Les habitations du Domaine La Rousselière, situées dans Pointe-aux-Trembles et récemment mises à l’abri du marché spéculatif (Emmanuel Delacour/EMM)

CRISE DU LOGEMENT : DES ENTREPRISES D’ÉCONOMIE SOCIALE À LA RESCOUSSE

L’est de Montréal doit faire face aux nombreux défis liés à la crise du logement, tels que la hausse des loyers, l’amélioration du parc locatif et l’enjeu de l’itinérance. Des entreprises d’économie sociale, comme Bâtir son quartier et la Corporation Mainbourg, œuvrent activement pour trouver des solutions visant à accroître l’offre de logements communautaires pour les populations plus vulnérables.

Edith Cyr, la directrice principale de Bâtir son quartier, précise que la mission de l’entreprise d’économie sociale « n’est pas de répondre directement à la hausse des loyers », mais plutôt de contribuer à « développer du logement communautaire, social, abordable et qui répond à une multitude de besoins des ménages à faibles et moyens revenus ».

Edith Cyr, directrice générale de Bâtir son quartier (Courtoisie)

Un mandat qui rejoint celui de la Corporation Mainbourg, un organisme d’économie sociale propriétaire et gestionnaire d’immeubles à vocation communautaire de Pointe-aux-Trembles. « On cherche à aider les gens qui ont un faible revenu, on a des logements qui sont subventionnés. On augmente le prix des loyers moins rapidement qu’un propriétaire privé le ferait », explique François Claveau, le directeur général de l’organisme.

Un autre enjeu majeur dans le secteur immobilier est l’amélioration du parc de logements. Selon Edith Cyr, les initiatives de Bâtir son quartier à cet égard se déclinent en trois volets : la préservation, l’acquisition et la construction. « On peut préserver ce qui existe dans le logement communautaire, pour que tout ce qui est déjà sans but lucratif le demeure. On va aussi intervenir dans l’acquisition de nouveaux logements. Quand un parc de logements abordables dans le secteur privé est mis en vente, il faut qu’on puisse l’acheter pour qu’il reste abordable. Et on va aussi construire des nouveaux logements », indique Mme Cyr. 

François Claveau, directeur général de la Corporation Mainbourg (Courtoisie Jean-François O’Kane)

La Corporation Mainbourg s’engage elle aussi à faire des acquisitions immobilières pour « maintenir les logements qui sont abordables actuellement », nous rappelle M. Claveau. Le meilleur exemple de cette initiative demeure l’acquisition en 2023 du Domaine de la Rousselière à Pointe-aux-Trembles. Le directeur général de l’organisme préconise cette approche plutôt que la construction de logements neufs. « Ce n‘est pas parce qu’on va construire plus de logements que ça va nécessairement permettre de réguler le marché. Actuellement, ce qui se construit, en grande majorité, c’est du logement qui n’est pas abordable pour la classe moyenne », souligne-t-il. 

Prévenir l’itinérance 

Les enjeux de l’immobilier et de la crise du logement restent étroitement liés à l’itinérance. Comment une entreprise d’économie sociale consacrée à l’immobilier peut-elle agir pour s’attaquer au problème? Mme Cyr croit que la prévention de l’itinérance passe par la construction d’un plus grand nombre de logements « abordables et pérennes ». « Parce que si on a en masse de logements qui sont accessibles, une partie de la population ne se retrouvera pas dans l’itinérance », résume-t-elle. 

Lorsqu des citoyens se retrouvent à la rue, il est également essentiel, selon Mme Cyr, de développer des solutions de logement pour y faire face. « Il se fait des refuges en ce moment, mais ce n’est pas un milieu de vie. C’est seulement temporaire. Ce que l’on souhaite, c’est que tout le monde ait un logement adapté et permanent. » 

La Corporation Mainbourg se montre elle aussi soucieuse d’agir rapidement vis-à-vis de la crise d’itinérance actuelle par l’entremise de la création de projets concrets. « On va déposer dans les prochaines semaines un projet de construction de 36 studios dans Pointe-aux-Trembles avec un partenaire qui est spécialisé dans l’itinérance », annonce M. Claveau. 

Selon lui, une autre manière de prévenir cet enjeu de société est de donner une chance à la clientèle vulnérable. « On va être ouvert à prendre des arrangements quand quelqu’un a de la difficulté à payer son loyer », donne-t-il en exemple. 

Des solutions à la crise du logement 

Mme Cyr se réjouit du fait que de plus en plus d’acteurs du milieu de la construction immobilière reconnaissent la gravité de la crise du logement, ce qui constitue déjà un aspect positif pour l’avenir. « Pendant longtemps, tout le monde ne reconnaissait pas que la situation était difficile. En ce moment, tous les acteurs le reconnaissent et ont le goût d’être mis à contribution. Le gouvernement cherche des solutions, il investit dans des programmes. »

Pour la directrice générale de Bâtir son quartier, l’ultime solution réside toutefois dans l’ouverture d’un large dialogue à l’échelle nationale. « On aurait besoin d’un grand chantier qui nous permettrait de faire de la planification à long terme. L’immobilier a besoin d’avoir un peu de perspective, de prévisibilité. Je pense qu’on est capable de ça au Québec. On est mûr pour ça », partage-t-elle avec optimisme. 

Cette approche correspond à la vision de M. Claveau, qui estime que la classe politique gagnerait à se concentrer davantage sur la planification plutôt qu’à annoncer des projets chaque année. « Il faut avoir une prévision sur 5 ans, avance ce dernier. Même le privé parle beaucoup de prévisibilité. C’est pareil pour le communautaire. » 

Le directeur général de la Corporation Mainbourg pense aussi que le gouvernement devrait investir davantage, et ce, le plus rapidement possible. « Est-ce qu’on peut mettre l’argent qu’il faut pour sortir de la crise maintenant? Pas dans 10 ans! », martèle-t-il.   


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