Anne-Catherine Lebeau, directrice général d’Écoscéno. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

ÉCOSCÉNO : PRIVILÉGIER LA RÉUTILISATION DES DÉCORS DE SCÈNE

Les décors de scène, qu’ils servent au théâtre, au cirque, ou même en publicité, ont une durée de vie très limitée. La plupart du temps, une fois les spectacles terminés et les productions bouclées, c’est vers le dépotoir que se dirigent les matériaux utilisés. Un OBNL de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve s’est donné pour mission de récupérer ceux-ci grâce à son modèle d’économie circulaire.

Écoscéno a été créé en 2019, quelques mois avant que la COVID ne frappe le monde culturel. Salles de spectacle et cinémas ferment alors leurs portes au public, tandis que les artisans de la scène se retrouvent sans emploi. L’organisme doit alors mettre ses plans sur la glace, le temps d’évaluer la situation, mais la pandémie se révèle être un mal pour un bien, puisqu’elle lui permet finalement d’entreprendre un gros projet. « Le Cirque du Soleil avait été fragilisé par la pandémie aussi, et son équipe nous a contactés parce qu’elle avait un immense entrepôt à vider. C’est ce qui nous a donné notre coup d’envoi au début », explique Anne-Catherine Lebeau, directrice générale et cofondatrice d’Écoscéno.

Parmi ces autres grands partenaires, l’OBNL compte le Théâtre Duceppe, dont il occupe les anciens espaces d’entreposage. Écoscéno a aussi collaboré avec le Festival Juste pour rire, la TOHU, le Musée des beaux-arts de Montréal, ainsi que le Musée Stewart, qui a fermé ses portes en 2021. « On est allé récupérer plusieurs choses avant la fermeture », indique Mme Lebeau.

« On est quatre cofondatrices qui viennent du milieu des arts et on s’est rendu compte qu’on menait un style de vie qui est conscient de notre impact environnemental, mais que ce n’était pas autant le cas dans notre vie professionnelle. On s’est alors posé la question :  qu’est-ce qu’on peut faire pour changer cela?  » – Anne-Catherine Lebeau, directrice générale, Écoscéno

Dans ses espaces de la rue Dickson, toutes sortes de pièces et de matériaux sont conservés : du mobilier d’époque, des blocs de styromousse surdimensionnés, des feuilles de prélart, du textile et des panneaux peints provenant de fonds de décors. Jusqu’à tout récemment, Écoscéno recevait gratuitement les dons faits par des entreprises du monde du divertissement, pour ensuite les revendre au poids.

Selon son rapport d’activités 2021-2022, l’organisme a remis en circulation 208 tonnes de matériaux issus du milieu culturel depuis sa création.

« Principalement, les secteurs avec lesquels on travaille le plus, ce sont les arts de la scène et la muséologie. Ça serait très pertinent de le faire pour le cinéma et la télévision aussi, mais ça nous demanderait un entrepôt beaucoup plus gros. Dans le milieu culturel, il y a souvent des productions éphémères à la suite desquelles on se débarrasse des produits, non pas parce qu’ils ne sont plus bons, mais parce qu’on en a plus besoin. Dans le milieu de la publicité par exemple, les matériaux peuvent avoir une durée de vie de quatre heures! », affirme Mme Lebeau.

Les entrepôts d’Écoscéno. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

Depuis le mois de novembre dernier, l’organisme s’est vu dans l’obligation de mettre sur pause ses activités de récupération. La directrice explique que si le financement abonde pour les entreprises privées qui veulent adopter des initiatives d’économie circulaire, il existe peu de subventions pour les OBNL dans ce domaine. « En tant qu’organisme à but non lucratif, nos coûts d’opération sont payés à 50 % par du financement public. La Ville de Montréal nous a aidés à conserver nos espaces, mais nous sommes présentement en recherche de financement pour relancer le volet « récupération » à la prochaine rentrée culturelle en août », souligne la directrice générale. Cette dernière se dit certaine que les activités de récupération reprendront comme prévu et anticipe d’importantes annonces à ce sujet dans les prochaines semaines.

            « C’est très difficile de remettre en question un système une fois qu’il est bien implanté. Comment inciter des entreprises à ne pas envoyer leurs matériaux au conteneur, alors que le service leur est offert à un prix dérisoire? C’est notre défi » – Anne-Catherine Lebeau, Écoscéno

Entre temps, Écoscéno se concentre sur ses activités d’écoconception et de services-conseils au travers desquelles elle accompagne et forme les travailleurs de la scène et de la muséologie pour qu’ils créent des décors qui seront écoresponsables à la source. « C’est beaucoup plus facile de réutiliser et de recycler lorsqu’on lance un projet en ayant en tête cet aspect-là de la production », insiste Mme Lebeau. C’est ce qui a été fait avec le Théâtre Duceppe qui, dans le cadre de certaines de ses pièces, a employé des matériaux certifiés responsables, s’est approvisionné dans des chaînes de seconde main et a anticipé une deuxième vie pour les décors lors de leur conception.