INCURSION DANS L’IMMENSE « MAGASIN GÉNÉRAL » DE LA SAQ
Dans le cadre de notre série Découvertes, EST MÉDIA Montréal vous propose aujourd’hui une visite guidée des impressionnants entrepôts et centres de services de la SAQ situés dans l’Est de Montréal, dont le fameux Centre de distribution qui approvisionne pratiquement l’ensemble du Québec en vins, spiritueux et bières d’importation. Rappelons que c’est aussi sur ce site, précisément sur la rue Tellier, que la SAQ a rapatrié son siège social en 2017 ainsi que la totalité de ses volets administratifs qui occupaient autrefois le légendaire édifice Au-Pied-du-Courant. C’est donc plus de 1 000 employés de la société d’État qui convergent quotidiennement, ou presque, dans ce secteur industriel de Mercier qui abrite également, à l’ouest de la SAQ, la Garnison Montréal des Forces canadiennes, où transitent en grande partie l’ensemble du matériel acheté par l’armée. Preuves que l’Est de Montréal est vraiment une plaque tournante en termes de logistique de transport au Québec, mais aussi au Canada.
Le volumineux terrain de plus de deux millions de pi2 où sont situées les installations de la SAQ est donc extrêmement stratégique puisqu’il donne directement accès au Port de Montréal, aux voies ferroviaires et aux importants axes routiers que sont les autoroutes 25 et 40, et la rue Notre-Dame. Le terrain, qui appartient à la société d’État depuis les années 1960 (l’entrepôt principal est opérationnel depuis 1976), est par ailleurs enclavé par l’autoroute 25, l’avenue Souligny et la rue Notre-Dame. Les trois quarts des marchandises de la SAQ arriveraient du port par conteneurs, 15 % par trains routiers (principalement des producteurs américains) et 10 % par train. Environ 200 « équipements », soit des trains routiers ou des conteneurs, arrivent chaque semaine au Centre de distribution de Montréal.
Démesurément… efficace
Arriver la première fois en automobile sur ce site est en quelque sorte faire la découverte d’un genre de village industriel aux couleurs de la SAQ. Centre de service primaire, administration, entrepôt de la SQDC, centre de service pour les titulaires de permis (surtout restaurants et bars), il est possible, comme nous, que vous vous trompiez de « gate » avant que l’on vous redirige gentiment vers la bonne entrée… du bon bâtiment. À notre décharge, il faisait tempête le jour de notre visite et les indications étaient quelque peu enneigées. Mea culpa.
Les bottes secouées, le registre d’entrées-sorties signé à la demande du garde de sécurité (ne s’immisce pas qui veut dans l’antre de la Société des Alcools du Québec), nous voilà donc accueillis par Linda Bouchard, sympathique agent d’information de la SAQ qui a rendu possible la visite des installations.
Rapidement, nous nous retrouvons ainsi dans le bureau de la directrice de la distribution de la SAQ, Édith Walcott, elle-même accompagnée par le directeur du Centre de distribution de Montréal, Maxime Blais, qui nous livrent pendant une vingtaine de minutes une entrée en matière et un exposé des plus intéressants sur l’historique et l’ampleur des installations, tout en répondant aux questions du tac au tac. Par la suite on enfile un dossard de sécurité, on laisse le cellulaire derrière nous et nous voilà prêts à faire le tour des principaux bâtiments à l’invitation du trio. Honnêtement, nous ne pouvions nous imaginer à quel point notre demande pouvait s’avérer aussi exigeante, mais au fil de la visite, on comprend bien que ces impressionnantes installations et la logistique qui en découle ne s’expliquent pas en quelques minutes vite fait. La collaboration et l’ouverture des employés de la SAQ, il faut le souligner, ont été vraiment appréciées.
Donc, pour rejoindre le lieu de notre premier bâtiment à visiter, soit le Centre spécialisé de Montréal, où sont entreposés les produits et les commandes destinés aux titulaires de permis et aux licenciés (restaurants, bars, événements, hôtellerie, etc.), on passe alors des bureaux administratifs du service de la distribution directement à l’usine d’embouteillage de vin et d’alcool, soit l’ancienne « Maison des Futailles » que la SAQ a vendue en 2006 à l’entreprise Kruger, qui opère toujours les lieux.
