
L’Église Saint-Clément, dans le quartier Viauville (Emmanuel Delacour/EMM)
21 mars 2025CRISE DE L’ITINÉRANCE : LES ÉGLISES VACANTES DE L’EST ENVISAGÉES COMME SOLUTION
Québec solidaire annonçait la semaine dernière une proposition de reconversion de certaines églises vacantes montréalaises en lieux d’accueil pour les personnes en situation d’itinérance. Selon le plan d’action envisagé, ces refuges d’urgence seraient gérés par les Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS), qui s’occuperaient d’abord de la location des locaux auprès du diocèse de Montréal.
Cette initiative fut saluée par le Comité de pastorale sociale Centre-Sud/Hochelaga-Maisonneuve, un regroupement de croyants et de croyantes qui avait déposé un mémoire sur l’itinérance proposant cette même avenue lors des consultations de l’Office de consultations publiques de Montréal (OCPM) du 17 février dernier.

Daniel Duranleau, membre du Comité de pastorale sociale Centre-Sud/Hochelaga-Maisonneuve (Courtoisie)
Certaines églises situées dans l’est de Montréal servent déjà de lieux d’accueil pour des personnes en situation de vulnérabilité, indique Daniel Duranleau, membre du Comité de pastorale sociale Centre-Sud/Hochelaga-Maisonneuve. « Dans Hochelaga, il y en a certaines, dont l’église Sainte-Jeanne-d’Arc, qui est près du métro Joliette. L’église est vacante, mais le sous-sol sert de refuge pour le Cap Saint-Barnabé. » Le comité souhaite également rappeler que les paroisses encore en activité « seraient ouvertes pour accueillir les personnes qui souhaitent venir se poser et réfléchir ».
En quoi la mission de son comité s’aligne-t-elle avec l’annonce faite par Québec solidaire ? M. Duranleau, lui-même impliqué dans la paroisse de l’église de la Nativité de la Sainte Vierge à Hochelaga, précise que, bien que leur action soit plus restreinte que celle de la formation politique, grâce à leurs bénévoles, ils sont en mesure « d’indiquer dans chaque quartier quelle église sera ouverte pour accueillir les itinérants, en plus de servir de lieu de réflexion et de prière pour ceux qui souhaitent prier. »

Guillaume Cliche-Rivard, député de Québec solidaire dans Saint-Henri–Sainte-Anne (Courtoisie Québec solidaire)
Québec solidaire a pris les devants auprès du diocèse de Montréal pour établir une liste de bâtiments disponibles. Sans pouvoir divulguer le nom des paroisses visées, Guillaume Cliche-Rivard, député de Québec solidaire dans Saint-Henri–Sainte-Anne et responsable solidaire en matière d’itinérance, précise que « le diocèse a demandé de garder les lieux spécifiques entre nous, pour une discussion éventuelle avec le gouvernement ». Au moment de la rédaction de cet article, le diocèse de Montréal n’avait pas encore communiqué sa position sur le projet à l’équipe d’EST MÉDIA Montréal.
Avec ce projet, on vise essentiellement une « déconcentration des ressources » pour contrer l’itinérance, selon le terme utilisé par M. Cliche-Rivard. Pour lui, cela fait partie d’une initiative visant à fournir davantage de ressources aux quartiers périphériques afin de prévenir l’itinérance. « Dans l’est, après le Cap Saint-Barnabé, vous avez plus grand-chose », souligne-t-il.
Ce manque de ressources s’étend, selon lui, sur plusieurs territoires. « À Pointe-aux-Trembles, à Tétreaultville ou à Hochelaga-Maisonneuve, il y a la même rareté. Ce qu’on vise, c’est d’établir différents points de chute un peu partout dans la ville dans une échelle plus humaine. »
Le constat est le même dans le quartier Rosemont où l’itinérance, souvent discrète, n’est pas moins présente. Selon le député solidaire de Rosemont, Vincent Marissal, « l’itinérance se déplace ».
« Ça ne se passe plus seulement au centre-ville de Montréal. À Rosemont, les personnes en situation d’itinérance ne sont pas nécessairement toujours visibles en plein milieu de la rue Masson », illustre-t-il.

Vincent Marissal, député de Rosemont (EMM)
Rénovations à prévoir ?
Faudra-t-il prévoir un budget important de restauration pour les bâtiments les plus anciens avant d’accueillir des bénéficiaires? Selon M. Cliche-Rivard, certaines églises, selon leur vétusté, ne seront même pas considérées. « Il y a des lieux où on ira pas parce que c’est à l’abandon. Ça coûterait bien trop cher. » Toutefois, il reconnaît que pour certains édifices, des travaux seront nécessaires. « Il va falloir que les CIUSSS fassent quelques rénovations », indique-t-il.
D’ailleurs, le coût de rénovation ne devrait pas être un facteur dissuasif pour les décideurs. « Il n’est pas question d’acheter toutes les églises vides et de les retaper à neuf. Il faut d’abord que l’endroit soit accessible et sécuritaire, qu’il n’y ait pas de vermine, de trous dans le plafond, d’eau dans la cave », explique M. Marissal.
Mais selon le député de Rosemont, le problème en est surtout un de responsabilité politique. « Le budget, on n’y échappe pas. Il va venir de Québec. Les villes n’ont pas de budget spécifique pour les questions d’itinérance. C’est un problème d’ailleurs, parce que ce sont les villes qui ont le problème sur les bras. »
Le constat est le même chez son collègue solidaire. « Le statu quo ne peut plus fonctionner. Il y a un coût à l’inaction. Le coût est de plus en plus grand. Donc, ça va prendre un investissement », martèle M. Cliche-Rivard.
S’assurer d’une bonne cohabitation
Par le passé, les projets de refuge ont suscité de fortes réactions chez les citoyens des rues avoisinantes, comme ce fut le cas pour l’église Sainte-Bibiane dans Rosemont. M. Marissal se rappelle les débats houleux survenus autour du projet de refuge. « À Sainte-Bibiane, le problème qu’on a eu au début, c’est qu’il n’y avait pas de communication. Les rumeurs les plus folles se sont mises à courir. Quand les gens ne savent pas, quand ils n’ont pas l’information, les rumeurs s’emballent. Puis, les réseaux sociaux embarquent là-dedans. »
C’est pourquoi, tant pour le Comité de pastorale sociale Centre-Sud/Hochelaga-Maisonneuve que pour les députés solidaires, il serait primordial d’entamer des discussions avec les citoyens le plus tôt possible. « Il faut qu’il y ait du dialogue. On veut être des partenaires. Comme croyant, comme chrétien, dans nos paroisses, on veut être des acteurs positifs de recherche de solutions », avance Daniel Duranleau.
Pour Guillaume Cliche-Rivard, on doit également privilégier « une meilleure diffusion de l’information, puis un meilleur espace pour partager les craintes et les réflexions des citoyens ».
« Les gens ont raison de se questionner sur les enjeux de la cohabitation. Il faut les accompagner dans le cheminement et leur montrer ce qu’on propose. Parce que s’il n’y a pas de communication, on ne va pas y arriver », croit-il.
Selon lui, il faudra donner aux refuges les moyens de leur ambition pour apaiser les tensions. « Plus il va y avoir de ressources, plus la cohabitation va être facile. C’est l’absence de ressources qui crée un problème de cohabitation et de cohésion. Quand les gens sont dans un lieu avec des intervenants, quand ils peuvent recevoir de la nourriture, quand ils ont un lit, ils n’investissent plus les lieux publics. »