Une partie de l’atelier de l’ÉMAM (photos : EMM).

FORMATION EN AÉROSPATIALE : UN FLEURON MÉCONNU DANS L’EST DE MONTRÉAL

L’École des métiers de l’aérospatiale de Montréal (ÉMAM), située dans le secteur industriel L’Assomption, tout près de la station de métro du même nom, célèbre cette année son 25e anniversaire. Cette école-usine, qui appartient à la CSDM, a été la première du genre à voir le jour au Canada et est encore aujourd’hui la seule au monde à faire partie d’un réseau scolaire public. Sa mission est de former des ouvriers qualifiés et spécialisés capables de répondre aux besoins spécifiques de l’industrie aérospatiale.

Photo fournie par la CSDM.

D’une importance capitale pour l’industrie aérospatiale montréalaise, dont la région occupe d’ailleurs le 3e rang sur la scène mondiale en termes de production manufacturière derrière Seattle et Toulouse, l’école de formation professionnelle demeure pourtant encore méconnue du grand public et fait même face à des difficultés de recrutement alors que son taux de placement est de… 100 %. « L’école est évidemment bien connue dans le milieu de l’aérospatiale, mais il faut maintenant la faire découvrir à beaucoup plus de monde, et surtout il faut passer le message que l’industrie a aujourd’hui des milliers d’emplois très bien rémunérés à offrir et qu’il y en aura près de 40 000 à combler d’ici 2028, ce n’est pas rien », affirmait le nouveau directeur de l’ÉMAM, Éric Dionne, lors de la journée portes ouvertes qui s’est déroulée le 12 novembre dernier. En poste depuis juillet 2019, M. Dionne, un natif du quartier Tétreaultville, assurait auparavant la direction de l’école secondaire Joseph-François-Perrault, dans Saint-Michel.

À noter qu’environ 60 % de la production canadienne en aérospatiale serait effectuée dans la grande région de Montréal où se retrouvent quelque 225 entreprises spécialisées dans ce domaine, embauchant pas moins de 45 000 personnes. Selon les statistiques de l’industrie, un travailleur sur 54 dans la région de Montréal évoluerait dans le secteur de l’aérospatiale.

Sur une capacité de 1 200 élèves, l’ÉMAM en accueille donc actuellement que le tiers, soit environ 400, ce qui est nettement insuffisant pour répondre à la demande de l’industrie. Cette situation serait due en bonne partie par le fait que ce sont plus souvent qu’autrement les mauvaises nouvelles touchant certains secteurs de l’industrie, comme des mises à pied dans une entreprise par exemple, qui font les manchettes alors qu’en général l’aérospatiale dans son ensemble se porte bien depuis de nombreuses années, du moins selon ce qu’affirme la direction de l’école.

Intérieur d’un avion pour les techniques de câblage.

Éric Dionne fait d’ailleurs du recrutement sa priorité numéro un pour les prochaines années. « Il faut faire rayonner l’institution et sortir un peu du cercle traditionnel de l’industrie, rejoindre les jeunes et les gens en réorientation de carrière là où ils se trouvent. Il faut leur faire découvrir tous les avantages et la passion qui caractérisent le secteur de l’aérospatiale, une industrie qui offre des possibilités de carrières exceptionnelles pour encore bien des années à venir », dit-il. Ce dernier projette même de faire un grand happening public bientôt pour souligner le 25e anniversaire de l’ÉMAM en fermant une ou deux rues des alentours afin d’accueillir quelques avions et des hélicoptères dans le cadre d’une exposition qui serait à la fois festive et éducative. « Je travaille là-dessus en ce moment, j’espère que cela va fonctionner, j’ai bon espoir », dit-il.

Éric Dionne, directeur de l’ÉMAM.

Infrastructures impressionnantes

L’architecture du bâtiment, inauguré en 1994 au coût de 31,5 millions de dollars, a été conçue pour familiariser les élèves avec les environnements à la fois d’un aéroport (hall d’entrée et aires d’attente / repos) et d’une usine de fabrication (un vaste atelier équivalant à deux terrains de football). Et il faut avouer que c’est réussi. Mais ce qui impressionne vraiment, c’est définitivement le volet usine, on se croirait sans problème chez Bombardier ou Pratt & Withney lorsque l’on déambule dans le vaste espace consacré à la formation pratique des élèves.

On retrouve sur place des équipements qui valent plusieurs millions de dollars, à la fine pointe de la technologie, et dont une bonne partie provient de dons des partenaires de l’ÉMAM, comme justement Bombardier et Pratt & Withney, mais aussi tous les autres grands joueurs de l’industrie aérospatiale tels Bell Hélicoptère Textron et CAE par exemple. « C’est certain que l’école, la CSDM ou le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur ne pourraient pas assumer les coûts de tous ces équipements, la contribution de nos partenaires est essentielle à ce niveau », explique le directeur. À part les budgets provenant des fonds publics, l’autre source de revenus pour l’école est assurée par les services aux entreprises (dont la formation sur mesure), une partie importante des activités de l’ÉMAM sans quoi l’école ne pourrait probablement pas exister dans le secteur public, compte tenu de ses coûts d’exploitation élevés.