La « MDF » est l’une des trois grandes entreprises au Québec où l’on embouteille pratiquement tous les vins qui sont vendus dans les épiceries et les dépanneurs, mais aussi certains vins et spiritueux qui se retrouvent dans les succursales de la SAQ (produits réguliers). Ce sont des vins et des alcools qui arrivent en vrac de partout dans le monde, dont certaines marques de commerce font partie des grands vendeurs dans l’ensemble du réseau (gamme des vins Bù de la sommelière Jessica Harnois, par exemple, embouteillée toutefois par l’entreprise Constellation Brands). L’usine de Kruger met également en bouteille l’eau québécoise de marque Eska.
Perché du haut d’une passerelle menant directement au Centre spécialisé de Montréal, il est impressionnant de voir, d’entendre… et de sentir (!) la chaîne d’embouteillage en action, qui selon nos données, fournirait environ 20 % de tous les vins commercialisés au Québec. Ces millions de bouteilles produites chaque année n’ont donc pas à faire un long parcours avant de se retrouver dans le Centre de distribution de Montréal.
La chaîne d’embouteillage traversée, nous voilà alors aux portes du Centre spécialisé de Montréal. Selon Mme Walcott et M. Blais, il s’agit du « petit » entrepôt de la SAQ destiné au marché des restaurants, bars et autres licenciés au Québec. Selon nous, la vision s’apparente plutôt à un gigantesque entrepôt d’IKEA, sauf que dans la section du genre « E-3874 », et toutes les autres qui s’alignent à perte de vue, ce sont des caisses de vins et spiritueux, dont plusieurs sont ouvertes. « C’est vraiment ce qui caractérise cet entrepôt car beaucoup de commandes de cette clientèle incluent des produits en petites quantités, un assemblage de quelques bouteilles qu’il faut trier et manipuler à la pièce. Ce n’est pas que ça bien sûr, mais ça fait partie du quotidien de cette division », explique Mme Walcott.
Quoique tous les produits arrivent initialement au Centre de service de Montréal, c’est dans le Centre spécialisé que sont redirigés les produits destinés à la clientèle des « licenciés », hors du réseau des succursales de la SAQ et des détaillants autorisés (épiceries, dépanneurs). Quelques 150 employés y travaillent, de jour comme de nuit, cinq jours par semaine, alors que le Centre de service de Montréal opère six jours par semaine, 24h sur 24.
On expédie, à partir de cet entrepôt d’une superficie d’environ 200 000 pi2, l’équivalent de quelque 50 000 caisses de produits alcoolisés par semaine à travers tout le Québec. Les commandes des clients y sont triées et assemblées, les produits « timbrés » afin d’en confirmer les droits acquittés et la traçabilité, pour être finalement acheminées vers l’un des 14 quais d’expédition.
Tout cela a l’air plutôt simple à première vue, mais il faut être sur place pour constater l’ampleur d’une telle logistique et le fourmillement incessant qui l’entoure. Se promener dans des allées et des allées de « racking » d’une hauteur d’un triplex, où se promènent une armée de chariots élévateurs qui chargent et déchargent des caisses de vins et autres alcools, quand ce ne sont pas des individus qui montent et redescendent dans des nacelles pour prendre ici et là des bouteilles à l’unité, ça nous sort de notre quotidien, disons. Et c’est plutôt inquiétant lorsque sort des haut-parleurs, à volume élevé, la trame sonore de Star Wars alors que l’on déambule tranquillement, presque timidement, dans cet univers particulier. Une blague que nous avons trouvé très drôle, certainement plus que les deux directeurs qui se livraient en entrevue au même moment.
Cette promenade, nous a-t-on rappelé, n’était donc qu’un aperçu, une version réduite du fameux Centre de service de Montréal, l’entrepôt primaire de la SAQ d’une superficie dépassant le demi-million de pi2. En direction donc du plat principal, on revient sur nos pas, on constate que l’on embouteille un produit différent d’il y a une vingtaine de minutes à la MDF (odeur…), et nous finissons par croiser un endroit qui vaut certainement qu’on s’y attarde quelque peu.
