Photos du reportage courtoisie RONA.

LES 55 ANS ET PLUS À LA RESCOUSSE DES EMPLOYEURS

 

Une multitude d’ainés ont investi ou réinvesti le marché du travail au cours des dernières années. On les retrouve entre autres derrière le comptoir-caisse d’une pharmacie, au bout d’une allée d’épicerie ou encore accroupis en train de bichonner des plantes vivaces dans une serre. Et le tout, sourire aux lèvres! Portrait de ces employés et de leurs employeurs, qui entretiennent une relation gagnant-gagnant.

Population de travailleurs composée à la fois de gens qui poursuivent une carrière entamée depuis longtemps ou qui se sont complètement réorientés, les retraités et les personnes âgées de 55 ans et plus expliquent par de multiples raisons leur poursuite ou leur retour en emploi. Pensons à la socialisation, à l’exercice physique léger ou encore au sentiment non négligeable d’être utile à la société. Par contre, si certains le font par plaisir, d’autres y sont contraints par manque d’argent. « Il y a encore une proportion beaucoup trop importante de gens qui retournent travailler pour des raisons purement financières. Certains n’ont pas de régimes privés de retraite ou ont amassé très peu d’économies pour subvenir à leurs besoins », souligne Gisèle Tassé-Goodman, présidente du Réseau FADOQ, anciennement dénommé Fédération de l’âge d’or du Québec.

Dans la vie, des personnes, majoritairement des femmes, font le choix ou non de mettre leur vie professionnelle de côté pour élever les enfants à la maison. Parfois, leur dévouement se prolonge, et elles deviennent alors proches aidantes d’un parent malade. Cette situation a souvent pour effet de rendre précaire le statut économique de ces personnes. N’ayant parfois pas de régime de retraite privé, elles se voient alors forcées de retourner en emploi. « La réalité, c’est que les régimes publics du Québec et du Canada permettent d’obtenir un taux de remplacement de salaire brut préretraite de 41%. Tandis que le taux de remplacement du salaire à la retraite considéré comme assurant une certaine sécurité financière tourne aux alentours de 50% à 70% du salaire brut préretraite », mentionne Gisèle Tassé-Goodman. Organisation rassemblant 550 000 membres, 702 clubs et 16 regroupements régionaux et travaillant entre autres à la défense des droits des ainés, le Réseau FADOQ déplore ce manque à gagner d’aides gouvernementales destinées aux personnes âgées. « Les gouvernements doivent en faire plus pour les soutenir. On pense à la bonification des régimes publics de retraite ou encore à de meilleurs incitatifs fiscaux pour les travailleurs d’expérience. Ces éléments doivent être au rendez-vous », insiste la présidente. « Il y a certains avantages fiscaux déjà présents, comme le crédit d’impôt pour les travailleurs d’expérience et les exemptions de gains au niveau du supplément de revenu garanti, mais ils pourraient être un peu plus généreux, c’est évident. » 

« De l’or en barre »

On ne peut le nier, le marché du travail s’est métamorphosé et l’âgisme continue d’être un facteur discriminant chez certains employeurs, qui hésitent encore aujourd’hui à embaucher des travailleurs d’expérience. Chez Lowe’s Canada, qui opère principalement trois enseignes à travers le pays, soit les magasins Lowe’s, RONA et Réno-Dépôt, on ne fait pas d’âgisme, au contraire! Pas moins de 25% des employés des commerces ont 55 ans et plus. Et de ce nombre, 3% ont 70 ans et plus! Ce sont des statistiques dont l’entreprise est très fière. En effet, elle chérit ces employés qu’elle considère comme motivés, contents, ponctuels, prêts à transmettre leur savoir et à partager leurs expériences de travail et de vie. « Généralement, ce partenariat est vraiment intéressant d’un côté purement financier, évidemment il permet d’arrondir les fins de mois pour plusieurs. Mais pour nous, c’est aussi une population qui vient avec de l’expérience, ce qui a une grande valeur à nos yeux. Par exemple, les jeunes ou moins jeunes qui vont être pairés avec ces gens d’expérience vont vraiment pouvoir approfondir leurs connaissances », indique Nadine Chiasson, directrice nationale en acquisition de talents chez Lowe’s Canada. Aussi, peut-être moins compétitifs que les personnes en début ou en milieu de carrière, les retraités et les personnes ainées vont contribuer à créer une bonne ambiance de travail. « Ces gens souvent ont complété leur carrière, ils ne sont pas là pour compétitionner avec leurs collègues. Ils ont confiance en eux, ils veulent créer de bons liens et aider les gens », constate Nadine Chiasson.

