Photo: Emmanuel Delacour/EMM.

DANS LES COULISSES D’URGENCES-SANTÉ

Que se cache-t-il derrière les murs du bâtiment situé au 6700, rue Jarry Est dans l’arrondissement de Saint-Léonard ? À l’insu du quidam, l’édifice d’Urgences-santé est le centre administratif de l’organisme, le plus grand fournisseur de services préhospitaliers au Québec, 40 % des appels d’urgence de la province étant traités par cette corporation.

Sur le terrain 24 heures sur 24, sept jours par semaine, les équipes d’Urgences-santé doivent être prêtes à intervenir à tout moment, quelles que soient les conditions météorologiques et peu importe le moment de l’année. Cette véritable fourmilière d’employés s’affaire à préparer le matériel déployé sur place et à aider les équipes dépêchées lorsque la vie des citoyens est en jeu. Au total, les trois centres de la région métropolitaine, situés à Saint-Léonard, Lasalle et Laval, comptent près de 1700 employés.

Pour le commun des mortels, Urgences-santé, c’est avant tout les techniciens ambulanciers paramédics qui sillonnent les rues de Montréal et de Laval. Pratiquant ce métier depuis une vingtaine d’années, Mélanie Piché a cette profession dans le sang. « Mon père était paramédic avant moi et travaille désormais chez les répartiteurs médicaux d’urgence, en tant que chef d’équipe. Donc de père en fille, j’ai suivi ses pas, et j’aime dire que je suis née dans l’ambulance tellement j’ai ma profession à cœur », insiste celle-ci.

Mélanie Piché, technicienne ambulancière paramédic. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

En deux décennies de carrière, celle-ci a connu toutes sortes d’événements marquants, autant tragiques que merveilleux. « J’ai fait des accouchements, j’ai réanimé des gens, j’ai sorti des personnes dans des positions incroyables. On voit des choses que le grand public ne connaît pas. Des événements marquants, j’en connais au moins une fois par mois », souligne l’ambulancière. Cette dernière explique que durant une journée moyenne, les techniciens ambulanciers peuvent répondre à quatre ou cinq appels durant leur quart de travail de dix heures.

Ce métier, en constant mouvement, est très exigeant, mentalement et physiquement, admet Mme Piché. « Il faut se garder en forme, car c’est dur pour le corps. » Au niveau psychologique, les équipes paramédicales peuvent aussi compter sur le soutien de près de 50 pairs aidant qui peuvent leur apporter du support moral.

D’ailleurs, selon le plus récent rapport d’activité d’Urgences-Santé (2021-2022), « le recours au programme de pairs aidants offert aux paramédics et aux répartitrices et répartiteurs médicaux d’urgence demeure l’un des services phares du programme de prévention en santé psychologique en répondant à plus de 140 demandes de soutien, soit un bond de 130 % comparativement à l’année précédente ».

Mélanie Piché. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

Mais en arrière des 1000 paramédics de l’organisme, il y a aussi une armée d’employés présents avant le déploiement des équipes sur le terrain. Chaque ambulance est dotée d’une panoplie de matériel médical : bombonnes d’oxygène, défibrillateurs, brancards et même des pelles et du sel pour déglacer les entrées d’habitation afin de faciliter les interventions. « On a assez d’oxygène pour faire Montréal-Québec là-dedans », s’exclame Mme Piché.

Derrière chaque porte et portière du véhicule d’urgence se trouve un appareil, souvent sous format compact, qui pourrait sauver une vie. Tout cet équipement doit être chargé quotidiennement dans les ambulances et c’est un régiment d’une centaine de préposés employés par l’organisme qui s’assurent que leurs collègues paramédics ne manquent de rien durant leurs interventions.

La flotte de véhicules d’urgence de la corporation est elle aussi impressionnante. Elle compte environ 200 ambulances au total, mais aussi d’autres voitures et fourgonnettes qui sont dépêchées en assistance aux paramédics lors de situations exceptionnelles. Urgences-santé possède même un poste de commandement mobile déployé lors d’événements majeurs. On a fait appel à celui-ci lors de la récente tragédie impliquant un chauffeur d’autobus qui est entré en collision avec une garderie de Laval.

