vais donc travailler également à rallier l’ensemble des acteurs qu’il faudra rallier. Et s’il faut que je donne un petit coup additionnel, je serai au rendez-vous.