Pierre Lessard-Blais, maire de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (Courtoisie)

DÉPART DE PIERRE LESSARD-BLAIS : LE MAIRE DE MHM S’EXPLIQUE ET REVIENT SUR SES MANDATS

Après huit années à la barre de l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM), son maire, Pierre Lessard-Blais, a annoncé la semaine dernière qu’il ne se représentera pas aux prochaines élections municipales de novembre 2025. EST MÉDIA Montréal s’est entretenu avec l’élu pour connaître les raisons derrière cette décision et passer en revue les dossiers marquants de ses deux mandats.

La nouvelle est tombée jeudi dernier, alors que La Presse révélait que M. Lessard-Blais ne serait pas dans la course pour obtenir une troisième chance de diriger l’arrondissement. Dans un message publié sur les réseaux sociaux, celui-ci affirme avoir pris cette décision parce qu’il souhaite partir en voyage pour « découvrir le continent et participer davantage à l’éducation de [ses] enfants ».

En entrevue, ce dernier dévoile que son choix est le résultat d’une longue réflexion qui implique un autre facteur important : le départ de Valérie Plante à la tête de sa formation politique, Projet Montréal. « J’étais certain qu’on s’enlignait vers un troisième mandat de Valérie Plante. Puis, quand elle a dit : « Je brasse les cartes », cela m’a amené à faire beaucoup de réflexions. Je crois que cela a été un acte très courageux de sa part, mais a brassé les cartes pour moi aussi, parce que jusqu’à là, je n’avais pas eu de réflexion concernant mon troisième mandat. Donc cela a changé des choses que je prenais comme des certitudes. Je me suis demandé, si la mairesse quitte, moi qu’est-ce que ça me tente de faire et je n’étais pas dans cette réflexion-là jusqu’à présent », explique le maire de MHM.

Ce dernier affirme qu’il considère le mandat d’élu municipal comme un rôle « sacré », qu’on ne peut quitter en cours de route. Impossible donc pour M. Lessard-Blais de s’imaginer délaisser ses fonctions avant des élections. « Durant mes deux premiers mandats, je voulais avant tout être le maire de MHM », insiste-t-il, ajoutant qu’il a souhaité « mettre la pédale au plancher » dans le cadre de son travail au sein de l’arrondissement, quitte à ne pas prendre d’autres responsabilités, comme rejoindre le Comité exécutif de la Ville de Montréal.

« Je me suis dit, est-ce que je continue avec une énergie si intense en sachant que dans quatre ans, mes enfants vont être en âge pour le secondaire? Et je savais que les sacrifices allaient soit se poursuivre, soit s’intensifier », raconte le maire.

Tous ces facteurs ont fait en sorte qu’il ne se voyait pas poursuivre un troisième mandat dans MHM. La décision a été prise avec « tristesse » et « deuil », confie-t-il, puisqu’aucun travail n’a jamais été aussi emballant que celui d’être à la tête de l’arrondissement. Par ailleurs, à la veille de son quarantième anniversaire, M. Lessard-Blais ne ferme pas la porte à d’autres défis « professionnels ou politiques ».

Réussites

Lorsqu’on lui demande quelles ont été ses plus grandes réussites lors de ses deux mandats, le maire n’hésite pas à aborder d’entrée de jeu la question environnementale. « Lorsque je me suis présenté pour la première fois en 2013, puis à ma victoire en 2017, je n’avais pas à l’époque une fibre environnementale particulièrement forte. Mais avec la crise climatique, ça s’est vraiment intensifié chez moi, ce besoin d’agir en ce sens. Nos mesures environnementales, c’est vraiment ce dont je suis le plus fier », assure l’élu.

La liste à ce propos est effectivement longue. Que ce soit la préservation des boisés Steinberg ou Vimont, sa prise de position contre le prolongement du boulevard de l’Assomption ou encore l’avancement de l’épineux dossier avec Ray-Mont Logistiques, qui a mis fin à sa poursuite de 373 M$ contre la Ville de Montréal dans le cadre d’une entente entre les deux parties : M. Lessard-Blais reconnait que beaucoup d’actions environnementales ont été menées dans le quartier de L’Assomption-Sud. « L’ampleur des gains depuis 2017 dans ce quartier, si tu regardes les cartes avant mon élection et aujourd’hui, c’est formidable », soutient-il.

Un autre effort remarquable de son administration, dont on parle trop peu souvent de son avis, c’est l’accroissement du nombre d’arbres plantés par les services de l’arrondissement. « Avant que j’arrive, on plantait entre 400 et 700 arbres par année et maintenant on en plante entre 2000 et 2500. On est donc à quatre fois plus d’arbres plantés par année. (…) C’est cet été qu’on a planté le dix-millième arbre de mon administration », affirme le maire. Fait à noter : MHM coupe en moyenne 500 arbres chaque année, lorsqu’ils sont malades ou endommagés.

