Photo tirée du site montreal.ca

DÉCONTAMINATION : LES PROJETS PRIVÉS TARDENT, LE SECTEUR PUBLIC ACCÉLÈRE

La prochaine vague de décontamination dans l’est de Montréal sera vraisemblablement concentrée au niveau des terrains du secteur public, soit ceux des trois paliers de gouvernement et du secteur institutionnel. C’est que selon les données actuelles de la Ville de Montréal, les demandes de financement pour aider à la décontamination des sols dans les zones industrielles du SIPI (RDP-PAT, Anjou et Montréal-Est) et Assomption Sud-Longue-Pointe se font encore rares depuis l’entrée en vigueur le 2 mars dernier du programme spécial découlant du premier 100 M $ promis par le gouvernement Legault pour décontaminer l’est. Mais pour le secteur public, qui bénéficie enfin d’un appui de taille pour décontaminer ses terrains en zones industrielles dans l’est montréalais, c’est tout le contraire.

«Le nouveau programme de financement pour la décontamination des sols, convenu dans le cadre de la collaboration Montréal-Québec pour la revitalisation de l’est, vient vraiment changer la donne. Cette fois, l’aide est assez importante pour que les administrations publiques investissent enfin dans la décontamination de leurs terrains sans avoir nécessairement un projet de développement sur ceux-ci à courts termes. C’est vraiment ça la bonne nouvelle puisque le processus de décontamination sera accéléré, mais il faut tout de même définir l’usage futur de ces terrains afin de déterminer le type de décontamination à faire, car les niveaux de décontamination ne sont pas les mêmes d’un usage à l’autre», affirme Caroline Bourgeois, mairesse de RDP-PAT et conseillère associée au développement économique et responsable de l’Est de Montréal au sein du Comité exécutif de la Ville.

Les usages futurs de ces terrains du secteur public sont d’ailleurs au cœur des nouveaux plans directeurs de développement des secteur Assomption Sud-Longue-Pointe et du SIPI (celui-ci devrait être déposé cet automne à la suite des consultations publiques de 2019-2020). On connait donc, nous dit-on à la Ville de Montréal, les usages futurs, ou du moins probables, pour la plupart des terrains du domaine public dans ces zones, ainsi que la caractérisation de ces sols (niveau et type de contamination). «Sur les 100 M $ de financement spécial accordés par Québec, on estime que 60 M $ iront pour des projets dans le secteur public et pour des entreprises considérées comme non-polluantes mais aux prises avec des terrains contaminés, alors que la balance devrait être utilisée par les entreprises qui sont à la source de la contamination de leurs terrains, souvent on parle ici de lourdes contaminations», avance Caroline Bourgeois. Si le deuxième 100 M $ promis par la CAQ d’ici la fin de leur présent mandat se concrétise, cette somme devrait aussi être consacrée aux terrains d’entreprises aux activités contaminantes ou anciennement contaminantes. Rappelons que pour l’instant, certaines industries lourdes, comme les pétrolières par exemple, ne peuvent bénéficier de ce programme spécial de financement (la responsabilité de décontaminer leur appartient de loi).

Caroline Bourgeois, mairesse de RDP-PAT et responsable des dossiers de l’Est au sein du Comité exécutif de la Ville de Montréal (photo : EMM).

Sur la vingtaine d’entreprises «non-polluantes» identifiées par la Ville dans le SIPI et le secteur Assomption Sud-Longue-Pointe aux prises avec des terrains contaminés, qui ont toutes été contactées lors de l’entrée en vigueur du programme de financement, aucune en date d’aujourd’hui ne se serait manifestée pour entreprendre un projet de décontamination.