Nadine Chiasson, directrice nationale en acquisition de talents chez Lowe’s Canada.

S’ils sont appréciés une fois embauchés, ils sont parfois difficiles à recruter. Pour y arriver, en plus de miser sur son programme de référence interne, le département des ressources humaines du quincailler affiche les postes disponibles, procède à des envois postaux et assure une présence sur toutes les plateformes d’emploi, puisque les personnes ainées et les retraités se trouvent eux aussi sur les réseaux sociaux de nos jours. « Ce n’était peut-être pas le cas il y a 10 ans, mais aujourd’hui, il y en a plusieurs, donc on est capable de rejoindre une partie de la population de cette façon », note Nadine Chiasson. La compagnie se permet aussi d’approcher d’éventuels employés directement dans ses magasins. « On va aussi à l’occasion faire des approches directes, parce que souvent, ces personnes, si vous leur posez la question, elles diront qu’elles sont d’abord et avant tout clientes chez nous », ajoute la directrice nationale en acquisition de talents. C’est lors d’événements de recrutement ou encore à travers son personnel de gestion sur le plancher que Lowe’s ouvre la conversation, quand les personnes intéressées leur posent des questions.

Relever le(s) défi(s)

Une passion pour l’horticulture peut ainsi se transformer en emploi à temps partiel dans les serres de magasins à grande surface, tout comme une expertise en ébénisterie peut mener à conseiller des clients sur la meilleure façon de travailler le bois. Mais attention! Nul besoin d’être nécessairement expérimenté pour retourner sur le marché du travail. Des compagnies comme Lowe’s offrent des formations à ses employés, peu importe leur âge. « On va s’ajuster. Quand quelqu’un a beaucoup d’expérience sur un élément, on focussera sur d’autres notions avec lesquelles il a moins de compétences ou de connaissances », dit Nadine Chiasson. « Est-ce qu’il y en a qui apprennent moins vite, oui, mais c’est aussi le cas pour des gens de 18 ou 30 ans! »

Pour le Réseau FADOQ, cette phase de l’emploi est cruciale. « Il devrait y avoir une meilleure formation des travailleurs d’expérience. Ce n’est pas parce qu’ils sont demeurés 35-40 ans sur le marché du travail qu’ils n’ont nécessairement pas besoin de formation. Donc, c’est important d’en tenir compte », rappelle Gisèle Tassé-Goodman. « Il faut aussi être capable d’adapter l’horaire de travail, c’est-à-dire qu’il peut y avoir des travailleurs d’expérience qui ont la capacité de travailler seulement 2 ou 3 jours par semaine. »

Que ce soit du côté de Lowe’s ou du Réseau FADOQ, l’embauche de personnes de 55 ans et plus et de retraités est une tendance qui est là pour rester. « J’envisage de très belle façon leur avenir chez nous », se réjouit Nadine Chiasson. « Certains seront juste de passage et d’autres pourront gravir les échelons s’ils le souhaitent, occuper d’autres postes, toucher à autres choses, changer de départements. On ne regarde pas l’âge quand vient le temps d’offrir une promotion! C’est vraiment selon les intérêts des individus. » « Et avec la rareté de la main-d’œuvre, c’est un gros avantage d’aller chercher cette expertise, autant pour les employeurs que pour les employés », renchérit Gisèle Tassé-Goodman.

Encourageant et favorisant le retour au travail pour les ainés qui souhaitent volontairement et sans contrainte se maintenir ou encore réintégrer le marché du travail, le Réseau FADOQ met entre autres à leur disposition des informations au sujet des mesures fiscales et des ressources d’aide à la recherche d’emploi. « On fait aussi des démarches auprès du gouvernement afin de maintenir en place et d’obtenir des mesures favorables aux travailleurs d’expérience. Quand les élus font appel à nous pour faire des recommandations, on se présente en commission parlementaire et en comité permanent des finances », termine la présidente. Alors, en allant au-delà de l’âgisme et en rejoignant les personnes ainées où elles se trouvent, ce sont des employés en or que les employeurs découvriront.