Le Club de golf Métropolitain Anjou (Courtoisie CRE-Montréal/E. Langlois)

LE DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL À ANJOU SUSCITE DES INQUIÉTUDES DANS L’EST

La nouvelle publiée ce matin par le quotidien La Presse concernant la construction de trois grands bâtiments commerciaux, dont un entrepôt Costco, sur une partie du Club de Golf Métropolitain Anjou, est loin de plaire à tout le monde dans les officines de l’est montréalais. C’est que ce développement d’affaires vient gruger une bonne partie du terrain convoité par la ville-centre pour mettre sur pied le projet de Grand parc de l’Est, une superficie qui fait également partie du nouveau secteur industriel de la Pointe-de-l’Île (SIPI) dont la Ville travaille actuellement à l’élaboration d’un important plan directeur au cœur du développement industriel de l’est de Montréal. Bref, l’administration d’Anjou fait à sa tête dans ce dossier, elle qui a toujours rejeté l’idée de créer un grand parc ou espace vert à cet endroit. À sa décharge, il faut dire que les terrains à développer sont extrêmement rares à Anjou, qui voit plutôt d’un bon œil l’arrivée sur son territoire de nouvelles entreprises, question d’engraisser les goussets de l’arrondissement.

Qui plus est, EST MÉDIA Montréal a appris cet après-midi que l’arrondissement d’Anjou a adopté une résolution lors du dernier conseil municipal en début novembre qui prévoit une demande à la ville-centre pour un changement de zonage de quatre lots dans une zone « parc » pour être convertis en « zone industrielle ». Il s’agit en fait d’un grand terrain toujours propriété du Golf Métropolitain Anjou, mais convoité par le Groupe Broccolini qui désire y construire une bâtisse industrielle. Selon les documents de l’arrondissement, on parlerait d’un projet de plusieurs centaines de millions de dollars pouvant créer un millier d’emplois lors de la construction, et le double lorsque le complexe serait en opération.

Caroline Bourgeois espère plus de concertation

La responsable des dossiers de l’est au sein du Comité exécutif de la Ville et mairesse de l’arrondissement de RDP-PAT, Caroline Bourgeois, ne s’oppose pas aux trois projets de construction du propriétaire du terrain, la famille Di Lillo, pour la bonne raison que ces projets sont légitimes selon le règlement municipal, mais elle se dit inquiète de voir un arrondissement faire cavalier seul dans un développement d’envergure du genre, alors que les acteurs de l’est se mobilisent depuis plusieurs années déjà afin de développer l’est de Montréal sous certaines bases communes, entre arrondissements. « On décontamine des millions de pieds carrés en zones industrielles en ce moment afin de rendre disponibles des terrains qui, on l’espère, vont amener des entreprises par exemple plus vertes, technologiques, qui vont offrir de belles perspectives d’emplois dans l’est de Montréal. D’un autre côté, tout l’est s’entend pour dire qu’il faut aussi améliorer et créer des zones vertes sur le territoire. Alors lorsqu’on entend que des entrepôts viennent s’installer et prendre des centaines de milliers de pieds carrés en zone stratégique, dont une bonne partie pour du stationnement, même si je n’ai rien contre Costco, je ne suis pas certaine que l’on va dans la bonne direction », avance Caroline Bourgeois.

Caroline Bourgeois (photo courtoisie Ville de Montréal).

Si le développement en cours est sans recours pour la ville-centre, c’est que cette dernière, malgré un droit de préemption en cas de vente qu’elle a imposé en 2018 sur ce territoire, ne peut empêcher le propriétaire de développer le terrain en zone commerciale et de louer à des tiers. La Ville aurait pu agir si le propriétaire avait voulu vendre ses lots. Toutefois, ce sera une toute autre histoire avec le projet de Broccolini nous dit l’administration Plante. « On ne connaît pas encore exactement la nature du projet qui nécessiterait un changement de zonage de parc à industriel, mais chose certaine, il faudra que ce projet s’inscrive dans la vision commune de développement pour l’est de Montréal. Ça reste à voir », déclare Caroline Bourgeois.

Déception au CRE-Montréal

Par voie de communiqué, le Conseil régional de l’environnement de Montréal a exprimé aujourd’hui sa « grande déception » de voir une partie du Club de Golf Métropolitain Anjou disparaître au profit d’un développement commercial tel qu’annoncé par La Presse. Selon l’organisme, la construction de trois grands bâtiments et de vastes stationnements de surface viendra accentuer les problèmes d’îlots de chaleur, de fragmentation du paysage naturel et d’obstacles posés à la mobilité active, déjà omniprésents dans cette partie de l’Île de Montréal.

« C’est désolant de constater la disparition d’un des rares poumons verts du secteur. Le développement vient priver la collectivité montréalaise d’un parc de plus de 100 ha alors que les besoins d’accès à la nature sont criants », souligne Emmanuel Rondia, directeur général du CRE-Montréal. « Dans l’optique de créer une grande trame verte dans l’Est, il faut s’assurer que la moitié nord du golf soit épargnée, car en plus d’agir comme zone tampon pour les milieux sensibles du parc-nature du Bois-d’Anjou, cette partie du golf présente un fort potentiel de conversion en parc récréatif accessible aux résidents comme aux travailleurs », ajoute Charles Bergeron, responsable Développement urbain durable.

Selon le CRE-Montréal, la création de ce « Grand parc de l’Est », dont la vision est semble-t-il partagée par nombreux partenaires communautaires, institutionnels et scientifiques, permettrait d’accélérer l’atteinte des objectifs de création d’aires protégées, contribuerait à rétablir le déficit d’espaces verts dans l’est de l’île, et de desservir de nombreux résidents et travailleurs aux prises avec des îlots de chaleur.