Pas de projet, pas de décontamination

Le nerf de la guerre pour décontaminer des sols dans le secteur privé, surtout lorsque l’on vise des grandes surfaces en zones industrielles, demeure bien sûr le développement de nouveaux projets. «Il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui ont les reins assez solides pour investir par exemple 750 000 dollars seulement en caractérisation d’un terrain, en études pour déterminer le type de contaminants et l’ampleur du problème. Et là on ne parle pas des travaux de décontamination, alors imaginez les coûts lorsque le terrain est de un ou deux millions de pi2… c’est extrêmement dispendieux, même si l’entreprise a droit à des subventions», explique Mathieu Germain, directeur développement stratégique chez SANEXEN, une firme spécialisée notamment en réhabilitation et décontamination de sols contaminés.

Et si la contamination des sols peut être un frein au lancement d’un projet, compte tenu des coûts et du temps de réalisation pour effectuer la décontamination, il ne s’agit pas du seul problème pour développer et revitaliser les zones industrielles de l’est de Montréal. L’absence d’infrastructures de base fait aussi, et très souvent, exploser les coûts d’implantation. On parle ici d’égouts, d’électricité, de routes, etc. «C’est bien sûr l’autre grand champ d’investissement pour redynamiser ces zones industrielles, car dans bien des cas, il n’y a aucune ou très peu d’infrastructures pour desservir les terrains à décontaminer. Il s’agit de gros investissements, encore plus importants que la décontamination, que doivent et devront se partager les promoteurs, la Ville de Montréal et les gouvernements dans les prochaines années. Ça va prendre définitivement de l’aide de Québec et d’Ottawa dans une prochaine phase au niveau des infrastructures, surtout lorsque l’on considère que dans l’est de Montréal il y aurait environ 48 millions de pi2 à décontaminer», soutient la mairesse de RDP-PAT.

Pour ces raisons, on préfère parler aujourd’hui d’une revitalisation de l’est qui s’étalera sur une trentaine d’année facilement en zones industrielles, mais dont le départ est déjà amorcé dit-on tant du coté de Québec que de Montréal. D’ailleurs lors des récentes consultations publiques du SIPI, on parlait justement d’un horizon de 30 ans pour le prochain plan directeur.

Avantages du programme de financement

Pour être admissible, une demande de financement pour la décontamination des sols dans le SIPI et dans Assomption Sud-Longue Pointe doit inclure les éléments suivants:

  • Respecter les lois et règlements en vigueur au Québec, notamment la Loi sur la qualité de l’environnement;
  • Prévoir la réhabilitation complète du terrain contaminé;
  • Lorsque possible, favoriser le traitement des sols excavés;
  • Prévoir l’utilisation d’un système de traçabilité approuvé par le MELCC.

Les travaux de réhabilitation devront être réalisés dans un délai maximum de 60 mois à compter de leur date d’admissibilité. Un délai supplémentaire de 24 mois, avec pièces justificatives valables, pourra être accordé dans le cas d’une décontamination in situ.

L’aide financière représente de 60 à 75 % des dépenses admissibles des projets, selon la date de dépôt de la demande de subvention:

  • Subvention de 75 % pour toute demande complète déposée avant le 1er janvier 2022;
  • Subvention de 60 % pour toute demande complète déposée à partir du 1er janvier 2022.

Il n’y a aucun plafond d’aide financière, sauf pour les anciens lieux d’élimination de matières résiduelles où les aides financières admissibles ne peuvent dépasser 500 000 $ par projet. La somme des subventions municipale et des aides fédérales et provinciales pourra atteindre jusqu’à 100 % des dépenses admissibles des projets de décontamination.

Les demandes suivantes ne sont pas admissibles:

  • Les travaux de réhabilitation qui ont débuté avant la date à laquelle la demande de subvention a été déclarée admissible;
  • Un terrain contaminé où se déroulaient, le ou après le 24 avril 1997, des activités d’enfouissement et autres activités de même type;
  • Un terrain contaminé dont le propriétaire est inscrit au RENA;
  • Des travaux admissibles bénéficiant d’une autre subvention municipale.

Le dossier spécial Environnement 2020 a été rendu possible grâce à la collaboration des partenaires suivants :