Laboratoire
Juste avant d’atteindre le grand entrepôt, on nous invite donc à entrer dans le fameux laboratoire de la société d’État qui analyse systématiquement tous les produits distribués par la SAQ. D’une ambiance d’entrepôt et d’usine d’embouteillage, nous voilà ainsi plongés dans un tout autre univers où béchers, fioles, microscopes, éprouvettes et autres instruments de base d’un laboratoire scientifique côtoient de nombreux équipements d’analyse de haute précision.
C’est dans ce labo sophistiqué que sont analysés par exemple le taux de sulfites d’un vin, sa teneur en alcool, son taux de sucre résiduel, même son goût et ses arômes seront étudiés par des spécialistes, tout comme on validera les indications inscrites sur l’étiquette du produit, et la qualité du français utilisé. « Notre laboratoire est reconnu mondialement pour l’excellence et la rigueur de ses analyses, et nous avons d’ailleurs des contrats provenant d’un peu partout dans le monde pour ce service en dehors de produits distribués par notre réseau. Lorsqu’un produit passe tout le processus du contrôle de la qualité de la SAQ, cela devient souvent une donnée précieuse pour les producteurs, d’où qu’ils viennent », affirme Maxime Blais.
Atelier mécanique
Laissant la sympathique équipe à sarrau, on arrive finalement à quelques pas du Centre de service de Montréal, le gigantesque entrepôt où convergent tous les produits que l’on retrouve dans le réseau de la SAQ et chez les détaillants autorisés. Mais avant de débuter la promenade dans ces quelque 500 000 pi2 de vins, bières et spiritueux, le directeur des installations attire notre attention sur une aire enclavée à l’entrée de l’entrepôt. Il s’agit de l’atelier mécanique où l’on répare notamment les dizaines de chariots élévateurs de toutes capacités et de toutes grandeurs qui s’évertuent dans les allées. Caractéristique commune : ils sont tous propulsés par des moteurs électriques, un élément majeur qui explique d’ailleurs le surprenant niveau sonore relativement bas que l’on perçoit en se promenant dans l’entrepôt.
En plus d’entreposer une multitude d’immenses batteries de chariots, qui sont aussi en train de se recharger, l’atelier est équipé d’une grande quantité d’outils de toutes sortes servant à presque tous les corps de métier pouvant être appelés à intervenir dans un cadre industriel : électriciens, plombiers, mécaniciens, ébénistes, machinistes, la SAQ possède ses propres ouvriers spécialisés afin d’assurer le bon roulement de ses infrastructures et de ses équipements au quotidien. Toute sa flotte de véhicules est d’ailleurs entretenue et réparée sur place. « Notre chaîne de logistique est assez grande et complexe pour justifier aisément l’embauche permanente de ces employés spécialisés qui ont toujours du travail à faire soit pour réparer, soit pour l’entretien de nos équipements. Même quand on doit usiner une pièce d’équipement compliquée, on peut le faire sur place. Il n’y a pas grand-chose dans nos opérations que nous ne pouvons régler à l’interne », explique M. Blais.
Centre de distribution de Montréal
S’il ressemble évidemment à son petit frère, soit au Centre de distribution spécialisé, l’entrepôt primaire est beaucoup plus vaste que ce dernier, plus que deux fois et demi plus grand en fait. C’est carrément une immense superficie où s’enlignent des dizaines d’interminables et haute rangées remplies de caisses d’alcools, à travers lesquelles zigzaguent autant de chariots élévateurs en mouvements qui semblent perpétuels.
Ce ballet entre les aires d’entreposage et les quais de chargement-déchargement se déroule ainsi six jours par semaine, 24 heures sur 24. Plus de 16 millions de caisses ont transité par le Centre de service de Montréal l’an dernier, dont la capacité d’entreposage est de cinq millions de caisses. « Nous atteignons pas mal notre seuil maximal de stockage dans les mois de septembre, octobre et novembre afin d’approvisionner le réseau de la SAQ et les distributeurs autorisés lors de la période des Fêtes, qui équivaut à environ 20 % des ventes de l’année », soutient Maxime Blais.
