Le métro ne serait pas une option pour remplacer le REM de l’est selon les experts. Image courtoisie CDPQ-Infra.

PAS DE DENSITÉ, PAS DE MÉTRO POUR LES QUARTIERS EXCENTRÉS

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Pourquoi l’option d’un Réseau express métropolitain (REM) a-t-elle été choisie dans l’est de Montréal plutôt que de prolonger les lignes de métro existantes? La nouvelle technologie de type « métro léger » proposée par la Caisse de dépôt du Québec est en ce moment déployée dans l’ouest de la métropole, mais sera-t-elle adaptée aux quartiers de l’est? Rien n’est moins certain, selon deux sommités en gestion urbaine.

En effet, l’ex-présidente-directrice générale et fondatrice de l’Agence métropolitaine de transport (AMT), Florence Junca-Adenot, croit que les grands projets de transport structurant, tels que le REM, nécessitent une planification exhaustive et détaillée. C’est seulement à la fin de cette analyse que l’on pourra choisir judicieusement le mode de transport qui répondra aux besoins visés.

Cette dernière se dit « allergique » aux projets de transport où l’on décide les tracés et les modes de transport avant la planification d’un projet. « Normalement, ça demande un diagnostic, un examen de la situation. Il faut répertorier les carences et les besoins en transports sur le terrain. C’est une planification qui doit parfois anticiper 30 ou 50 ans à l’avance comment se développera un territoire. Il est donc nécessaire de déterminer en amont quel sera le rabattement vers les stations de transport collectif. C’est à la suite de tout cela qu’on choisit le mode de transport le plus adapté », souligne la professeure adjointe au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM.

Florence Junca-Adenot. Photo: Courtoisie UQÀM

Or, c’est plutôt l’inverse qui a été fait lorsqu’a été présentée la première mouture du REM de l’est par la filiale de la Caisse de dépôt, CDPQ Infra. « Il fallait trouver une solution rapide pour remplacer les 350 autobus par jour qui traversent le pont Champlain, qui allait être refait (NDLR : le nouveau pont a été livré en 2019) par le gouvernement canadien. L’ARTM avait alors recommandé un Système léger sur rail (SLR). C’est ce mode qui a été choisi pour le REM de l’ouest. Puis, lorsque le gouvernement du Québec a demandé à CDPQ Infra de concevoir un réseau pour l’est, on a simplement opté pour le même mode », explique Mme Junca-Adenot.

Maintenant que le projet du REM de l’est a été repris par les agences publiques de transport et par la Ville de Montréal, l’experte espère qu’on prendra en considération les perspectives métropolitaines de l’est montréalais. « D’où viennent les gens qui travaillent dans l’est? C’est une question qui est importante, parce qu’on sait qu’ils viennent de Montréal, mais aussi de la Couronne Nord, de Terrebonne et de Repentigny, et ce en plus grand nombre que du centre-ville. Ne faudrait-il pas alors créer un réseau qui offre des options à ces gens? », se questionne la professeure.

Quant au mode à privilégier pour l’est, Mme Junca-Adenot reste ouverte à plusieurs options. « Il peut être préférable de ne pas multiplier les modes de transport dans les gros projets de réseaux structurant, parce que chaque mode vient avec une infrastructure : des garages, un centre de contrôle, du matériel roulant différent. On pourrait donc vouloir prolonger le réseau existant, comme cela est en train de se faire sur la ligne bleue du métro », indique-t-elle.

Toutefois, il est aussi judicieux de tenir compte de la densité de la population qui va se rabattre sur le réseau prévu. Dans le cas de l’est de Montréal, une trop faible densité pourrait faire en sorte que le métro ne soit pas une option rentable. « Si au bout de ta ligne tu as seulement une dizaine de personnes qui montent à bord de ta rame de métro, ça ne vaut pas la peine d’étendre aussi loin le réseau. » Dans ce contexte, du matériel roulant plus léger, comme un SRB ou un tram, peut offrir une option plus adaptée à la demande locale.

Pas de densité, pas de métro

Selon Michel Labrecque, ancien président du conseil d’administration de la Société de transport de Montréal et actuel président directeur général du Parc olympique, construire de nouvelles stations de métro le long du tracé proposé par le REM de l’est ne serait pas une solution viable. « À un milliard la station, en dollar d’aujourd’hui, ce serait un non-sens. Tu ne peux pas implanter une station de métro dans un environnement pavillonaire comme à Rivière-des-Prairies par exemple. Tu ne peux pas justifier un coût de 10 $ par usager alors que ça coûte 10 sous à Berri-UQAM. Il n’y a pas un réseau de transport en commun dans le monde qui ferait ça », avance-t-il.

Est-ce que le REM serait alors la solution dans l’est? Le gestionnaire ne veut pas se prononcer actuellement. « Je ne sais pas. Projeter un réseau structurant de ce type ne se fait pas sur un coin de table, en quelques semaines. Ça demande beaucoup d’études, des années même pour justifier une telle infrastructure. Il faut que les arguments soient solides et le projet présenté en toute transparence. Il y a encore beaucoup trop de questions en ce moment avec le projet du REM de l’est, mais peut-être que c’est le meilleur moyen. On verra ce que présentera bientôt l’ARTM. »

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Michel Labrecque, pdg du Parc olympique et ancien président du c.a. de la STM (photo : EMM).

Michel Labrecque est aussi d’avis qu’il faudra tenir compte des besoins réels des résidents de l’est en termes de transport collectif. Si un nouveau lien vers le centre-ville n’est pas à négliger, la mobilité « intra-est » semble plus problématique actuellement, du moins selon les données de la STM et de l’ARTM. « Il n’y a pas que le REM, je pense qu’il faut considérer d’autres solutions comme les SRB qui sont très efficaces, moins intrusifs et aussi beaucoup moins chers. Les nouveaux bus sont beaucoup plus confortables qu’avant, on a l’horaire sur son téléphone, on peut même savoir le nombre de places disponibles en temps réel, etc. Est-ce qu’on devrait offrir plus de stationnements incitatifs aux abords de stations, est-ce qu’on peut instaurer plus de navettes en périphérie qui vont amener les gens au métro? Est-ce que dans certains cas c’est l’automobile qui est la solution la plus efficace? Il y a une multitude d’options, c’est pour ça qu’il faut prendre le temps pour réaliser les expertises, parce qu’on parle d’un projet qui structurera un territoire pendant 100 ans. La responsabilité est énorme, la place à l’erreur est mince », affirme M. Labrecque.

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