Un campement sur le bord de la rue Notre-Dame au début du mois de janvier (Emmanuel Delacour/EMM)

DÉMANTÈLEMENT DU CAMPEMENT NOTRE-DAME : UNE SITUATION TOUJOURS CRITIQUE UN MOIS PLUS TARD

Un peu plus d’un mois après le démantèlement partiel du campement situé aux abords de la rue Notre-Dame Est, les conditions de vie de personnes en situation d’itinérance dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve ne se sont pas améliorées, constatent les intervenants du milieu.

« Les premières journées à la suite du démantèlement, il y avait beaucoup de campeurs qui se sont retrouvés ici. On a aussi coordonné avec l’ouverture de notre halte de nuit, alors on s’est aussi retrouvé avec plusieurs campeurs là aussi », explique Michelle Patenaude, directrice générale du CAP St-Barnabé, un organisme d’intervention auprès des personnes en situation d’itinérance.

Michelle Patenaude, directrice générale du CAP St-Barnabé (Photo tirée de LinkedIn)

Depuis le démantèlement du 2 décembre dernier, les ressources d’aide du quartier sont complètement saturées, constate Mme Patenaude.

Selon des données récemment colligées par l’organisme, plusieurs demandes d’hébergement d’urgence doivent être refusées chaque jour. Dans la nuit de lundi à mardi, le CAP St-Barnabé s’est vu forcé de refuser l’accès à 27 personnes à cause d’un manque de lit.

L’organisme opère trois établissements d’hébergement d’urgence dans le quartier, en plus d’une halte de nuit en marche depuis le début du mois de décembre. « Sur ma capacité de 30 personnes à la halte la nuit dernière, 36 personnes différentes se sont présentées. C’est la moyenne que nous avons présentement. Entre 30 et 40 personnes chaque nuit à la halte. Les gens attendent en moyenne 3 semaines sur les chaises avant d’avoir un lit », souligne Mme Patenaude.

Créée il y a trois ans, cette halte nocturne, qui ouvre ses portes de 17 h à 7 h 30 du lundi au dimanche, au 1475 avenue Bennett, n’a jamais connu un aussi grand achalandage, se désole-t-elle. Les années précédentes, le site avait une capacité d’environ 20 places, mais était moins surchargé. « Là, on le sent vraiment, j’ai mes 350 places régulières, dix places de plus dans ma halte et je déborde encore du cadre. On le voit bien, c’est difficile dans le contexte actuellement. »

Faute de pouvoir se réchauffer adéquatement la nuit, les personnes qui se retrouvent dans la rue s’exposent à plusieurs dangers, incluant des engelures et un risque d’hypothermie. « Nous hospitalisons environ une ou deux personnes par jour présentement pour des enjeux de santé (détresse respiratoire, engelure, plaie) », rapporte la directrice générale.

Un homme de 55 ans a été retrouvé mort le 15 décembre dernier à la place Simon-Valois, dans Hochelaga-Maisonneuve. Le Service de police de la Ville de Montréal privilégiait la théorie de l’hypothermie pour expliquer la cause de son décès.

Un démantèlement inutile

Pour les membres du collectif Refus Local, le démantèlement de décembre dernier n’aura fait qu’empirer la situation, vulnérabilisant davantage les personnes visées. « Avant les Fêtes, on a perdu la trace de certains des résidents le long de Notre-Dame. Ce sont des gens qui recevaient des services du CLSC, de l’Anonyme, de Dopamine. Donc ces personnes-là avec qui ça été un long travail d’établir un lien de confiance, elles sont parties », se désole Léandre Plouffe, membre du collectif et organisateur communautaire du comité BAILS.

Le 2 décembre, le ministère des Transports du Québec, propriétaire du terre-plein de la rue Notre-Dame Est sur lequel campent plusieurs personnes sans domicile fixe, a procédé à une expulsion des occupants sur trois sites précis : entre les rues Joliette et Aylwin, à l’angle « est » de l’avenue Bourbonnière et au sud du parc Morgan.

Selon Éric Groleau, aussi membre du collectif, les personnes qui demeurent toujours le long de la rue « tentent de survivre » avec les « moyens du bord ». « Cela étant dit, c’est tout de même mieux qu’elles aient une tente plutôt qu’être obligées de se réfugier dans une porte pour se mettre à l’abri du vent. Le campement leur donne une protection supplémentaire ; c’est la moins pire des solutions », affirme-t-il.

Les membres du collectif militent pour la fin des démantèlements des campements des personnes en situation d’itinérance et pour la mise en place d’un soutien technique pour assurer la santé et la sécurité des individus qui s’y trouvent.

Toujours plus d’aînés à la rue 

Pour sa part, Mme Patenaude doit adapter plus que jamais les services offerts par son organisme afin d’affronter la nouvelle réalité de l’itinérance à Montréal. Actuellement, un nombre croissant de personnes sans domicile se trouvent dans la tranche d’âge des aînés.

La moyenne d’âge au CAP St-Barnabé est de 63 ans, autant pour les hommes que les femmes, révèle-t-elle. « J’ai plus de 130 personnes de 55 ans et plus. La plus vieille personne au CAP a présentement 85 ans », affirme la directrice générale.

Ces personnes ne parviennent pas à trouver de place dans une résidence privée pour aînés ou en centre d’hébergement et de soins de longue durée, malgré leur âge avancé ou leur état de santé. « J’ai deux messieurs de 85 et 86 ans qui sont depuis longtemps dans la rue. Ils sont rendus à l’étape de planifier des soins palliatifs, parce que l’un d’entre eux a un cancer et l’autre doit se faire opérer à la hanche, et cela risque d’affecter grandement sa qualité de vie. On veut s’arranger pour leur trouver des places dans des logements adaptés à notre maison transitoire Viau pour qu’ils puissent recevoir leurs soins. C’est important pour nous, c’est une question de dignité. »