Une dizaine de mécaniciens sont à l’emploi d’Urgences-santé dans le centre de Saint-Léonard. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

Tous ces véhicules – on en compte 120 au centre de Saint-Léonard – demandent une attention constante. Pour éviter les bris, plus d’une vingtaine de préposés à la mécanique sont à pied d’œuvre quotidiennement dans les garages d’Urgences-santé, dont une dizaine dans le centre de Saint-Léonard.

Urgences-santé en chiffres 

Selon le rapport d’activité 2021-2022 de l’organisme, 333 625 appels ont été reçus au centre de communication d’Urgences-santé. Les répartiteurs médicaux d’urgence ont ainsi répondu à une moyenne de 914 appels par jour et de ceux-ci, 268 195 interventions ont été effectuées par les paramédics afin de venir en aide aux citoyens, soit une moyenne de 735 interventions par jour à Montréal et à Laval. Ces dernières ont mené à 205 455 transports dans un établissement du réseau de la santé. Le temps de réponse systémique aux appels de priorité 0 (le plus haut niveau d’urgence) a été de 7 minutes et 3 secondes.

Selon le dernier sondage de 2021 effectué auprès des appelants entre septembre et décembre 2020, le taux de satisfaction était de 98 % à l’égard des services offerts.

Le centre de répartition des appels. (Photo: Courtoisie Urgences-santé).

Répartition d’un appel d’urgence

Lorsqu’on fait le 911, des répartiteurs de Montréal ou de Laval prennent d’abord l’appel, selon le territoire de provenance. À Montréal, c’est le Service de police de la Ville de Montréal qui est responsable de transférer les appels au centre d’Urgences-santé lorsque l’intervention de techniciens ambulanciers paramédics est requise.

« La centrale est partagée en deux. Son premier volet est celui chargé de prendre les appels. Une centaine de répartiteurs médicaux d’urgence (RMU) sont employés par l’organisme. Des équipes de RMU appliquent quotidiennement le protocole pour évaluer l’état de la personne au bout du fil. Dans un deuxième volet, les appels sont ensuite relayés à des RMU dont le rôle est de faire la répartition des paramédics sur le terrain et d’assurer le suivi de l’intervention en cours », explique Jean-Pierre Rouleau, porte-parole corporatif et chef de service chez Urgences-santé.

À l’ère du numérique, toutes les opérations sont relayées sur les ondes radio, mais aussi sur un système informatique, auquel ont accès les techniciens dans leur ambulance. Au centre de commandement, les événements peuvent être suivis en direct sur un mur d’écrans surnommé la mosaïque, où sont diffusés les informations sur le positionnement géographique des équipes, le nombre de lits disponibles dans les hôpitaux à proximité et d’autres données indispensables au travail des équipes.

Jean-Pierre Rouleau, chef d’équipe chez Urgences-santé. (Photo: Emmanuel Delacour/EMM).

Entre-temps, une équipe de superviseurs du Centre de gestion des opérations (CGO) garde un œil sur tout ce qui se passe, tant au niveau de l’affectation, qu’au niveau du déploiement ambulancier. « Ceux-ci doivent anticiper, entre autres grâce aux données historiques, les moments où il risque d’y avoir un « peak » dans la demande des services d’urgence, afin que l’on puisse avoir le personnel nécessaire sur le terrain », affirme M. Rouleau.

Malgré tous ces effectifs, Urgences-santé doit relever un défi commun à toutes les organisations en ce moment : le manque de personnel. « C’est un enjeu partout, tant au niveau des paramédics que chez les répartiteurs d’urgence. On embauche et on invite les gens qui ont un intérêt pour ces professions à consulter notre site internet pour connaître les emplois disponibles. Évidemment, pour ce qui est des paramédics, on est à la merci du niveau de diplomation. Pour être paramédic, il faut une technique ambulancière, mais si je veux en engager 100, mais qu’on en diplôme seulement 60 cette année, alors il y a un manque à gagner de 40… Il y a aussi un enjeu de rétention, les gens restent moins longtemps dans un même métier. Ceux qui sortent des écoles, les entreprises en santé font tout pour les avoir, parce que la réalité est la même partout ailleurs », souligne le chef de service.

Photo: Emmanuel Delacour/EMM.


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