Au cœur des opérations de ce centre de distribution se trouvent pas moins de… 47 portes de chargement (!) pour accueillir la marchandise et procéder à l’expédition des commandes. Un genre d’îlot central qui sert de quartier général logistique est stratégiquement implanté au centre du très long quai, une quasi tour de contrôle des arrivées et des sorties de camions où gravitent plusieurs employés, surtout des opérateurs de chariots-élévateurs. On retrouve également pas très loin de ce centre de contrôle les équipements pour timbrer les produits avant expédition.
S’il y a évidemment des activités constantes tant au niveau de la réception de marchandises qu’à celui de l’expédition, ce serait surtout en début de semaine que serait concentrée la distribution dans le réseau de la SAQ. « La majorité de nos clients, qui sont en fait nos succursales et distributeurs autorisés, désirent recevoir leurs commandes en semaine si possible car ils veulent remplir leurs tablettes avant le week-end. Donc on a beaucoup plus d’expéditions généralement en début de semaine », nous dit le directeur du Centre de distribution de Montréal, communément appelé « CDM » au sein des employés de la SAQ.
Une flotte de 29 camions et quelque 200 remorques dessert le CDM et le Centre spécialisé de Montréal, soit l’une des plus grandes du genre au Québec excluant les bannières d’alimentation. Selon Maxime Blais, chaque camion, qui vaut environ 160 000 $, sillonne les routes du Québec une dizaine d’années avant d’être mis au rancart, accumulant en moyenne 1.5 million de kilomètres. Leur entretien est entièrement fait au CDM, par les mécaniciens de la SAQ. À noter que plusieurs de ces camions sont munis d’une motorisation hybride et fonctionnent au biodiesel, et qu’un tout premier camion-porteur de 28 pieds 100 % électrique devrait arriver cette année directement de l’usine Lion, dans les Laurentides. Finalement, pour rester dans le thème routier, soulignons que la SAQ utilise que le transport par camion pour acheminer ses produits et qu’il lui est interdit de passer dans les tunnels compte tenu que les spiritueux sont considérés produits inflammables.
SQDC et Web
Les installations administratives de la SAQ dans l’Est montréalais abritent également le siège social de la Société québécoise du cannabis, la SQDC, qui est une entité qui possède sa propre équipe de gestion mais qui partage avec la SAQ les services de TI et de RH, ainsi que le Centre de distribution de la SAQ provenant des commandes du site saq.com.
Si les commandes Web de la SAQ sont en constante progression, surtout depuis les cinq dernières années (le service est offert depuis une quinzaine d’années), le volume généré est toutefois bien en deçà des 250 000 caisses de produits expédiées chaque semaine par le CDM, ou encore des 50 000 caisses du Centre spécialisé. Tout dépendant de la saison et des promotions, entre 2 000 et 15 000 caisses sont commandées sur saq.com par semaine, dont 95 % vont être récupérées par les clients dans une succursale du réseau. « Il s’agit encore d’un marché de niche, pour une clientèle avant tout intéressée par des produits de spécialités, pour la cave à vin par exemple. C’est d’ailleurs en bonne partie pour cette raison que nous n’offrons pas tous les produits de la SAQ en ligne, mais une sélection de produits. Par contre, celle-ci augmente d’année en année », explique Mme Walcott.
Centre de distribution de Québec
La SAQ possède un autre entrepôt à Québec afin de desservir les régions à l’Est de la Capitale nationale. D’envergure beaucoup moins grande toutefois que celui de Montréal, l’entrepôt de Québec reçoit chaque semaine du CDM de trois à sept remorques de produits, dépendant de la saison, ce qui correspond à environ 90 % de son approvisionnement total.
En plus d’assurer en grande majorité l’approvisionnement des distributeurs autorisés (bannières d’alimentation) au Québec, le CDM dessert environ 60 % des succursales et agences de la SAQ, alors que l’entrepôt de Québec approvisionne bon an mal an un peu moins de 200 succursales et agences. Tous les points de service de la SAQ au Québec sont également approvisionnés par la flotte et les chauffeurs de la société d’État, sauf pour environ 15 % des livraisons qui sont confiées à l’entreprise privée, généralement en régions éloignées.
En terminant, si le sujet vous intéresse, on nous dit qu’il est fort possible que le public soit invité à visiter l’an prochain une partie de ces installations de la SAQ dans l’Est de Montréal, dans la cadre des festivités entourant le 100e anniversaire de la société d’État. On vous en reparle, le cas échéant!