Par ailleurs, la création de 30 km de pistes cyclables sécurisées dans l’arrondissement, un prix remporté au Conseil régional en environnement sur les modifications réglementaires environnementales, ainsi que la création du plus gros parc éponge à Montréal au parc Pierre-Bédard sont toutes des réussites citées fièrement par l’élu dans son bilan.

Il n’y a pas qu’au niveau environnemental que son administration a su accumuler les bons coups, insiste le maire, puisque MHM en a fait beaucoup pour améliorer la qualité de vie des résidents dans les huit dernières années.

Au niveau des installations publiques, c’est sans contredit la remise à niveau de la bibliothèque Maisonneuve qui aura été le joyau de la couronne de son administration. Après trois années de travaux dont l’enveloppe s’est élevée à 42,6 M$, cet édifice patrimonial a retrouvé ses lettres de noblesse.

La création d’une nouvelle place publique au cœur de Tétreaultville, prévue cette année à l’angle des rues Des Ormeaux et Hochelaga, laissera aussi sa marque comme un succès de l’administration Lessard-Blais. Ce dernier s’est d’ailleurs évertué à remettre à neuf les installations publiques dans les parcs afin de prolonger leur durée de vie. Par exemple, on peut penser aux travaux effectués l’an dernier au parc Raymond-Préfontaine, avec son nouveau chalet et la mise à jour de son planchodrome. « On a fait le choix de ne pas ouvrir de nouveau gymnase dans Hochelaga parce qu’on en a déjà deux dans le quartier et parce qu’il n’y en a aucun dans Mercier-Ouest. Aussi, nos édifices tombent en ruine. (…) Alors on a fait le choix de rénover plutôt que d’aller dans le clinquant en ouvrant une nouvelle installation que l’on ne pourra pas entretenir par la suite », justifie le maire.

Autre gros dossier qui a marqué son passage à la mairie : la création d’un projet structurant dans l’est. Si l’élu assure toujours être en faveur de la mise en place d’une ligne de transport reliant la ligne verte du métro de Montréal jusqu’aux banlieues de l’est, il dit être satisfait du fait que la première mouture présentée par CDPQ Infra, le fameux REM de l’est, ne verra pas le jour. « On avait beaucoup trop de questions pour la Caisse de dépôt qui demeuraient sans réponse et ils ne se voulaient pas assez rassurants », explique-t-il. La version proposée par CDPQ Infra projetait de faire passer la ligne du train léger sur rail sur la rue Sherbrooke Est avec des installations aériennes, ce contre quoi plusieurs citoyens et membres de la société civile s’opposaient vivement.

Dossiers à clore

Et s’il devait changer quelque chose dans la manière dont il a mené certains dossiers, s’y prendrait-il différemment? « Quand je me suis lancé dans ma première course à la mairie en 2013, une de mes principales préoccupations, c’était la gentrification. Malheureusement, la situation a continué de prendre de l’ampleur », résume-t-il.

Il y a plus de dix ans, l’embourgeoisement dans MHM se vivait principalement dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, mais aujourd’hui, c’est tout l’arrondissement qui est touché par la hausse des loyers. « Maintenant, ton trois et demi, il est rendu à 1500 piastres dans Tétreaultville, c’est fou! », s’alarme-t-il. La crise de l’habitation doit être un enjeu du ressort de tous les paliers de gouvernement et les investissements du provincial et du fédéral tardent à venir pour soutenir la création de logements abordables, croit le maire.

« L’État n’est pas capable de suivre le rouleau compresseur de la gentrification », se désole M. Lessard-Blais, qui rappelle qu’encore 600 unités de logements sociaux sont en attente d’être construites sur une demi-douzaine de terrains à MHM. Il affirme que des efforts importants ont tout de même été déployés par son administration pour endiguer la crise du logement, dont la mise en place d’une des réglementations les plus sévères à Montréal en ce qui concerne l’encadrement des logements à court terme du type Airbnb.

Enfin, avant son départ de la mairie en novembre prochain, M. Lessard-Blais souhaite conclure certains dossiers. En outre, il veut « bien terminer » l’espacement de la collecte des ordures, désormais instauré sur l’ensemble du territoire de l’arrondissement. « On va bientôt avoir des annonces en ce sens-là », annonce-t-il. Le conseil municipal devrait aussi se positionner sur l’entente hors cour avec Ray-Mont Logistiques et attend ainsi le rapport de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) pour avancer en ce sens.

Enfin, le maire dit attendre un autre rapport de l’OCPM, cette fois-ci au sujet du projet de la transformation résidentielle du centre d’achat Place Versailles, pour demander que soient ajoutés davantage de logements sociaux dans les plans du promoteur.