En plus de l’atelier, l’institution possède bien sûr plusieurs salles de classe traditionnelles et autres commodités (cafétéria, salle multimédia, aires administratives, etc.), mais abrite également le siège social du Centre d’adaptation de la main-d’œuvre aérospatiale du Québec (CAMAQ), principal partenaire de l’ÉMAM pour la mise sur pied des programmes d’études et de formation. « L’ÉMAM est reconnue mondialement pour son efficacité et sa pertinence. C’est un modèle unique où le Québec fait figure de précurseur et dont on peut être fier. D’ailleurs, nous avons au moins une visite par mois de délégations étrangères qui viennent étudier notre façon de faire », soutient Éric Dionne.

Parlant de visiteurs étrangers, soulignons du même souffle que l’ÉMAM accueille bon an mal an environ 5 % d’étudiants provenant de l’extérieur du Canada, surtout dans le programme d’usinage. Plusieurs de ces derniers décideront de poursuivre finalement leur carrière au Québec selon la direction de l’école, une tendance qu’aimerait voir grandir l’industrie aux prises avec un manque criant de main-d’œuvre, et un débat d’actualité avec l’incertitude encadrant le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) que tente de revoir présentement le gouvernement Legault.

Perspectives de carrières exceptionnelles

Signe inéluctable que l’industrie est en forte pénurie de main-d’œuvre, pas moins de 25 entreprises étaient présentes lors de la journée portes ouvertes de l’ÉMAM la semaine dernière. Objectif : démontrer que les emplois sont bel et bien disponibles dans le domaine, et courtiser bien sûr certains candidats prometteurs. Plusieurs centaines de jeunes du secondaire avaient d’ailleurs été invités cette journée-là à venir se familiariser avec les opportunités de carrières qu’offre l’industrie.

L’atelier de l’ÉMAM est aussi vaste que deux terrains de football.

Mais ce ne sont pas nécessairement les jeunes qui constituent la clientèle actuelle de l’ÉMAM. Ce sont plutôt les gens en réorientation de carrière qui forment le gros des élèves, dont la moyenne d’âge est d’environ 30 ans. « Il y a beaucoup de gens ici qui viennent du marché du travail, mais qui veulent un meilleur emploi, plus payant, plus valorisant, qui veulent en fait un vrai métier alors qu’ils ont pour la plupart abandonné l’école assez tôt », soutient le directeur. À ceux-là s’ajoutent de nombreux élèves qui évoluent déjà en aérospatiale mais qui viennent suivre des cours de perfectionnement, jumelant travail et études.

Les formations régulières, offertes en français et en anglais, durent selon la spécialité entre 9 et 18 mois seulement. Dès la fin de leur programme d’études, les élèves peuvent immédiatement travailler, pour des taux horaires pouvant atteindre dès le départ les 36 $, pour certains postes. « Difficile de trouver mieux pour une formation de courte durée, selon moi », soutient M. Dionne. Aussi, les élèves peuvent choisir de poursuivre leurs études après leur passage à l’ÉMAM pour décrocher des diplômes de plus haut niveau, comme en ingénierie par exemple.

Si le taux d’emploi est actuellement de 100 % dans le secteur de l’aérospatiale et qu’aucun nuage noir ne semble se définir à l’horizon d’ici au moins les dix prochaines années dit-on dans le milieu, les perspectives seraient encore plus prometteuses pour la gent féminine, qui serait représentée dans l’industrie dans une proportion ne dépassant pas les 10 % actuellement. « Les entreprises aimeraient tellement qu’il y ait plus de filles qui s’intéressent à l’aérospatiale, c’est un souhait de toutes d’en recruter, mais c’est encore difficile de les intéresser. Pourtant, ce ne sont pas nécessairement des emplois très physiques ou typiquement masculins qui sont générés par l’aérospatiale, contrairement à une certaine croyance populaire », affirme M. Dionne. Avis aux intéressées…

Programmes offerts par l’ÉMAM :

  • Montage de câbles
  • Montage de structures
  • Montage mécanique
  • Outillage
  • Rembourrage d’aéronefs
  • Techniques d’usinage
  • Tôlerie de précision
  • Traitement de surface
  • Usinage sur machine

L’École des métiers de l’aérospatiale de Montréal possède des annexes sur les sites des aéroports de Québec, Trois-Rivières et Mirabel, également gérées par la CSDM.

http://ecole-metiers-aerospatiale.csdm.ca/